Tahiti Nui Télévision : Les professionnels de l’immobilier et du BTP se heurtent au prix élevé des matériaux de coûts de construction. Mais ils s’inquiètent aussi des impôts à venir. Est-ce que vous partagez leur inquiétude ?
Steeve Hamblin, président du Medef : « Oui, bien sûr. Alors le pays traverse une crise du logement sans précédent. Et donc d’un côté, les acteurs du BTP dénoncent une lenteur des services administratifs. Et de l’autre côté, le Pays dénonce des carnets de commandes qui sont trop pleins du côté du privé, et donc les chantiers n’avancent pas suffisamment.
Le nouveau ministre du Logement a pris le dossier à bras-le-corps. Donc, on apprécie son investissement et la rapidité avec laquelle il fait travailler ses services. Après au sujet de l’inflation, on l’a vu dans votre reportage, à partir du moment où les prix baissent à l’international, on les répercute ici directement. Et je pense que c’est ça qu’il faut souligner. Les statistiques sont claires. L’inflation à l’étranger l’année dernière était de 5%. Elle était de 1,6% seulement en Polynésie. Donc les entrepreneurs ont montré qu’ils ont fait des efforts pour justement soulager la perte de pouvoir d’achat de notre population sans baisse notable d’impôts, ça il faut bien le préciser. »
TNTV : Donc c’est grâce aux entreprises que l’inflation a freiné ?
Steeve Hamblin : « Les entreprises essayent d’ajuster leurs tarifs forcément. Alors il y a le jeu de la concurrence. Mais à partir du moment où à l’international les coûts vont baisser, automatiquement, on essaie de les répercuter.
Donc on a malheureusement entendu les éléments de langage ces dernières années, deux dernières années, qui visaient à responsabiliser les entrepreneurs au sujet de l’inflation. Or, je viens de démontrer que par les chiffres, les entrepreneurs locaux justement accompagnent et font un maximum d’efforts pour soulager le portefeuille de nos populations. »
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« On aimerait bien comprendre la logique du gouvernement au sujet de l’immobilier et de manière générale au sujet de l’économie ».
TNTV : Et en parlant de coûts de construction, la semaine dernière le ministre des Grands Travaux a annoncé un plan de 164 milliards de projets donc jusqu’en 2032, c’est une somme colossale. Est-ce que c’est une bonne nouvelle pour les entreprises ?
Steeve Hamblin : « C’est une bonne nouvelle parce qu’on sait que les caisses du Pays sont pleines et nous, on attendait justement que le Pays rende, rende à l’économie, rende à la population, rende aux entreprises ces sommes qui avaient été engrangées au travers des dernières années. Donc oui, la commande publique repart, on en est bien entendu contents. À côté de ça, vous avez une hausse de l’imposition pour les propriétaires de biens immobiliers qui sont mis en location au travers des cotisations RNS. Il y a également, du côté du ministre de l’Économie, un projet qui vise à imposer davantage les investisseurs immobiliers. Donc voilà, il y a quelque chose qui est incohérent. Donc, on aimerait bien comprendre la logique du gouvernement au sujet de l’immobilier et de manière générale au sujet de l’économie. »
TNTV : Le président Moetai Brotherson a également annoncé de nouveaux postes à l’instruction des permis de construire. On imagine que c’est une bonne nouvelle également ?
Steeve Hamblin : « C’est une excellente nouvelle. La seule chose, c’est que ça vient surcharger davantage le coût de l’administration. J’ai proposé dernièrement qu’on puisse confier au privé ces dossiers d’instruction. On peut imaginer, c’est le cas dans d’autres pays, que les entreprises privées puissent fournir justement les permis de construire aux entreprises qui sont pressées. Un hôtel a témoigné récemment que pour un jacuzzi, il avait dû attendre 18 mois pour obtenir son permis de construire. Donc voilà, lorsqu’une entreprise a les moyens, elle doit pouvoir payer un service d’une autre entreprise privée pour obtenir des services qui jusqu’ici sont dédiés aux services administratifs de manière exclusive. »
TNTV : La session budgétaire de l’Assemblée a ouvert jeudi. Le président du Pays s’est félicité des bons chiffres de l’économie. Il parle même de carnet de commandes plein à craquer. Est-ce que vous êtes du même avis ?
