Quand on écoute Heia Heyman raconter son parcours, on entend tout de suite une voix sincère, modeste et passionnée. À la Presqu’île, elle grandit avec ses grands-parents. L’art et la création sont déjà là, comme une évidence.
“Le papa de mon grand-père, Peter Heyman, était un artiste. Il faisait des tableaux, c’est lui qui a fait la première vahine Hinano. Et du côté de mon géniteur, ma grand-mère était dans la mode. Je pense que j’ai eu cet héritage”, confie la jeune femme.
Mais c’est surtout la danse, depuis toute petite, qui l’a poussée à aimer les matières locales, à toucher la nacre, les fleurs, les coquillages. “C’est la danse qui m’a donné envie de créer”, précise-t-elle.
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Une robe née entre Tahiti et New York
Cette année, tout s’accélère grâce à un coup de fil inattendu : “C’est la grande sœur de la candidate, une ancienne Miss Tahiti, Raipoe Adams, qui m’appelée pour savoir si je pouvais sponsoriser le costume. Elle devait trouver quelqu’un, mais moi, direct, j’ai senti que j’avais envie de le faire”.
Pour concrétiser son idée, Heia contacte Raimana Cowan, un créateur polynésien installé à New-York. “Il m’a tout de suite dit : ‘Je veux le faire, mais avec toi !’ Elle contacte ensuite la candidate : “Elle a dit oui tout de suite, même si je pense qu’elle me découvrait”.
Commence alors une vraie aventure à l’autre du bout monde. “Je suis partie à New York pour une semaine, j’y suis restée trois ! Là-bas, je dormais à peine deux heures par jour, ça bouillonnait tout le temps dans ma tête. Mais je me suis dit : ‘oui c’est vraiment ce que j’ai envie de faire’, se souvient-elle avec enthousiasme.
Sur place, Heia et Raimana créent ensemble la base du corset, le manteau tapa, la coiffe. “Et puis j’ai ramené le corset à Tahiti. J’ai commencé à tout coller, décoller, recoller, à refaire la poitrine deux fois parce qu’il fallait que ce soit nickel”, raconte Heia. “Un vrai puzzle”, au total, la création compte plus de 2000 pièces.
Un costume fait maison, par la famille, par amour
Ce qui rend ce costume unique, c’est qu’il a été fait à la main, par elle, par Raimana, mais aussi leurs familles. “On a mis la main à la pâte. Ma grand-mère, sa maman, ma sœur, une copine, tout le monde est venu. Ma sœur a aidé sur les chaussures, une amie a enlevé les gros plombs des filets de pêche… Chacun a eu son rôle”, explique Heia.
Elle poursuit : “C’est pour ça que pour nous, c’est plus qu’un costume, c’est une œuvre d’art. On y a mis tout notre amour, nos liens avec Tahiti.”

Une robe pour raconter les navigateurs d’hier et les rêves de demain
Le costume s’appelle vahine Hōkūle‘a, comme la célèbre pirogue double hawaiienne venue fêter ses 50 ans de navigation à Tahiti.
“C’est fou parce que l’élection a été repoussée, et finalement le samedi où Hōkūle‘a est arrivée, c’est le jour où on a présenté le costume. Tout était aligné”, témoigne la jeune créatrice.
Raimana avait imaginé l’histoire d’une navigatrice polynésienne, guidée par les étoiles. Ils ont donc utilisé de la nacre, des filets de pêche, des étoiles, jusque sur les chaussures. “On voulait une navigatrice aux étoiles, une héritière d’un savoir ancien, mais qui rêve de mondes futurs, comme le thème était sur le futur.”
“Quand je l’ai vue sur scène, j’ai pleuré”

(Crédit image : Stéphane Maillon)
Quand la robe est apparue sur scène portée par la candidate, Heia a craqué. “J’ai carrément pleuré. Et même quand j’ai appris qu’on avait gagné. Je me suis dit : ‘ça y est, on l’a fait,’ se remémore-t-elle avec beaucoup d’émotion.
Ce qu’elle a voulu transmettre à travers cette création ? “Quand on a des rêves, rien n’est impossible. Même sans argent, tout peut se faire. Il faut juste avoir la volonté, la foi, garder son cap et tout peut arriver”.
Et maintenant, la Fashion Week
La création décroche le prix du meilleur costume. Pour Heia, cette récompense est un nouveau départ. “Raimana m’a annoncée qu’on allait faire la Fashion Week. Donc, on va lancer notre marque ensemble”
Elle espère inspirer d’autres Polynésiennes. “Il ne faut pas écouter ceux qui disent ‘ça ne va pas marcher’. Moi, j’ai eu des doutes, énormément, mais grâce à ça, je me suis dépassée”, livre Heia.
Quand on lui demande un mot pour définir son style, elle sourit : “je suis simple”
Son inspiration, elle la puise aussi dans la musique, “les années 70, Michael Jackson, Dove de Moony…c’est là que tout vient”
Et c’est peut-être ça, sa plus belle signature : faire danser la simplicité, la sincérité, et l’âme polynésienne sous les projecteurs du monde.