TNTV : Vous vous êtes déplacée depuis les États-Unis, accompagnée du médecin psychiatre Charles Sophie. Était-ce important, pour vous, de venir au contact direct des familles ici ?
Mareva Georges, fondatrice de la fondation Te Ti’aturi Nei : « Oui, je pense que nous sommes tous désarmés par rapport à ce fléau qui touche notre belle Polynésie, comme M. Charles Renvoyé le dit tout le temps sur les réseaux sociaux. Et après l’intervention qu’on a faite il y a un mois à la radio, j’ai décidé de faire venir le docteur Sophie, qui est spécialisé dans les addictions et surtout dans les thérapies de famille. Il a vu quelques patients, au moins sept familles ici. Et il prend en considération d’abord le patient, et ensuite il fait venir la famille — c’est-à-dire l’épouse et les enfants — pour qu’ils puissent identifier quels sont les déclencheurs qui ont poussé la personne à sombrer dans l’addiction à la méthamphétamine » .
TNTV : Et outre la famille, y a-t-il de fortes attentes de la part des professionnels de santé ici ?
Mareva Georges : « Oui bien sûr, ils essayent de trouver des solutions pour essayer de sevrer nos patients. Il y a le pôle de santé mentale qui va s’ouvrir incessamment sous peu. Je sais qu’il y a Stanley qui veut mettre en place un centre de sevrage holistique, c’est-à-dire orienté vers tout ce qui est naturel, culturel. Et je pense que c’est une très belle solution, et il faut encourager ce projet » .
TNTV : Vous aviez évoqué l’idée d’un mobile bus pour aller à la rencontre des habitants dans les îles. Selon le docteur Charles Sophie, c’est une excellente idée d’aller directement voir les familles. Pourquoi est-ce la meilleure solution selon vous ?
Mareva Georges : « C’est une très bonne solution parce que, par exemple, le docteur Sophie, il intervenait dans les familles, il ne faisait pas les thérapies classiques derrière un bureau. Hier, on a fait une thérapie sous un arbre au bord de la plage et ça a créé tout de suite la confiance entre le docteur, le thérapeute et le patient. Il a une plus grande facilité à s’exprimer, à s’ouvrir sur les traumatismes vécus enfant et qui ont été les déclencheurs émotionnels pour se réfugier dans cette drogue. Il y a donc les traumatismes qui peuvent pousser un être humain à se réfugier dans la drogue, il y a la génétique et il y a aussi l’environnement. J’ai entendu cet après-midi des familles très bien équilibrées où, tout d’un coup, un membre de la famille tombe dans l’addiction ».
TNTV : Avez-vous senti un besoin d’information face à ces familles qui sont complètement démunies ?
Mareva Georges : « Oui, elles ont besoin d’être rassurées (…). Hier, j’ai discuté avec une jeune femme qui a pris son frère sous son aile chez elle. Depuis trois mois, il est sobre, et elle me dit que c’est un travail de longue haleine, qu’elle le surveille comme du lait sur le feu. Elle n’est pas thérapeute, mais en tout cas, elle lui donne tout l’amour qu’elle peut lui donner. Il y a eu d’autres cas comme ça : hier, à Moorea, on a vu aussi un patient, et il nous disait que grâce à sa femme et à Charles, il arrive à s’en sortir. Mais au bout d’un moment, on est aussi à bout de souffle en tant que parent (…). Donc c’est compliqué, et on a besoin d’une structure » .
TNTV : Outre la famille, avez-vous également rencontré le gouvernement ? Quelles pistes ou solutions concrètes ont émergé de cette rencontre ?
Mareva Georges : « Le gouvernement est très concerné face à ce fléau et à cette crise que l’on traverse. Il mise sur le centre, le pôle de santé mentale, bien sûr. Il n’y a que 12 lits, ce n’est pas beaucoup. Il va, je pense, rouvrir l’école de psychologues, parce que nous sommes en manque de ressources humaines de ce côté-là. On va sûrement trouver un partenariat pour cette ambulance mobile, qui puisse aller à la rencontre des familles tout en discrétion, sans qu’il y ait une annotation de quoi que ce soit sur le bus. C’est vraiment anonyme, de façon à aller à la rencontre des familles et de les aider. Il faut les prendre par la douceur, parce que, de ce que j’ai pu comprendre, quand ils sont en situation de crise et d’euphorie, ils sont ingérables. Et le docteur Sophie disaient qu’il faut les prendre par la douceur et pas par la force (…). On est face à quand même beaucoup plus d’agressivité face à ces addicts quand les parents sont complètement désemparés » .



