Dans les zones isolées, « la solution Starlink est techniquement la meilleure », admet Tehina Thuret

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C'est un sujet brûlant : celui de l’accès à internet. Google, OneWeb, Starlink : quelles solutions pour un accès à internet performant ? Pour en parler, Tehina Thuret, directeur technique d’Onati, était l'invité de l'émission Meta Fenua.

TNTV : Malgré la fibre, la 4G, voire la 5G, il y a toujours des zones où l’accès à internet est compliqué. Quelles sont les principales raisons qui expliquent cela ?
Tehina Thuret, directeur technique d’Onati :
« Les raisons sont à la fois techniques et économiques et en particulier dans les zones où il y a peu de population. On l’observe partout dans le monde. On peut prendre l’exemple de grands pays comme la France ou les Etats-Unis : quand on circule en voiture, on peut tomber régulièrement dans des zones sans aucune couverture mobile ni internet. Et du coup, la même équation se pose en Polynésie aux trois opérateurs locaux que sont Viti, Vodafone et Onati.
Et dans les îles, il n’y a historiquement que l’OPT et ONATI maintenant qui y vont. Ils doivent jongler avec les possibilités techniques et les moyens financiers à disposition, souvent dans des contextes où les installations ne seront pas rentabilisées par les îles. »

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TNTV : Un premier câble Google est arrivé jusqu’à Tahiti. Est-ce que cela va vraiment permettre d’améliorer les connexions ?
Tehina Thuret :
« De ce que j’en sais -je ne sais pas tout à propos de Google- mais je sais que Google va faire atterrir plusieurs câbles à Tahiti. Il en a besoin dans l’architecture de son réseau pour éviter des coupures de transport de ses flux. Donc, il en installe plusieurs dans tout le Pacifique et qui seraient résilients en cas de coupure même de plusieurs câbles simultanément. Donc, plusieurs câbles vont arriver à Tahiti. Le groupe OPT a été choisi par Google pour proposer et assurer des prestations techniques de maintenance et d’hébergement de ces câbles sur le territoire.
(…) Google a mis aussi en avant le concours qu’il pourrait apporter au développement de l’économie numérique en Polynésie. Le gouvernement et le président Moetai en particulier y sont sensibles et nous aussi. On a hâte de voir ce que Google pourrait apporter.
Et en dernier point, on est en discussion avec Google pour acheter des capacités sur un de leurs câbles qui remonte aux États-Unis, qui nous offrirait un secours supplémentaire à Honotua et Manatua. Donc, c’est toujours bien pour la Polynésie. Sans forcément qu’il y ait d’impact sur les offres actuelles des trois opérateurs locaux parce que les capacités de Honotua et Manatua ne sont pas utilisées en totalité. Mais ça ferait une route supplémentaire quand même. »

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TNTV : Malgré les interdictions, il y a toujours plus d’antennes Starlink au fenua. Est-ce que du côté d’Onati, vous voyez un impact sur le nombre d’abonnés ?
Tehina Thuret
: « On sait qu’il y a plusieurs dizaines d’antennes qui sont installées dans les îles, les îles principales et même les petites îles. Pour l’instant, on ne voit pas d’impact sur le nombre de résiliations importantes de nos offres actuelles, ce qui est plutôt bon signe pour nous. Mais on sait qu’au global, le chiffre d’affaires des îles représente environ 300 millions pour le groupe. Et donc, risquer de perdre autant d’argent serait difficile à supporter pour Onati. Mais pour l’instant, on ne le constate pas encore. »

