Avec plus de 2 milliards de pertes en 2024 et un programme d’investissement à plus de 16 milliards jusqu’en 2029, le temps est à la précision chirurgicale des dépenses chez Air Tahiti. Ligne déficitaire à raison de 280 millions par an, Maupiti, pourrait bien faire les frais du serrage de ceinture.
Ne pouvant plus se permettre d’attendre, la compagnie a déposé début juillet une demande de compensation au ministère des transports pour maintenir la desserte. Dans le cas contraire, la direction n’écarte pas de réduire le nombre de rotations, voire de suspendre la desserte. Inconcevable pour le maire de la petite sœur de Bora Bora, située à seulement 50 minutes de vol de Tahiti. « C’est un sujet qui nous inquiète profondément (…) nous sommes plus de 32 000 habitants, c’est une commune où il y a une forte demande de tourisme, je ne peux pas imaginer qu’on puisse réduire le nombre de vols. (…) Et si on considère que pour des raisons que j’ignore, ils prennent la décision d’arrêter totalement les vols, je ne suis pas d’accord ».
Car Maupiti ne souffre pas d’un déficit de fréquentation, bien au contraire. L’île qui dépend à 90% du tourisme reçoit plus de 30 000 visiteurs par an. Et il faut s’y prendre à l’avance pour avoir un logement sur cette petite île qui a toujours refusé l’implantation de grands hôtels.
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Mais en cas de pluie, 12% des vols sont annulés chaque année. Et lorsque la météo est favorable, seuls les ATR42 peuvent se poser sur une piste de seulement 956 mètres de long. Et à condition d’avoir un nombre limité de passagers : une trentaine sur les 48 places disponibles à bord. « L’ATR 42 ne peut atterrir que par beau temps. La seule solution durable, c’est de rallonger la piste. C’est un besoin vital pour le développement économique de mon île » renchérit le maire de l’île.
Prolonger la piste : des milliards et des années de travaux
Mais pour rajouter les 500 à 1000 mètres nécessaires à l’atterrissage des ATR 42, la facture s’annonce très salée. « Une étude de faisabilité est en cours. Il faut évaluer l’impact environnemental, les coûts – qui se chiffreraient en milliards – et surtout vérifier si cette option est soutenable » précise le ministre des Grands travaux, Jordy Chan. Mais le chantier pour ce type d’infrastructure prendrait forcément un certain nombre d’années… qu’Air Tahiti ne peut pas se permettre d’attendre.
A défaut de rallonger la distance de décollage et d’atterrissage, le Pays avait placé un temps beaucoup d’espoir dans le projet d’une version STOL (Short Take Off and Landing – décollage et atterrissage court) de l’ATR 42-600. L’appareil de 30 à 50 places, promettait ainsi de décoller et d’atterrir sur des pistes courtes (800 à 1 000 mètres). Mais le nombre d’aéroports ciblés (environ 500) ayant considérablement diminué, le constructeur franco-italien a annoncé en novembre dernier l’arrêt du développement de cette variante.
Avec l’abandon du projet, le Pays se trouve contrait d’examiner un passage de la ligne aérienne en délégation de service public (DSP), comme c’est déjà le cas pour 32 aérodromes de désenclavement comprenant principalement les aérodromes des archipels des Tuamotu-Gambier (hors Rangiroa, Tikehau et Fakarava en zone libre) et les aérodromes de Raivavae et Rimatara aux Australes. « Aujourd’hui, les pertes sont rapportées par la compagnie elle-même. Avant toute décision, nous demandons une vérification par un tiers indépendant. Ensuite, nous déciderons si Maupiti doit intégrer la DSP prévue pour mi-2026 » temporise le ministre.
Si l’Apetahi Express assure une liaison régulière depuis un an, la desserte maritime ne suffira pas à répondre à la forte demande des touristes rappelle le maire de Maupiti. « J’en appelle au gouvernement, j’en appelle au président Brotherson, de prendre ce sujet à cœur, parce que nous avons besoin de ce désenclavement, non seulement par la voie aérienne, mais aussi par la voie maritime ». Pas de doute pour le tavana. Tôt ou tard, il faudra bien envisager un rallongement de la piste.