« Un bonjour peut apaiser un conflit » : le credo de Vatina Deane, cheffe de la police municipale de Arue

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    À 32 ans, Vatina Deane a pris cette année la tête de la police municipale d’Arue, où elle est entrée comme simple agente en 2013. Une carrière choisie autant pour l’adrénaline du métier que pour rester auprès des siens. La jeune femme s'inscrit dans la continuité du travail de son prédécesseur et mentor, Alain Mare. Interview.

    Originaire d’Arue, Vatina Deane a choisi de consacrer sa carrière à la « ville où il fait bon vivre » . Douze ans après avoir intégré la police municipale, elle en a pris la tête en juin 2025, devenant ainsi la première femme cheffe de mutoi en Polynésie française. Pour elle, respect et proximité sont les clés de son métier.

    Une ascension qu’elle n’avait pas anticipée, elle qui se voyait plutôt intégrer le service des douanes, la gendarmerie, ou la DTPN. Des carrières qui impliquent toutes un départ pour la métropole, ce à quoi Vatina n’a jamais pu se résoudre. « De base, je n’étais pas vouée à prendre la responsabilité du service. Moi, c’était le terrain qui me plaisait. Mais mon ancien chef, Alain Mare, voyait déjà en moi une cheffe de brigade. Avant qu’il ne parte, j’étais son adjointe, et j’ai pris le relais. Aujourd’hui, je le fais pour mes agents » .

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    « Ma famille, c’est tout pour moi »

    Et pourtant, rien ne présageait une telle carrière. Son papa – et son grand-père Léonard – sont connus pour leurs compétences de charpentiers de marine, l’aïeul ayant inventé le poti marara. Sa mère, elle, travaille dans une banque, loin des métiers de la sécurité. Mais par envie d' »adrénaline » , et avec la ferme idée en tête de rester au fenua, elle saisit l’opportunité des recrutement à la PM de Arue, en 2013, sous le mandat de Philip Schyle. « Ce qui me retenait, c’était de devoir partir en France. Ma famille, c’est tout pour moi. Et surtout ma grand-mère, qui m’a élevée » , confie-t-elle.

    Cet attachement à ses proches se reflète dans sa façon d’exercer son métier. Toujours avec respect, toujours avec humanité. « L’approche avec la population passe super bien. Et c’est toujours d’avoir ce respect-là envers la population. Un simple bonjour, merci ou au revoir, c’est important pour qu’on garde la main sur notre commune, qu’on puisse avoir cette bonne approche avec la population. Un bonjour, un ia orana, ça peut apaiser un conflit. Si un administré énervé voit que tu arrives posée, que tu le respectes, il va déjà commencer à baisser le ton, à se calmer, à dialoguer » .

    Vatina se souvient d’ailleurs avec précision de sa toute première intervention sur Arue. Une querelle entre deux hommes qui aurait pu mal tourner, mais qu’elle a su gérer. « Avec mon équipe, on intervient, et tout de suite je vais vers eux, ils étaient en train de se battre, et tout de suite ils sont arrêtés. Le fait d’avoir vu une femme arriver, ça les a calmés. Il peut arriver des situations où tu as des hommes avec leur égo, ils préfèrent parler à un homme, il n’y a pas de souci. Mais s’il n’y a que des femmes, ça sera avec les femmes qu’ils vont traiter! » , sourit-elle.

    L’héritage d’Alain Mare, son mentor

    En tant que cheffe de service, Vatina sait qu’elle doit beaucoup à son ancien supérieur Alain Mare, décédé le 23 octobre 2024. « C’était un visionnaire, il voyait très loin, se remémore-t-elle. Dès que je suis entrée dans la police municipale, il savait que j’allais prendre la tête de la brigade. Beaucoup des projets que je poursuis aujourd’hui, comme la cellule Bien vivre ensemble, viennent de lui » .

    En septembre 2022. Alain Mare est à droite de la photo, Vatina à la gauche de la mairesse Teura Iriti (Crédit Photo : Ville de Arue)

    Créée en 2024, la cellule composée de deux agents agit en prévention de situations conflictuelles, comme les cas de nuisances sonores, ainsi que sur le volet délinquance. Elle intervient notamment en milieu scolaire pour la prévention contre la consommation de drogues, et suit des consommateurs de stupéfiants sur le long terme. « Cette cellule les prend en charge, a un suivi sur le moyen ou long terme pour les orienter vers des structures adaptées. L’objectif, c’est qu’ils puissent se reconstruire (…). C’est vraiment ça le gros travail de cette cellule, c’est d’assurer le suivi de ces personnes-là dans le temps. Les structures adaptées sont débordées par les situations. Nous, on a la chance de pouvoir travailler dans notre commune, de connaître notre population et de pouvoir les voir en fonction du besoin » , précise-t-elle.

    Au-delà des missions, Vatina garde surtout d’Alain Mare une manière de diriger. « Mes priorités, c’est mes effectifs. À savoir qu’on est une police municipale 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Pour moi, la priorité, c’est d’augmenter mes effectifs pour que chaque agent puisse se sentir bien, qu’il se sente bien à chaque fois qu’il vient au travail (…). Qu’ils aient envie de venir qu’en intervention, qu’ils soient à l’aise, qu’on ait l’effectif pour assurer cette continuité » .

    Car avec 20 agents sous sa responsabilité pour un peu plus de 10 000 habitants, elle estime travailler en sous-effectif. La demande a été fait à Teura Iriti, et les prochains recrutements devraient avoir lieu avant fin 2025.

    (Crédit Photo : Ville de Arue)

    Vatina espère à son tour susciter des vocations et inspirer les futur.es policier.es. « La police municipale, c’est un métier en devenir. C’est une assurance de l’emploi, avec des perspectives d’évolution. Tu as des avantages. Après, le métier en lui-même, ce n’est pas un métier facile, ça c’est sûr. Mais quand tu aides les personnes qui sont en difficulté (…) quand tu finis ton service, tu te dis que tu as accompli un bon service. Tu as rendu service à ta population. C’est ça la satisfaction pour moi » .

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