TNTV : En matière d’Internet par satellite, vous avez un partenariat avec OneWeb (en remplacement d’Intelsat, NDLR). Le président Moetai a annoncé un déploiement jusqu’en 2026. Il a déclaré à l’Assemblée que d’ici septembre 2026, on aurait fait un grand pas en matière de connectivité. La population semble rester sceptique. Est-ce que OneWeb est aussi efficace que Starlink ?
Tehina Thuret : « OneWeb est la dernière touche qu’Onati apporte au raccordement des îles éloignées. On le fait depuis des années via câbles sous-marins, donc Honotua domestique pour la Société, Natitua vers les Tuamotu et les Marquises et Natitua sud vers Rurutu et Tubuai. Donc il reste encore une trentaine d’îles connectées par satellite via notre solution actuelle historique géostationnaire qui est de qualité moyenne et a un coût élevé via Intelsat.
Donc on passe en OneWeb comme le président l’a dit. On a 18 mois pour raccorder la trentaine d’îles, on en est déjà à 5 ou 6 aujourd’hui. Et OneWeb, comme les câbles sous-marins l’ont fait, améliore la connectivité entre Tahiti et l’île éloignée. Et c’est au prix de cette meilleure qualité de liaison et de débit principalement que les clients sur l’île peuvent avoir de meilleurs services. Donc ce qui va arriver pour les îles connectées par OneWeb, comme déjà précédemment sur les îles par câble sous-marin, c’est qu’ils vont pouvoir avoir toutes les offres ADSL, VDSL disponibles sur Tahiti. Donc 6 mégas, 10 mégas et 30 mégas. Avoir la 4G mobile, évidemment, ce que tout le monde a depuis longtemps, mais qui n’était pas disponible dans les îles par satellite, ça ne passait pas en 2G, GPRS. Et même la 4G home, la connexion Internet sans fil. »

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TNTV : Est-ce que vous comprenez que des professionnels se tournent vers Starlink ?
Tehina Thuret :
« La solution de OneWeb, comme je l’ai dit précédemment, connecte l’île de Tahiti au village principal de chaque île éloignée. Et ensuite la desserte locale se fait via le réseau actuel, souvent la plupart du temps en cuivre, et via éventuellement maintenant, depuis que c’est possible, la 4G aussi. Mais Onati n’a pas les moyens de déployer la fibre optique dans tous les foyers.
On a fait des calculs pour l’île de Hao. Il y a environ 200 foyers à connecter, et ça nous coûterait plusieurs dizaines de millions d’investissements, ce qui ne serait pas rentable. Donc on dit aux populations vivant dans les villages qu’ils ont accès aux services jusqu’à 30 mégas et en mobilité en 4G, data 4G, ce qui est honnêtement mieux que ce qu’ils pouvaient avoir dans le passé. Et pour ceux qui sont hors du village principal, au secteur aux Tuamotu, dans des vallées isolées des Marquises, effectivement la solution Starlink est techniquement la meilleure. »

TNTV : Vous comprenez qu’il y a peut-être une impatience aussi ? Avez-vous la possibilité d’accélérer le déploiement des solutions ?
Tehina Thuret :
« Nous on fait le maximum pour déployer nos solutions, elles ne s’adresseront pas à tous les clients, et notamment pas forcément à ceux complètement isolés, là où Starlink est objectivement une bonne solution. Maintenant les discussions pour l’introduction de Starlink se passent au niveau du Pays, avec la DGEN et l’évolution du Code, en concertation avec les opérateurs locaux, heureusement. Il faut bien comprendre que le Pays a pour objectif d’offrir la meilleure qualité de service possible à tous les Polynésiens, mais en tenant compte d’une équation globale difficile à résoudre quand même, entre les financements que les opérateurs locaux peuvent assurer et la forte concurrence qu’ils pourraient subir de Starlink, et les pertes, et le chiffre d’affaires, et du coup éventuellement les pertes d’emplois qui pourraient en découler. »

TNTV : Starlink propose un débit de 400 Mbps pour 10 200 francs par mois, est-ce qu’on a-t-il la possibilité technique d’augmenter drastiquement ces débits pour ses utilisateurs, et de s’aligner sur les tarifications de Starlink ?
Tehina Thuret :
« On va faire le maximum en ce sens-là. Les débits des offres par fibre FTTH, là où la fibre est disponible, vont augmenter aussi prochainement, pour s’en approcher de ces standards. »

