Ticket-restaurant Tama’a Maita’i : l’Autorité de la concurrence réclame des garde-fous

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Le projet de loi « Tama’a maitai » destiné à instaurer des tickets-restaurant pour les salariés du privé et de la fonction publique a reçu un avis globalement favorable de l’Autorité polynésienne de la concurrence (APC), qui alerte toutefois sur les risques de monopole et de dérives tarifaires pour les restaurateurs et les entreprises, préconisant une régulation stricte avant leur lancement.

Saisie le 30 octobre dernier par la présidence, l’Autorité polynésienne de la concurrence (APC) a rendu le 10 décembre son avis concernant le projet de loi du Pays relatif au projet de loi instaurant le dispositif « Tama’a Maita’i ». Présenté comme un outil de soutien au pouvoir d’achat et à l’économie locale, c’est surtout le financement de ce futur titre-restaurant – conjointement par les salariés, les employeurs et, pour les fonctionnaires, par des deniers publics – qui avait divisé le CESEC.

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L’APC, elle, s’inquiète que ce nouveau marché ne soit verrouillé par des pratiques anticoncurrentielles. En l’occurrence, que quelques émetteurs de titres ne prennent le contrôle total du secteur sur le territoire, imposant leurs conditions aux restaurateurs. « Le marché de l’émission des titres de restauration se caractérise par des barrières à l’entrée significatives, liées notamment à la nécessité d’agréer un réseau d’acceptation dense et diversifié. Dans le contexte polynésien, le risque de voir un acteur préexistant verrouiller le marché par des clauses d’exclusivité ou des mécanismes de fidélisation excessive est réel », écrit l’Autorité.

 

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Pour les restaurateurs, l’adhésion au dispositif Tama’a Maita’i implique le paiement de commissions aux émetteurs. L’APC insiste sur la nécessité de plafonner ou d’encadrer ces frais pour ne pas fragiliser les petits établissements de bouche. « L’Autorité souligne que l’absence d’encadrement des commissions de gestion pourrait conduire à un transfert de valeur disproportionné au profit des émetteurs, au détriment des restaurateurs et des commerçants affiliés. Elle recommande d’instituer un mécanisme de suivi indépendant et, à terme, la possibilité d’un encadrement temporaire des commissions si les mécanismes de marché ne permettent pas de prévenir les risques d’abus d’exploitation ».

Flexibilité pour les petites entreprises

Un autre point de friction, déjà soulevé par le CESEC, le seuil minimal de participation de l’employeur, fixé à 18 000 Fcfp par mois et par salarié dans le projet de loi. Pour l’APC, ce montant pourrait être un frein à l’embauche ou à l’adoption du titre par les petites structures. « L‘imposition d’un seuil minimal légal rigide risque de limiter l’accès au dispositif pour les très petites entreprises (TPE). L’Autorité préconise de revoir à la baisse, voire de supprimer ce seuil, en laissant aux partenaires sociaux et aux employeurs le soin de déterminer le niveau de l’avantage le plus adapté à leur situation économique réelle », estime l’APC

Enfin, l’APC pousse pour une dématérialisation rapide des titres afin de garantir la transparence et de limiter les coûts logistiques, tout en veillant à la portabilité des données pour que les entreprises puissent changer de prestataire facilement. « La portabilité des données et l’interopérabilité des systèmes de paiement sont des garanties minimales essentielles. Sans ces outils, les coûts de basculement seraient tels que les entreprises et les salariés bénéficiaires se retrouveraient captifs d’un seul opérateur, freinant ainsi toute dynamique concurrentielle sur le long terme ».

Le gouvernement dispose désormais de ces recommandations avant de présenter son texte en commission aux élus de l’Assemblée.

Les 12 recommandations de l’APC

1 – Supprimer le régime d’autorisation préalable des émetteurs de titres-restaurant
Tama’a Maita’i, ceux-ci demeurant soumis aux obligations prévues par la norme
nationale applicable et par le projet de loi du pays, notamment en matière de
sécurisation des fonds et de traçabilité des opérations.

2 – À défaut, substituer au régime d’autorisation un régime de déclaration assorti d’un
enregistrement dans un registre public, permettant à l’administration de vérifier le
respect des conditions essentielles à l’exercice de l’activité d’émetteur.

3 – En cas de maintien du régime d’autorisation, compléter le projet de loi du pays afin
de définir de manière claire, précise et limitative les conditions d’octroi de
l’autorisation, sur la base de critères objectifs, transparents et non discriminatoires,
ainsi qu’une procédure d’instruction encadrée par des délais et assortie de garanties
effectives pour les candidats.

4 – Prévoir, en toute hypothèse, la publicité de la liste des émetteurs autorisés afin de
préserver la contestabilité du marché et d’assurer un accès non faussé à la
face « émission » du dispositif.

5 – Compléter le cadre juridique applicable aux modalités d’émission et de distribution
des titres TAMA’A MAITA’I par l’inscription explicite d’un principe de neutralité
technologique et concurrentielle, afin d’éviter toute discrimination injustifiée entre
solutions techniques ou modèles économiques.

6 – Préciser les modalités d’agrément des commerces, producteurs et restaurateurs affiliés
au dispositif TAMA’A MAITA’I, afin de garantir des critères d’accès objectifs,
transparents et non discriminatoires.

7 – Fixer, à tout le moins, les principes auxquels devra se conformer l’arrêté pris en
Conseil des ministres, notamment en ce qui concerne la définition claire des produits
éligibles, la fixation de seuils de produits locaux objectivement justifiés et
proportionnés, la prise en compte des contraintes spécifiques des petites structures et
l’établissement d’un cahier des charges précis permettant aux opérateurs de vérifier
ex ante leur conformité.

8 – Revoir à la baisse, voire supprimer, le seuil minimal légal de 18 000 F CFP par mois
et par salarié, en laissant aux partenaires sociaux et aux employeurs le soin de
déterminer, dans le respect des règles de cofinancement, le niveau de l’avantage le
plus adapté à leur situation économique.

9 – Organiser, en cas de modification substantielle des conditions économiques ou
contractuelles applicables aux entreprises clientes, une information préalable assortie
d’un délai suffisant permettant la renégociation ou la dénonciation des accords sans
pénalité.

10 – Intégrer, dans le cadre juridique applicable aux modalités d’émission et de distribution
des titres TAMA’A MAITA’I, des garanties minimales, telles que la portabilité des
données, afin de limiter les coûts de basculement pour les entreprises, les affiliés et
les salariés bénéficiaires.

11 – Instituer un mécanisme de suivi indépendant chargé d’assurer un contrôle régulier des
commissions et des principales clauses contractuelles applicables aux entreprises
clientes.

12 – Prévoir, à terme, la possibilité d’un mécanisme d’encadrement temporaire des
commissions si les mécanismes de marché ne permettent pas de prévenir les risques
d’abus d’exploitation

Retrouvez l’avis de l’APC dans son intégralité ICI

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