TNTV : Air Tahiti demande l’aide du Pays pour pouvoir continuer de desservir Maupiti. (Jordy Chan) a déclaré qu’il fallait vérifier les pertes chiffrées. Comment améliorer les choses ?
Moetai Brotherson, président de la Polynésie française : « D’abord c’est un problème qui se pose depuisque la piste de Maupiti est ouverte, que nous la desservons avec des ATR 42. Les options ne sont pas nombreuses. Soit il faut rallonger la piste, c’est plusieurs milliards de francs et c’est un impact sur l’environnement et le lagon magnifique de Maupiti qu’il ne faut pas négliger. Ou alors, intégrer cette ligne dans l’ensemble des lignes qui sont sur la DSP, parce qu’aujourd’hui elle est dans la partie concurrentielle, ce sont les deux options qui sont à l’étude en ce moment » .
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TNTV : Le CESEC considère que les familles monoparentales sont lésées et propose de cibler les aides selon les configurations familiales. Est-ce que c’est envisageable selon vous ?
M.B : « Tout est envisageable, tout est étudiable. Après le CESEC, ça passera à l’Assemblée, donc il y aura encore des discussions. Maintenant je veux rappeler, contrairement à certains articles complètement hallucinants que j’ai pu lire chez vos confrères de la colline d’en face, que la plupart des ménages vont voir leur situation soit demeurer identique, soit s’améliorer. Pour 84% des ménages, cette réforme se traduit soit par un maintien de leur situation actuelle, soit par une amélioration. Donc il ne faut pas non plus crier au loup » .
TNTV : On va revenir également sur cette annonce en début de semaine, un plan de décentralisation qui consiste à déconcentrer l’activité de Pepeete vers la Presqu’île. Un projet sur 12 ans, entre temps deux élections territoriales seront tenues. Est-ce que c’est vraiment faisable ?
M.B : « Tout est faisable. Vous savez, le nombre de programmes qui s’étendent au-delà d’un mandat, ce n’est pas nouveau. On ne peut pas envisager de déménager 1500 agents de l’administration, de construire 3 centres administratifs en moins de temps que cela » .
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TNTV : Comptez-vous obliger les fonctionnaires à changer de lieu de travail, à aller travailler à la Presqu’île alors que pour certains, ils habitent en zone urbaine ?
M.B : « Ce travail a été fait de manière très sérieuse par Jordy Chan, qui n’est pas quelqu’un qui mène ses dossiers à la légère. C’est parti d’abord d’une consultation des chefs de service, d’une consultation des ministres et par une enquête qui a été menée auprès de nos fonctionnaires. Une enquête très détaillée dans laquelle on leur demandait à la fois où ils habitent aujourd’hui, s’ils ont des terrains ailleurs que dans la zone où ils habitent, où sont scolarisés leurs enfants. Tout cela a été étudié de manière très fine. Maintenant, il ne s’agit pas d’obliger qui que ce soit. Il s’agit dans un premier temps de faire cela sur la base du volontariat. Je vous donne un exemple, si vous habitez Taravao, que tous les matins, vous vous levez à 3h30 pour venir travailler à Papeete et que demain, je vous propose de travailler à Taravao, à mon avis, vous me dites oui » .
TNTV : Chez nos confrères de Radio 1, Tearii Alpha a salué la vision portée dans ce projet, mais il soutient l’idée d’un nouvel hôpital face à l’augmentation de la population. Vous, vous parlez d’une clinique, pourquoi ce choix ?
M.B : « Parce que c’est très simple, un nouvel hôpital, c’est 40 milliards de francs. Nous n’avons pas 40 milliards de francs à consacrer à un nouvel hôpital dans le Sud, alors qu’une solution mixte avec une amélioration des infrastructures publiques existantes complétées par une clinique offre le même niveau de service, sinon un niveau de service meilleur, avec la possibilité d’avoir de vraies urgences à Taravao notamment, avec zéro investissement public » .
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TNTV : Vous et vos ministres étiez en séminaire, sans portable à huis clos depuis (vendredi) vous parlez donc d’action gouvernementale, vous pouvez nous en dire plus à propos de ce séminaire ?
M.B : « Oui, c’est un séminaire à 4 mois de la mi-mandature (…), il nous a semblé important de faire un bilan déjà de ce qui a été mis en œuvre, de toutes les mesures qui ont été prises, d’en évaluer peut-être les faiblesses ou les éléments qui peuvent être corrigés, améliorés, et puis de se projeter. Je pense que c’est le moment de se demander s’il n’y a pas de nouvelles priorités au global qui sont transverses, qui doivent être partagées par l’ensemble des ministères, qu’il faut inscrire sur notre horizon politique » .
