Tahiti Nui Télévision : Charles Renvoyé, Ia ora na, merci d’être sur le plateau de TNTV ce soir. Vous êtes le vice-président de la fédération citoyenne de lutte contre les drogues et la toxicomanie, une fédération qui a vu le jour en début d’année. Vous êtes aussi un ancien consommateur, aujourd’hui repenti. Tout d’abord, un mot, Charles, sur la situation aux abords des écoles. Dans les écoles, est-ce qu’il y a de l’ice qui circule ?

Charles Renvoyé : “Exactement. Pas plus tard que dernièrement, on a vu les conséquences de ce qui se passe dans les écoles. C’est très, très, très répandu. L’ice, le Paka, presque toutes les drogues y circulent. C’est une bonne chose que la DTPN reste en surveillance aux abords des écoles.”

Tahiti Nui Télévision : Et plus globalement, en Polynésie, quelle est la situation aujourd’hui, en 2025 ?

Charles Renvoyé : “En 2025, ça a explosé. Moi, je dis que ça a explosé. Le nombre de consommateurs aussi. Il y en a trop, beaucoup trop. Je vous donne juste un petit exemple : un 0,1 milligramme, à mon époque, coûtait entre 20 000 et 30 000 francs. Aujourd’hui, il est à 10 000 francs. Avec un 0,1, à 3-4 personnes, on le consomme facilement.”

Tahiti Nui Télévision : Plus il y a de consommateurs, plus le prix baisse finalement ?

Charles Renvoyé : Exact. Je ne dirais pas qu’il y en a plus, mais il y en a tellement… Cette drogue est tellement bien répandue dans notre belle Polynésie…

Tahiti Nui Télévision : Ça touche autant les jeunes que les adultes ?

Charles Renvoyé : “Exactement. Toutes les classes sociales, tous les âges.”

Tahiti Nui Télévision : Quelles sont les conséquences de la consommation de drogue ? On sait qu’il y a de la violence, ça peut aller jusqu’au suicide…

Charles Renvoyé : “Exact. C’est ce que la Fédération rencontre le plus souvent : la violence, les suicides… Et aussi les vols, qui ont explosé. Tout ça, c’est dû à l’ice.”

Tahiti Nui Télévision : Comment détecte-t-on, Charles, une personne qui consomme de l’ice ?

Charles Renvoyé : “Écoute, ce sont les familles qui sont les premières touchées. On le voit dans leur comportement : ils changent, deviennent agressifs. Tu ne peux presque plus rien leur dire. Et puis, il y a les symptômes : ils ne dorment pas, ils ont les yeux éclatés, etc. Voilà un peu les signes.”

Tahiti Nui Télévision : Il y a aussi des signes physiques. On parlait de l’ice à Tahiti et en Polynésie… Les îles éloignées sont-elles aussi touchées ? Qu’est-ce que vous constatez sur le terrain ?

Charles Renvoyé : “Je reçois des appels de presque toutes les îles, même du fin fond des Tuamotu. Elles sont touchées aussi. Ce fléau est partout dans notre communauté.”

Tahiti Nui Télévision : Comment intervenez-vous auprès des victimes de la drogue ? Qu’est-ce que vous leur dites ?

Charles Renvoyé : “J’apporte mon expérience. Comme je dis souvent : ‘Qui peut mieux conseiller que celui qui l’a vécu ?’ Et la plupart du temps, quand je vais à leur rencontre, je parle d’une entreprise céleste. Ça peut sembler spirituel pour certains, mais pour moi, travailler avec Dieu, c’est un fil conducteur. C’est ce qu’on devrait intégrer dans chaque foyer.”

Tahiti Nui Télévision : Vous parlez de votre histoire. Comment êtes-vous tombé dans la drogue, et comment en êtes-vous sorti ?

Charles Renvoyé : “Écoute, j’ai été jeune aussi. J’ai voulu essayer. Et une fois que tu goûtes à ça, tu ne peux plus en sortir. Il a fallu que je me fasse attraper. Quand je me suis retrouvé entre quatre murs, je me suis dit : ‘Ma vie n’est pas ici.’ Ma vie est dehors, auprès de ma petite famille. Et je me suis juré que, devenu majeur, je consacrerais ma vie à aller sur le terrain, prévenir les parents, et surtout les jeunes, de ne jamais y toucher.”

Tahiti Nui Télévision : Aujourd’hui, vous luttez contre cette drogue à travers la Fédération. La Fédération est en ce moment même en réunion avec le ministre de la Jeunesse. Après votre grogne de la semaine passée, votre mécontentement… Est-ce que le calme est revenu ce soir ?

Charles Renvoyé : “Exactement. Écoute, aujourd’hui, on passe à autre chose. On n’a pas le temps pour les querelles. Et là, on va dans le bon sens. Je remercie aussi le président du Pays de nous avoir écoutés. Aujourd’hui, ils sont là, avec le ministère de la Jeunesse, en train de travailler sur les dossiers.”

Tahiti Nui Télévision : Il y a des discussions sur une subvention de plus de 100 millions de Fcfp, il me semble ?

Charles Renvoyé : “Oui, voilà. Mais je ne pense pas qu’on obtiendra les 100 millions de Fcfp, parce qu’il ne reste que quatre mois d’ici la fin de l’année. Ce ne serait pas faisable d’utiliser tout ce budget dans un temps si court.”

Tahiti Nui Télévision :  Aujourd’hui, en Polynésie, il n’y a pas de centre de sevrage. Moetai Brotherson évoque un projet de centre de désintoxication à Anuanuraro.
Qu’en pensez-vous ? Le Pays fait-il suffisamment selon vous ?

Charles Renvoyé : “Écoute, c’est un grand projet, de faire ça à Anuanuraro. Mais quelqu’un avait proposé de le faire à Fare hape, à Papenoo. Et je trouve que c’est une bonne idée. Je pense qu’on devrait commencer ici, avant de lancer un projet aussi gigantesque à Anuanuraro.”

Tahiti Nui Télévision : Il y a aussi des initiatives des communes. À Teva i Uta, par exemple, qui a interdit la Puff, un produit aussi utilisé pour la consommation de drogues. On parle beaucoup de l’ice, mais est-ce que le paka circule toujours autant ? Quelles sont les autres drogues qui circulent en Polynésie ?

Charles Renvoyé : “D’après les dernières infos que j’ai du terrain, le paka se fait plus rare en ce moment. Mais c’est l’ice qui est omniprésente, surtout dans les quartiers. L’ice a explosé comme jamais. Et je pense que les dealers ont compris qu’ils gagnaient plus d’argent avec l’ice qu’avec le paka.”

Tahiti Nui Télévision : Charles, pour terminer, un message à faire passer. Ce soir, beaucoup de parents nous regardent. Qu’aimeriez-vous leur dire, pour répondre à leurs inquiétudes ? Pour éviter que leurs enfants ne tombent dans la drogue ?

Charles Renvoyé : “Ce que je veux dire aux parents, c’est de préserver leurs enfants. D’être conscients du danger. On n’est pas à l’abri de ce fléau, qui touche énormément la jeunesse, nos enfants. Cette jeunesse suit une tendance dangereuse. Mais cette tendance-là, ce fléau-là, il ne faut pas y toucher, même pas y penser. Je demande aux parents de bien surveiller leurs enfants, et de leur faire comprendre ce qu’est vraiment la méthamphétamine. La surveillance est essentielle. Et s’ils ont besoin d’information ou d’aide, qu’ils n’hésitent pas à faire appel à la Fédération.”