TNTV : Vous avez pris vos fonctions début août, quelle est votre évaluation de la situation en matière de la délinquance en Polynésie ?
Stéphane Brunet : « De ce que j’ai pu voir et observer, elle est contrôlée, contenue, donc, avec des inflexions tout de même sur une baisse des atteintes aux biens et puis une augmentation des violences notamment non crapuleuses, c’est-à-dire sans recherche de préjudice, dans le contentieux intrafamilial. Donc on a des infractions sur ce contentieux-là qui sont liées à la législation sur les stupéfiants, donc les trafics, les consommateurs, qui sont des infractions que nous révélons le plus souvent par l’action d’initiatives des services, de la délinquance routière également, et puis quelques atteintes à l’environnement ».
TNTV : Vous diriez donc que la situation est globalement sous contrôle ?
Stéphane Brunet : « La situation est globalement sous contrôle car comme je le disais elle est contenue. En revanche, c’est toujours un sujet de préoccupation ».
TNTV : Un point sur les effectifs. Combien de gendarmes sont actuellement déployés en Polynésie sur combien d’îles ?
Stéphane Brunet : « Vous avez environ 500 gendarmes en Polynésie sur 16 îles. 425 gendarmes qui sont départementaux, donc qui sont permanents sur le territoire et 75 gendarmes mobiles environ ».
TNTV : Ces effectifs sont-ils stables ou en augmentation ?
Stéphane Brunet : « Les effectifs sont stables actuellement. Ils ont augmenté quand même ces dernières années et puis ils augmenteront bientôt en novembre avec de nouveaux renforts d’effectifs ».
TNTV : La gendarmerie a aujourd’hui quatre axes prioritaires : la lutte contre les drogues, les violences intrafamiliales, l’insécurité routière et les atteintes à l’environnement et à la santé publique. Concrètement comment ces priorités se traduisent-elles sur le terrain ?
Stéphane Brunet : «Ces priorités sont traitées par notre organisation, d’abord depuis les brigades territoriales que vous connaissez, c’est le premier point d’accueil pour la population à qui nous rendons évidemment un service de proximité. Ensuite nous avons des strates d’intervention par deux principes, la subsidiarité et la complémentarité des moyens.Donc des unités de recherche, c’est-à-dire de police judiciaire, d’une brigade de recherches jusqu’à une section de recherches. Et, ici, le point particulier, c’est que nous avons aussi des unités d’appui qui sont notamment l’antenne de gendarmerie de l’OFAST qui nous permet de traiter au niveau interministériel, inter-service, le contentieux stupéfiant ».
TNTV : Les chiffres de la sécurité routière restent très préoccupants d’une année à l’autre, et les mauvais comportements sont pointés du doigt. Doit-on se résigner à une certaine fatalité ?
Stéphane Brunet : « Non. Il ne faut pas se résigner. Il faut continuer à travailler sur plusieurs angles : la prévention, la répression, l’éducation des enfants également. Et donc il n’y a aucune résignation à avoir. Il faut réprimer sans faiblesse, prévenir quand c’est possible, et puis aider les comportements à changer ».
TNTV : Comment trouver un bon équilibre entre l’éducation, la prévention et la répression ?
Stéphane Brunet : « On fait exactement les trois en fait. Vous avez une logique de stock et de flux.Le stock, c’est souvent de la répression, parce que les comportements déviants continuent. Et puis la prévention, c’est le flux. Ce sont ceux qui vont grandir et qui vont être usagés de la route ».
TNTV : 75% des accidents concernent des usagers en deux roues qui sont très vulnérables. On voit parfois trois personnes sur un scooter, des conducteurs de vélos assistés sans casque ou encore avec des casques non homologués. Est-ce qu’il existe une forme de tolérance ?
Stéphane Brunet : « Non, il n’y a pas de tolérance. On réprime. La répression n’est pas le seul angle non plus, évidemment il y a aussi la prévention. Je prends l’exemple des casques que vous citez. Si un casque est non homologué, on peut très bien verbaliser et si on a une régularisation avec le changement du casque, en fait, on n’ira pas au bout de la verbalisation ».
TNTV : La consommation d’ice a pris une ampleur alarmante ces dernières années en Polynésie avec des conséquences dramatiques sur les familles. C’est une préoccupation majeure pour la gendarmerie qui reste aussi très active concernant le Pakalolo. