À un an et demi des élections professionnelles syndicales dans la police nationale, le syndicat Synergie-Officiers a décidé de se rendre en Polynésie française pour une tournée de contacts. C’est le conseiller technique Outre-mer national Cyril Leteuil, en poste à Papeete de 2003 à 2007, qui a impulsé les discussions entre ses collègues du fenua et le Haut commissariat. Au cœur de celles-ci, et à l’aune des émeutes de mai 2024 en Nouvelle-Calédonie, la demande d’une coopération renforcée entre les effectifs du Caillou et ceux de Polynésie française.
Points prioritaires : la lutte contre le narcotrafic, et le besoin croissant de moyens dans le renseignement. L’une des propositions de Cyril Leteuil consiste ainsi en la création d’une force de police commune entre la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie, une « compagnie régionale d’ordre public ». « L’idée, c’est de ne pas attendre qu’il se passe quelque chose pour réagir », explique-t-il. « On met en place des protocoles, des entraînements communs. »
Dans ce schéma, Papeete disposerait d’un tiers des effectifs, Nouméa de deux tiers, pour pouvoir inter-réagir d’une île à une autre « en cas de coup dur », notamment face à des troubles à l’ordre public. Sept heures d’avion séparent les deux territoires. Surtout, les agents partagent une culture commune, souligne Cyril Leuteuil.
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« Ce sont des gens du Pacifique, capables de pouvoir gérer des situations de troubles à l’ordre public.» Car en mai 2024, début des émeutes à Nouméa, aucun renfort depuis la Polynésie n’a été engagé par le ministère de l’Intérieur. « Une section était pourtant prête ici, tout l’armement préparé, mais elle n’a pas été mobilisée », souligne le conseiller. Au lieu d’attendre une crise, l’objectif poursuivi par le syndicat serait d’anticiper, grâce à une organisation régionale permanente.
Autre combat du syndicaliste : l’intégration de la police nationale au sein de l’OFAST (Office anti-stupéfiants). « Ce qui m’a frappé en venant sur le territoire, c’est l’absence de représentation de la police nationale au sein de l’OFAST, alors que la lutte contre le narcotrafic est une priorité du ministre de l’Intérieur », déplore-t-il.
Synergie-Officiers propose la création d’un poste d’adjoint au chef de l’OFAST, qui resterait sous responsabilité de la gendarmerie, mais avec une représentation policière « pour mettre en synergie le travail de la lutte contre le narcotrafic, dans un espace grand comme l’Europe ».
Une complémentarité qu’il juge essentielle face à l’apparition de nouvelles routes de trafic de cocaïne ou d’ice à destination du marché australien. Sur le terrain, la coopération police-gendarmerie est « efficiente » , mais pourrait selon lui se renforcer.
« La police nationale apporte son savoir-faire, ses compétences techniques, son réseau et une complémentarité. », insiste-t-il. Une présence qui permettrait aussi de renforcer la coopération internationale, via les attachés de sécurité intérieure et les officiers de liaison. Le conseiller technique évoque également l’axe Indopacifique et le projet, porté par le ministère des Affaires étrangères, de créer un poste d’expert technique international basé à Canberra, en Australie, pour « développer une coopération technique, des échanges sur la police scientifique, le renseignement ou la lutte antiterroriste ». Objectif : tisser un réseau régional contre la criminalité organisée et la cybercriminalité.
Sur le volet renseignement, Cyril Leteuil estime qu’il faut « augmenter les moyens techniques, pour le renseignement criminel, la lutte contre l’ingérence et les infractions économiques et financières », dit-il, relevant une hausse de 40 % de ces dernières. Enfin, Synergie-Officiers porte une autre réforme de fond : la création d’un corps unique regroupant officiers et commissaires. « Le niveau d’études est aujourd’hui le même. L’idée serait d’avoir une seule école, un seul parcours et, ensuite, selon les carrières, certains termineraient inspecteur général, et d’autres, commandant divisionnaire. C’est aussi une logique d’économie », conclut Cyril Leteuil.