La Chambre territoriale des comptes (CTC) a contrôlé la gestion et les comptes de la commune de Bora Bora pour les exercices 2019 et suivants. Des quatre grands volets sur lesquels elle s’est penchée – la gouvernance, la qualité des comptes, la situation financière de la commune et la gestion des services publics environnementaux – elle tire 8 recommandations, longuement commentées par Gaston Tong Sang, dans une réponse de 17 pages aux magistrats financiers.
Car deux des plus urgentes, concernant les budgets annexes des ordures ménagères et déchets d’une part, et la gestion déléguée du service de distribution de l’eau potable par Vaitehi d’autre part, relèvent de la situation financière de la commune.
La commune de Bora Bora gère quatre budgets annexes : assainissement, ordures ménagères et déchets, restauration scolaire et eau industrielle. Le rapport de la CTC note que trois de ces budgets annexes – ordures ménagères, l’assainissement et restauration scolaire – reçoivent annuellement une subvention d’équilibre.
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Or, la commune « maintient l’équilibre financier de ces différents budgets annexes grâce à une
subvention annuelle, qui en plus de peser de plus en plus lourdement sur le budget principal,
est irrégulière s’agissant des budgets annexes assainissement et ordures ménagères » , note la CTC . « Ces budgets annexes, structurellement déficitaires, sont également confrontés à des difficultés de trésorerie qui se répercutent sur le budget principal » , ajoute-t-elle.
En 2023, le budget annexe des ordures ménagères et déchets concentrait 12,8 % des dépenses totales et le budget assainissement 7,3 %. Deux services essentiels pour une île dont l’économie repose largement sur le tourisme et qui porte le label « Pavillon bleu » depuis 2000.
Autre point critique, le volume des créances anciennes ou douteuses. Au 31 décembre 2023, les restes à recouvrer atteignaient 155,1 millions de francs pour le budget ordures ménagères et déchets, soit 126,4 % des ressources d’exploitation du service, hors subvention, selon les chiffres avancés par la Chambre. « L’état des restes à recouvrer du budget principal au 31 décembre 2023 couvre une
période particulièrement longue (exercices 1988 à 2023) et la grande majorité des titres figurant
dans l’état des restes à recouvrer ont été émis entre 1996 et 2010 (7133 sur un total de 7289,
pour un montant de 42 millions de francs) » , note la Chambre.
Des services environnementaux ambitieux, mais coûteux
Bora Bora est l’une des rares communes polynésiennes à disposer d’un centre d’enfouissement technique en exploitation en dehors de Tahiti. Ce centre d’enfouissement, ouvert en octobre 2011 est essentiel pour traiter les déchets de l’île, mais la fin d’exploitation (durée estimée 21 ans au total) doit être « préparée et anticipée » , recommande la CTC. Faute de maîtrise foncière suffisante, l’adhésion de Bora Bora à la Communauté de communes Hava’i pourrait ainsi être une solution à étudier.
La commune exploite depuis 2019 une unité de broyage de verre. Cet équipement, pensé pour réduire le volume de déchets enfouis, « ne fonctionne en 2023 qu’à 10 % de la capacité envisagée » (40,97 tonnes pour un objectif de 400 tonnes par an). « Alors que l’unité de broyage de verre devait permettre de limiter les coûts de traitement des déchets de verre, le coût supporté depuis la mise en service de l’installation est finalement beaucoup plus élevé que celui lié au système précédent d’acheminement vers l’île de Tahiti sur le site de valorisation du syndicat Fenua Ma » , note la Chambre. Principal frein identifié par la commune : le niveau de tarification appliqué aux usagers non domestiques – les hôteliers – supérieur à celui payé dans le cadre d’une prise en charge par le syndicat Fenua Ma.
S’agissant de l’eau et de l’assainissement, la CTC note que la commune a eu « une politique volontariste et s’est dotée des installations nécessaires » . « Pour autant, si la commune a décidé de déléguer la gestion des services publics de distribution de l’eau potable et de l’assainissement, elle doit impérativement renforcer son contrôle technique et financier sur l’exécution des contrats de délégation de service public, au besoin en faisant appel à un prestataire extérieur » , conclut la Chambre.
Les recommandations de la CTC

Bora Bora mérité une « évaluation plus juste » , selon Gaston Tong Sang
Dans sa réponse aux magistrats financiers, le maire de Bora Bora Gaston Tong Sang considère que les trois premières recommandations relevant de la gouvernance de la commune ont été mises en œuvre début 2025.
Surtout, l’édile insiste sur les recettes fiscales générées par sa commune, redistribuées en vertu de la solidarité intercommunale introduite par loi de Pays de 2022. Depuis le 1er avril 2023, Bora perçoit des centimes additionnels à la redevance de promotion touristique, lui offrant une certaine marge de manœuvre. « Si la commune percevait l’intégralité des recettes fiscales qu’elle produit (…) elle afficherait une situation financière largement excédentaire » , répond toutefois la commune, invoquant une étude de 2019 selon laquelle la CPS de Bora disposerait d’un excédent de plus de 2 milliards de francs. « Cet excédent, directement lié à l’activité économique et touristique de l’île, devrait permettre à la population de bénéficier de services publics de meilleure qualité » , écrit le tavana. « Le Pays n’a toujours pas instauré de véritable fiscalité communale structurée, pourtant essentielle pour garantir aux municipalités les moyens d’assurer un développement harmonieux et durable » , tacle-t-il.
Côté élimination des déchets, Bora Bora semble miser sur l’extension de la durée de vie de son CET plutôt que l’intégration à la comcom Hava’i, jugée contraignante et coûteuse. La commune évoque la possibilité de transposer chez elle un projet expérimental en cours à Narbonne, où elle prévoit une visite.
L’optimisation du broyage de verre, elle, passerait par un abaissement des tarifs proposés aux hôteliers, l’ajout de points d’apports volontaires, et l’acheminement des déchets de la comcom Hava’i pour un traitement sur place, celle-ci ayant manifesté son intérêt dans un courrier du 4 mars 2025.
« Nous regrettons les termes négatifs employés par la Chambre (…). Ces termes pourraient semer le doute parmi les usagers, en remettant en cause la sincérité budgétaire, alors même que notre situation financière est solide » , comment l’élu. « La commune mérité une évaluation plus juste, qui tienne compte des nombreux succès obtenus et des défis surmontés » , conclut-il
Consultez le rapport dans son intégralité ICI