C’est un peu par hasard que Tina a intégré l’école de voile de Arue en 2008. En BTS développement de l’agriculture des régions chaudes, une orientation qu’elle a prise un peu par défaut, Tina rate ses examens. Avant de les repasser, elle décide de déposer quelques CV. À l’époque, le patron d’une entreprise d’assurances remarque son profil et le transmet à son ami, Henri Cornette de Saint-Cyr.
« Je reçois un appel. Il demande à me rencontrer. J’étais crispée, je ne savais même pas où se situait l’école de voile de Arue », raconte la jeune femme originaire de Mahina. Après deux entretiens, Tina est embauchée comme secrétaire. Sa première Saga est un vrai baptême du feu. Ce travail de secrétaire se fait en mouvement et elle le comprend très vite.
La Saga 2008 se déroule à Moorea, en juillet. « On m’avait fait passer le permis bateau, le permis côtier. Je l’ai eu les doigts dans le nez. Ensuite, j’ai été en CDD, puis en septembre 2008, ils m’ont annoncée qu’ils me gardaient. J’ai sauté de joie », se souvient elle. Elle abandonne ses études, sans aucun regret.
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La relève
Plusieurs années après, le directeur lui confie des dossiers de plus en plus importants : « À partir de 2021, Doudou m’a mis sur des dossiers de demande de subvention, que ce soit pour l’école de voile de Arue et aussi pour la Saga. À partir de 2023, je suis allée avec lui pour rencontrer les partenaires de la Saga, me faire connaître. Il m’a préparée. »
C’est en juillet 2022, lors de la Saga à Puunui, que Henri Cornette de Saint-Cyr propose à Tina de prendre la relève. S’ensuivent plusieurs mois de réflexion. La responsabilité est grande, mais Tina est prête.
Plus que la voile, qu’elle ne pratique presque pas, ce sont les enfants, et le bonheur que ces activités leur procurent, qui motive sa décision. « À mon époque, je n’ai pas eu cette occasion de pouvoir faire de la voile en classe de mer avec mon école primaire ou mon collège. (…) La voile, c’est une passion pour ces jeunes enfants. Ça les sort de l’ordinaire, de leur milieu. (…) Si je suis encore là, c’est parce que la Saga, cette action, cette opération me plaît beaucoup. Elle me tient beaucoup à cœur. (…) La Saga c’est aussi beaucoup de rencontres : des enfants en difficulté, des familles d’accueil, des agents communaux, des gens de l’île sur laquelle on se rend. On rencontre des milliers de personnes. C’est ça aussi qui fait que j’aime ce métier. »
« Si je suis encore là, c’est parce que la Saga, cette action, me tient beaucoup à cœur«
Des rencontres dont certaines, particulièrement marquantes. « Si je me rappelle bien, oui, c’était à Puunui. C’était un enfant de la Fraternité chrétienne. Il était en fauteuil roulant. C’était un gamin qui avait vraiment beaucoup de difficultés. Il ne marchait plus du tout, mais je le voyais se débrouiller pour aller sur un optimiste. Il faisait vraiment beaucoup d’efforts pour naviguer. Il m’a vraiment touchée en plein cœur. Voir un enfant qui a un handicap et qui se débrouille quand même pour aller naviguer alors que ce n’est pas facile. (…) Je me suis souvent demandée s’il reviendrait à la Saga. »
Les enfants qui intègrent l’aventure de la Saga sont sélectionnés par les services sociaux de leurs communes, mais aussi via le contrat de ville. Quelques-uns sont directement inscrits par leurs familles. Cette année, ils sont 720 jeunes. Cent parrains et 50 familles d’accueil font également partie du projet. Pour cette 33e édition, 100 personnes ont par ailleurs été recrutées : des moniteurs de voile, travailleurs sociaux, agents d’entretien, chauffeurs…
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Une 33e édition et une 17e Saga pour Tina. Elle se souvient en particulier de son passage à Huahine. « C’est une île qui me tient à cœur. J’adore cette île, les gens sont d’une sympathie. Ils sont toujours là à donner un coup de main. Quand ils voient qu’on est vraiment fatigués, ils sont toujours là à nous aider. Et puis le lagon et la plage sur le motu où on était c’est vraiment magnifique. C’est un coup de cœur. C’est vraiment l’île où on se sent comme si on était chez nous en fait. C’est la famille. Le village de Tefarerii en tous les cas quand la saga y était, c’était comme si on était en famille. »
Du partage, des rencontres, de l’émotion… et du travail. Tina et son équipe préparent déjà la Saga 2026. Suivra-t-elle le même chemin que Henri Cornette de Saint-Cyr ? « Je ne sais pas si je ferai ça jusqu’à ma retraite. Je ne sais pas ce que la vie me réserve, mais même si la voile et la technique ne sont pas mes spécialités, j’essaie de faire de mon mieux pour donner de moi, m’appuyer sur l’équipe des moniteurs, les anciens comme Gilles Vigneron, Philippe aussi. Sans eux, je ne peux pas avancer. (…) Doudou est parti à la retraite à l’âge de 75 ans si je ne me trompe pas en 31 décembre 2023. Moi, je ne sais pas du tout si je vais pouvoir arriver jusqu’à 75 ans, mais j’espère pouvoir travailler le plus longtemps possible à l’école de voile de Arue ».
Près de 22 000 enfants ont participé à la Saga depuis le début en 1993.