TNTV : Il y a peu le groupe OPT auquel Onati appartient était en grève, et l’une des revendications était d’avoir une garantie du Pays concernant vos emplois, les antennes sont là, on l’a dit, elles sont bien là, beaucoup de Polynésiens en possèdent. Est-ce que vous avez pu avoir des garanties du Pays ?
Tehina Thuret : « Comme la presse s’en est fait écho, les discussions avancent depuis plusieurs semaines entre syndicats et directions, et parmi la dizaine de points de revendication, il y a celui du soutien que le Pays peut apporter, devrait apporter au groupe OPT. Ça fait déjà plusieurs années, plusieurs mois et même années, que la direction explique au Pays les conditions d’aménagement des télécoms sur l’ensemble du territoire, mais aussi des services postaux et bancaires, donc ce sont des discussions qui ont lieu en permanence. Et maintenant il faut trouver avec le Pays des conditions et des modalités qui permettraient au groupe OPT de poursuivre ses missions de services publics dans les îles, donc ce sont des travaux en cours. »

TNTV : Nous avons a pu avoir accès à un document concernant les discussions pour l’introduction de Starlink en Polynésie. Est envisagé notamment un partenariat avec les opérateurs locaux pour proposer des offres dédiées à destinations de secteurs comme le tourisme par exemple. Est-ce que c’est quelque chose qui vous paraît envisageable ?
Tehina Thuret :
« C’est ce qu’on veut depuis le début. On a sollicité Starlink qui jusqu’à maintenant a refusé d’avancer plus en avant vers un partenariat, donc nous pour l’instant on se concentre sur le déploiement de OneWeb d’ici à mi-2026 pour une trentaine d’îles. On fera le bilan de la qualité de service qu’on atteint grâce à OneWeb et on ne ferme pas la porte à de nouvelles discussions avec Starlink.« 

TNTV : Est-ce que cela vous paraît réaliste que Starlink accepte un partenariat avec les opérateurs locaux ? Est-ce qu’ils n’ont pas plus d’intérêt à continuer à rester là de manière officieuse ?
Tehina Thuret :
« À ma connaissance, ils n’ont pas signé beaucoup de partenariats ailleurs dans le monde, et à minima, ils demandent d’abord à être autorisés avant éventuellement de discuter avec des acteurs locaux. »

« J’ai vraiment besoin de récupérer mon antenne. Parce que comme j’habite à Hao et qu’on a un magasin, on est amenés à beaucoup travailler en ligne, et actuellement avec le débit qu’Onati nous fournit, ce n’est pas assez, ça ne suffit pas. C’est bête parce que la fibre elle arrive, mais je crois qu’elle n’est pas distribuée, elle est dans un conteneur aménagé qui est à 9 km du village. On a demandé, mais depuis, je sais pas, ils devaient faire des études sur la faisabilité, parce qu’il y a des travaux à faire, mais depuis ils n’ont pas donné suite, et ils n’ont pas distribué la fibre. Je ne sais pas s’ils l’ont distribuée à la mairie ou à l’école primaire ou au collège, mais nous on n’a pas encore accès à la fibre. Même en 4G, dans le village on a de la 4G, mais dès qu’e tu sors du village t’as pas’on sort du village, on n’a plus de 4G. La 4G ça va beaucoup plus vite que l’ADSL qu’ils font passer dans les câbles. »

« L’antenne que j’ai, c’est pour moi et ma pension. Je n’ai pas à partager avec d’autres personnes. (…) OneWeb (…) c’est peut-être une bonne chose pour ceux qui n’ont pas besoin autant d’Internet, mais nous, les pensions de famille, on a besoin d’un haut débit, parce qu’on n’est pas tout seul à la maison. On a des invités. Quand tu viens voyager dans une île aussi loin que celle-là, tu as besoin d’avoir un minimum de connexion pour l’extérieur. L’Internet qu’Onati nous fournissait, ça ne marchait pas. Quand il pleut et quand il y a du vent, il n’y a plus d’Internet. Le téléphone, tu n’entends même plus l’autre personne parler au bout. Alors que Starlink, depuis que je l’ai installé, je n’ai jamais eu de problème. Même quand il y a des vents forts, de la pluie forte et tout, tout le monde peut accéder. Ce que je voudrais que Onati fasse, déjà pour mon île, ce n’est pas de se précipiter pour mettre OneWeb en place. C’est, déjà en premier temps de faire circuler le réseau mobile Vini, parce que là, on n’en a pas autour de l’île. (…) Heureusement que j’ai Starlink, parce que j’ai mis sur mon site internet de la pension que je suis joignable par WhatsApp. »

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