Steeve Hamblin : « C’est ce que je disais juste avant. Effectivement, le Pays annonce qu’il a du mal à faire avancer les dossiers d’investissement public puisque les entreprises seraient trop engagées. De l’autre côté, on a le syndicat du BTP qui met en avant la lenteur de l’administration dans l’instruction des dossiers. Ce qui est bien à noter, c’est que tout le monde s’accorde sur le fait qu’il faut rendre l’argent qui est aujourd’hui dans les caisses du Pays à notre économie et à notre population au travers de ces grands travaux. »
« Si le Pays avait véritablement envie de lutter contre la cherté de la vie en Polynésie, il baisserait ses impôts. Or, nous assistons à quoi ? Nous assistons à une chasse aux sorcières.«
TNTV : Concernant les impôts, de nombreux textes sont au programme. De la saison budgétaire, les taxes hôtelières, l’impôt sur les transactions, la réforme de la TDL et des textes censés renforcer une justice fiscale. Partagez vous le même avis ?
Steeve Hamblin : « Non, parce que si le Pays avait véritablement envie de lutter contre la cherté de la vie en Polynésie, il baisserait ses impôts. Or, nous assistons à quoi ? Nous assistons à une chasse aux sorcières. Parce qu’effectivement, le Pays a eu tendance à qualifier les entrepreneurs comme étant les responsables de l’inflation en Polynésie française. Bien entendu, nous, on n’est pas d’accord. Je viens de démontrer que les entrepreneurs ont déjà fait beaucoup d’efforts. De l’autre côté, en face, vous avez le Pays qui augmente la fiscalité. Le message et la promesse qui a été donnée à la population, qui consistait à dire que le Pays va lutter contre la cherté de la vie, aujourd’hui, on voit exactement dans les décisions, notamment en fiscalité, qu’on va à l’opposé. »
TNTV : Est-ce que vous allez mener des actions ? Vous allez demander une rencontre avec le gouvernement ?
Steeve Hamblin : « En fait, la problématique, c’est qu’on n’est pas d’accord sur déjà ce qui arrive. On n’est pas d’accord sur la politique qui est menée. La politique qui est menée, c’est une politique fiscale. Elle vise à assurer des équilibres budgétaires. Nous, ce que l’on souhaiterait, c’est une vraie politique économique. La différence, c’est que dans une politique économique, le Pays prendrait des risques, accompagnerait les entrepreneurs dans la prise de risques. Et ce n’est pas ce qui est en train d’arriver. On est en train de démotiver les entrepreneurs à prendre des risques. On le voit au travers de la loi fiscale qui vient d’être retoquée par le Conseil d’État. »
TNTV : Est-ce vous attendez une annonce cette semaine ?
Steeve Hamblin : « Alors nous, on a répondu, puisque le ministre de l’Économie nous a présenté sa réforme fiscale 2026. Bien entendu, nous lui avons répondu que nous la rejetons totalement et entièrement. Ce qui est important pour nous, c’est que là encore, le Pays doit prendre des risques avec nous. Vous savez, Mika, vous êtes en CDI. Donc ça veut dire que vous avez fait le choix d’être dans la sécurité d’un emploi et de toucher un revenu fixe. Un entrepreneur qui vend sa maison pour lancer son entreprise ou qui va faire un crédit bancaire pour lancer son entreprise, s’il prend autant de risques, ce n’est certainement pas pour toucher les mêmes revenus qu’un CDI. S’il le fait, c’est pour espérer toucher des revenus exponentiels. Et là, on vient l’expliquer -et on le voit au travers des différentes mesures qui sont décidées et réfléchies par le gouvernement- on vient dire, les entrepreneurs, maintenant, on va plafonner vos marges, on va plafonner vos prix. Donc ça veut dire quoi ? L’esprit d’entreprendre, et ça a été la réponse du Conseil d’État, l’esprit d’entreprendre est attaqué. Et ça, c’est très dangereux. »