Plateforme de dénonciation contre l’ice : « Qui connaît mieux ce qui se passe dans les quartiers ? », soutient Édouard Fritch

    Publié le

    Invité de TNTV, le président du Tapura Huiraatira et maire de Pirae détaille son projet de plateforme citoyenne de renseignement destinée à transmettre des informations à la police et à la justice pour lutter contre l'ice. Un projet dont les contours juridiques demeurent flous, mais que l'édile compte mener à son terme quitte à "travailler en borderline". Interview.

    TNTV : Le fléau des drogues est combattu par nos voisins du Pacifique. Ici, l’ice se développe de manière très inquiétante. Vous, à Pirae, vous voulez créer une plateforme de dénonciation, comment est-ce que ça marcherait ?
    Édouard Fritch, président du Tapura Huiraatira :
    « Vous savez, la drogue va être effectivement un sujet qui devrait nous unir tous au niveau du Pacifique. C’est l’unité qui nous fait gagner beaucoup de défis. Et le sujet aujourd’hui, on l’entend, les gens sont dans le questionnement. Comment peut-on faire pour être efficace au niveau de cette lutte et en tous les cas répondre aux inquiétudes de nos parents ? Parce que les parents, on l’a vu lors de la dernière marche ici à Tipaerui, ce nombre important de personnes qui ont participé montre que les parents s’inquiètent, ils ont peur même pour leurs enfants. Donc il faut aider la police, il faut aider la justice, il faut aider les organismes qui ont été mis en place. Et je pense que le renseignement va être un sujet important. Car qui connaît mieux ce qui se passe dans les quartiers, qui connaît mieux ce qui se passe dans les familles que les personnes qui y vivent même ? Et c’est la raison pour laquelle à Pirae, nous avons pensé créer une fédération d’associations, une espèce de plateforme effectivement qui serait chargée de capter les informations, de capter les renseignements qui viennent des différentes zones de la ville de Pirae afin que nous puissions alimenter la police, avec qui nous travaillons déjà, qui pourraient alimenter la police et la justice sur ce fléau. »

    Lire aussi – « Notre belle Polynésie est gangrénée » : à Papeete, 6500 personnes marchent contre l’ice

    TNTV : N’est-on pas juridiquement « borderline » ? Avez-vous sondé des juristes ?
    Édouard Fritch :
    « Non, pas encore mais je crois qu’il faut, on va être obligé de travailler en borderline. Comment faire sinon ? Le dernier organisme qui a été mis en place ici en Polynésie date de 2021 je crois, c’est la CROSS 987, qui est chargée justement de collecter les informations. C’est ce qui va pouvoir aider la justice, la police à faire son travail, il faut abonder dans ce sens et les pouvoirs publics pourront le faire. »

    – PUBLICITE –

    TNTV : Dans l’actualité également, le Forum des îles du Pacifique vient de s’achever, les participants ont tous affirmé vouloir incarner un océan de paix, en se rappelant que le Pacifique a été le théâtre de batailles terribles entre les grandes puissances dans le passé. Est-ce qu’aujourd’hui, les pays du Pacifique doivent redouter les tensions entre les États-Unis, la Russie ou encore la Chine ?
    Édouard Fritch : « Les États du Pacifique devront surtout se préoccuper de leur unité, c’est important. Vous avez vu qu’il y a des sujets qui divisent, l’exploitation des fonds sous-marins divise puisque certains sont pour, d’autres non. Le problème de la drogue, le narcotique va vraisemblablement nous unir. Il faut que ces pays restent unis, et c’est ça qui va nous donner la puissance par rapport aux autres. Vous avez vu qu’ils n’ont pas invité cette année ces plus grandes puissances à participer au Forum, mais on sait, tout le monde sait aussi que ces pays sont dépendants de ces grands pays. Les pays du Pacifique ont besoin des financements de ces grands pays. Donc, il faut que chacun joue son rôle, éviter cette espèce de dépendance créée par les grands pays en matière financière, et pour ce qui concerne les petits pays du Pacifique, effectivement garder sa dignité et éviter de faire l’objet de corruption ou d’opérations de ce type-là qui se passent facilement dans ces pays. »

    Lire aussi – L’exploitation minière des fonds marins reste clivante au Forum des Iles du Pacifique

