TNTV : Les saisies de stupéfiants sont nombreuses ces derniers mois. Vous communiquez régulièrement sur vos interventions. Cette communication vise-t-elle un objectif pédagogique ou à dissuader les trafiquants ?
Serge Puccetti : « Ce sont les deux. C’est important d’informer la population des risques que leur fait courir la drogue. Toutes les drogues, l’ice, mais également le cannabis très présent. Et puis informer les trafiquants pour leur dire qu’il y a des services, ici, nombreux, douanes, police, gendarmerie, haut-commissariat, justice, Marine nationale, le Pays également, qui sont prêts à lutter pied à pied pour empêcher la drogue de rentrer sur notre territoire ».
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TNTV : Comment interpréter l’augmentation des volumes saisis en 2025 ? Est-ce le signe d’un trafic plus conséquent ou le résultat d’un ciblage plus performant ?
Serge Puccetti : « Également les deux. On ne peut pas nier qu’effectivement il y a une pression forte des trafiquants, mais également un travail très important des forces de l’ordre, bien évidemment de la douane, de la police, de la gendarmerie, pour lutter et se perfectionner, développer des techniques et mieux travailler ensemble. Mieux coopérer, ce qui est très important pour lutter contre les trafics de stupéfiants ».
TNTV : Comment s’articule la coordination entre les douanes, l’OFAST, la gendarmerie, la police et les autorités portuaires et aéroportuaires ?
Serge Puccetti : « Tous ces services et tous ces organismes, évidemment, travaillent ensemble. Il y a une très bonne entente entre nous. La douane sur les flux qui rentrent, les flux qui transitent. Et puis les autres services, l’OFAST, la gendarmerie, la police qui travaillent sur l’investigation, la justice qui fait son travail en ce qui concerne les peines qui sont prononcées ici, qui sont très fortes. Le haut-commissariat qui coordonne avec un plan stupéfiant qui a été présenté il y a quelques jours au maire, au président du Pays pour développer la coopération entre tous. La Marine nationale aussi. Il y a beaucoup d’organismes qui travaillent ensemble et de façon efficace les uns à la suite des autres. Le renseignement, les investigations pour lutter contre les trafiquants ».
TNTV : On parle souvent de l’inventivité des trafiquants. En 2025, qu’est-ce qui a évolué ? Les modes de dissimulation, les routes ou encore les moyens logistiques mis en œuvre ?
Serge Puccetti : « C’est un peu tout. Les modes de dissimulation évoluent. C’est un peu le jeu du chat et de la souris. Les trafiquants, au début, font rentrer des stupéfiants de façon assez simple dans les valises. Et puis petit à petit, ils cherchent des moyens de dissimulation de plus en plus importants. Les routes n’évoluent pas forcément. Elles sont connues ici. On vient par les airs ou par la mer. Donc ce sont plutôt les vecteurs qui évoluent. Les passagers aériens, le fret aérien, puis le fret maritime, le fret postal, l’express. Les trafiquants emploient toutes les possibilités que leur offrent les transports pour pouvoir faire venir de la drogue ».
TNTV : Quelle est provenance principale des produits saisis ?
Serge Puccetti : « Ce sont les Etats-Unis. Nous avons une zone de production qui est le continent américain et d’expédition : les Etats-Unis, le Canada et le Mexique. Et puis il y a une zone de consommation : l’Australie. Nous sommes au milieu de cette zone et il est normal que des flux transitent. Et puis la Polynésie est aussi une zone de consommation à son échelle. Déjà le cannabis qui, lui, ne vient pas des Etats-Unis, mais qui est produit localement et contre lequel il faut lutter car c’est la première drogue, celle qui permet de se créer un pécule pour aller vers des drogues plus addictives. Il y a cette géopolitique de la drogue qui passe par la Polynésie, au-milieu du Pacifique ».
TNTV : La douane s’appuie-t-elle sur des outils d’analyse avancée comme l’intelligence artificielle ?
Serge Puccetti : « Oui. La douane et les autres services travaillent de façon intelligente avec des outils d’analyse sur lesquels, évidemment, on ne peut pas forcément s’étendre. Et puis beaucoup de coopération. Nous utilisons les outils d’analyse des autres, des Australiens, des Américains, des partenaires privés, publics, qui travaillent avec nous pour connaître les flux, même avant qu’ils arrivent, soit les flux de passagers, les flux de fret aérien, maritime, postal. C’est une lutte pied à pied avec les trafiquants, leur inventivité ».
TNTV : Vos effectifs sont-ils limités au regard de l’immensité du territoire polynésien ?
Serge Puccetti : « Je crois que c’est une question qu’on ne doit pas poser de cette manière-là, parce qu’en fin de compte, on ne peut pas savoir, on ne peut pas répondre à cette question. Il pourrait y avoir des dizaines et des dizaines de douaniers, mais en fait, je pense que ce qu’il faut, c’est travailler sur les méthodes, le professionnalisme, l’expérience, le savoir-faire et la coopération. La coopération avec nos collègues policiers, gendarmes et la coopération aussi avec les autres états dans une lutte qui est une lutte pied à pied sur l’ensemble de la zone ».
TNTV : Comment être plus efficace dans les îles éloignées ?
Serge Puccetti : « Nous nous déplaçons. Il y a dans les services de l’État une présence sur beaucoup d’îles. La gendarmerie est présente, je crois, sur pratiquement une cinquantaine d’îles. Et la douane se déplace. Nous allons dans les îles Sous-le-vent, les Tuamotu, aux Marquises. Nous avons fait quelques opérations intéressantes dont on a parlé. Et puis nous contrôlons les flux aussi entre ces îles depuis Tahiti, ceux qui partent et ceux qui arrivent, les vols intérieurs, les caboteurs, les ferrys. Nous sommes sur tous les vecteurs ».
TNTV : Certaines zones ou certaines périodes de l’année sont-elles plus propices au trafic ?
Serge Puccetti : « Sur le vecteur maritime, on navigue mieux à certaines périodes de l’année puisque l’océan est plus calme, on va dire, entre le mois de mars et le mois de juillet. Mais sinon, c’est toute l’année. Toute l’année, les trafiquants tentent d’introduire de la drogue. Il y a de l’offre, il y a de la demande. Il y a de la demande et donc il y a de l’offre. C’est difficile de parler de l’un ou de l’autre, qui est le premier. Mais effectivement, c’est toute l’année. Et il faut être présent toute l’année, pas simplement que pendant les fêtes de Noël. Alors effectivement, là, les trafiquants cherchent à se dissimuler dans les flux, mais il faut être présent toute l’année sur tous les flux ».
TNTV : Des saisies liées aux espèces protégées, des requins, des tortues, voire des animaux exotiques ont aussi été réalisées. La protection de l’écosystème fait aussi partie de votre activité. Est-ce que la Polynésie est-elle encore confrontée à ce type de trafic où ces saisies sont devenues plus marginales ?
Serge Puccetti : « La douane, c’est une administration qui a énormément de pouvoir, mais énormément de missions. Des missions, on l’a dit, de lutte contre les trafics de stupéfiants, les flux financiers illicites, mais également tous ceux dont vous avez parlé : les contrefaçons, les espèces protégées. Et il y en a beaucoup à protéger ici au Fenua. Viande de tortue, ailerons, vous l’avez dit, nous sommes très présents. Bien sûr, il y a des priorités que nous devons observer, en particulier les stupéfiants. Mais nous portons une attention très importante à ça pour protéger cette biodiversité si riche que nous avons ici en Polynésie ».