TNTV : Vous venez de procéder à un nouveau remaniement cette semaine, le quatrième en deux ans. Est-ce la bonne dream team, pour reprendre vos mots ?
M.B : « Si vous regardez le nombre de nouveaux ministres, il n’y en a eu que deux, finalement. Si on compte Warren Dexter, ça fait trois, puisqu’il était déjà dans l’équipe du précédent ministre (Tevaiti Pomare), tout comme Kainuu Temarii était déjà dans l’équipe de la précédente ministre. C’est la vie politique qui veut ça, c’est aussi la vie des gens. Sur les ministres qui sont partis du gouvernement, il y en a certains que j’ai mis de côté, ce n’est pas le cas pour Nahema Temarii, qui a fait ce choix » .
TNTV : Si l’on revient sur les propos de Nahema Temari, elle a renoncé à ses fonctions parce qu’elle est mère de famille, mais est-ce que cela veut dire qu’il est difficile d’assumer des responsabilités lorsqu’on est une femme ?
M.B : « C’est un état de fait que je déplore, que j’ai déjà déploré au moment où j’ai constitué mon premier gouvernement, puisque mon objectif c’était d’arriver à la parité, et malheureusement, nombre de femmes, pourtant talentueuses, pourtant intelligentes, que j’ai contactées ont décliné en m’expliquant que la société telle qu’elle est conçue aujourd’hui ne favorise pas l’engagement politique d’une femme » .
TNTV : L’actualité, c’est aussi le fléau des drogues, la lutte contre l’ice, c’est l’un de vos chevaux de bataille, mais on constate aussi de plus en plus de cocaïne au fenua. Une étude vient de révéler que l’expérimentation de la cocaïne en Polynésie est deux fois supérieure à celle de l’hexagone. Que peut faire le Pays sinon de la prévention ?
M.B : « Il y a cette répartition des compétences qu’il faut respecter. Tout ce qui est d’ordre régalien, la sécurité, la police, la gendarmerie, ce n’est pas nous. Donc ce n’est pas nous qui poursuivons les dealers, ce n’est pas nous qui les mettons en prison. L’État a son rôle à jouer, j’estime aujourd’hui, et je le dis publiquement, que je ne pense pas que l’État fasse suffisamment en la matière, loin s’en faut. Donc nous, nous avons inscrit au précédent budget primitif 250 millions de francs que nous allons utiliser sur cette année. S’il faut déborder sur les compétences de l’État, on le fera, mais en soulignant que l’État est défaillant » .
TNTV : Le gouvernement a pris un arrêté le 23 juillet pour bloquer l’importation du matériel Starlink, alors que c’est très abordable, très efficace, et que ça mettrait un terme à l’isolement numérique dans les îles, justement. Est-ce qu’il s’agit juste de protéger les opérateurs locaux, selon vous, qui ne peuvent pas rivaliser ?
M.B : « C’est aussi très illégal d’utiliser Starlink, donc on ne peut pas décemment laisser entrer ce type de matériel pour l’instant, ce qui ne veut pas dire qu’on est opposé à ces solutions de satellite basse orbite. Simplement, nous l’avons dit depuis le début, Starlink n’est pas la seule option, et elle n’est surtout pas l’option que nous privilégions, parce qu’elle est destructrice pour l’économie locale. Et je ne parle pas simplement de l’opérateur historique, qu’on connaît tous, je parle de tous nos opérateurs. Vous avez aujourd’hui près de 3000 familles qui travaillent dans l’ensemble des opérateurs, que ce soit ceux du privé, ou ceux qui sont liés à l’OPT. Si demain, nous laissons entrer Starlink sur l’intégralité du territoire, qu’on soit clair, c’est la disparition de l’ensemble de nos opérateurs » .
TNTV : Un mot peut-être sur la Nouvelle-Calédonie. L’accord qualifié d’historique sur l’avenir du Caillou est au bord du naufrage, qu’est-ce que cela vous inspire ?
M.B : « Moi, je l’ai dit depuis le début, sur l’analyse de ce projet d’accord pour la Calédonie, c’est un débat calédonien. C’est aux Calédoniens de se proposer, de se prononcer, et c’est ce qu’ils font en ce moment avec des avis très tranchés sur la question. Ce n’est pas à nous d’aller expliquer aux Calédoniens si cet accord est bon pour eux ou pas. En revanche, ce que j’ai fait dès que ce projet a été diffusé, je l’ai lu avec mes juristes pour voir s’il y avait des parties qui pouvaient être intéressantes pour nous. C’est cela mon rôle » .