    TNTV : Et un autre danger pour nos îles, c’est le dérèglement climatique. Sommes-nous condamnés en tant que petits pays du Pacifique à subir les comportements des grandes puissances ?
    Édouard Fritch :
    « Oui, on est condamnés, c’est la nature qui le veut. Effectivement, je vois en Polynésie française, nous avons pris beaucoup de mesures pour essayer d’éviter de carboniser nos pays, mais tout cela va dépendre des grands pays. Vous avez vu aussi qu’au niveau du Forum, certains pays, comme le Vanuatu par exemple, ont porté plainte devant les tribunaux afin que les grands pays qui sont la raison, la cause de ces difficultés soient obligés, entre guillemets, à venir dédommager ces petits pays du Pacifique. Et je crois qu’on va s’orienter vers une stratégie de ce type-là, c’est ce que nous propose en tous les cas le ministre des Affaires étrangères du Vanuatu, « Strategy and Finance ». Donc effectivement, il faut qu’on définisse ensemble une stratégie et surtout derrière l’aspect financier qui va venir nous aider à se battre contre le réchauffement. »

    TNTV : Sur le plan national, lundi dernier, le gouvernement Bayrou est tombé. L’instabilité politique nationale aura quelles conséquences selon vous pour la Polynésie ?
    Édouard Fritch :
    « L’instabilité a toujours de mauvaises conséquences sur qui que ce soit, ce n’est pas bon, ce n’est pas bon du tout. Nous avons fait l’expérience en 2004, nous avons perdu des milliers d’emplois, nous avons perdu une partie de notre PIB, la France est en train de faire cette expérience. J’ai envie de dire qu’il faut prier pour que les choses aillent mieux. La chance que nous avons aujourd’hui, c’est que Sébastien Lecornu est une personne, est un ministre qui connaît bien l’Outre-mer, qui nous connaît, nous, Polynésiens. Il faut espérer effectivement que, compte tenu de ce qui est demandé au Premier ministre, à savoir de faire des économies sur le budget, nous ne soyons pas victimes de ces ajustements au niveau financier et qui peuvent nous mettre à mal pour les programmes que nous défendons en tous les cas et qui sont actuellement menés avec le partenariat de l’État français. »

    TNTV : Justement, la députée Nicole Sanquer a pas voté la confiance en François Bayrou. Cela a provoqué des réactions en chaîne au sein de l’Union autonomiste, qui semble fragilisée. Y a-t-il toujours un cap commun entre partis et élus autonomistes aujourd’hui ?
    Édouard Fritch :
    « Il y a toujours un pacte commun. C’est vrai que sur cette affaire, je suis peut-être un parti fautif parce que je coordonne un petit peu cette plateforme autonomiste et je n’ai pas pensé effectivement que nous puissions avoir des divergences sur les votes. Mais ceci dit, elle a ses raisons et elle l’a expliqué et elle est malgré tout libre de faire ce qu’elle souhaite être bon pour le pays. Mais c’est vrai que du côté de Moerani Frebault, on en a beaucoup parlé et j’ai estimé qu’il fallait effectivement soutenir Bayrou, pas pour soutenir ce monsieur à un moment T, mais pour le lendemain. Parce qu’effectivement, on sera regardé, notre vote sera pris en compte » .

    TNTV : Les municipales arrivent à grands pas. Comment comptez-vous vous y prendre avec le Tapura ?
    Édouard Fritch :
    « Le Tapura ne rentrera pas dans la guerre politique au niveau des communales. J’ai laissé et je laisse l’autonomie de décision à nos amis maires, parce que ce ne sont pas tous des membres du Tapura, il faut le savoir aussi. Les maires se sont regroupés avec nous dans la famille Tapura Huiraatira, mais on les laisse libres aujourd’hui à composer leur liste parce que les élections communales ne sont pas des élections politiques, je le dis et je le redis, ce sont des élections familiales, des élections liées aux associations, liées aux grandes familles. C’est un angle d’attaque qui est complètement différent. Donc chacun de son côté monte sa liste et nous verrons au mois de décembre prochain si certains ont besoin du soutien ou pas du Tapura. »

    TNTV : On reste au Fenua. Le ministre Jordy Chan prévoit un plan de 164 milliards de francs de travaux jusqu’à 2032, se projeter sur les sept prochaines années. Selon vous, est-ce que c’est une bonne idée ?
    Édouard Fritch :
    « On a entendu tellement de choses, on nous a dit qu’on allait baisser les prix de l’arbre, on a fait sauter les 1% de la CPS parce qu’on allait baisser les prix, aujourd’hui, les promesses ne sont pas tenues. Alors là, maintenant, à l’horizon de 10 ans, je demande à voir et puis je pense que qui vivra verra. »

    Dernières news

    A lire aussi

    Activer le son Couper le son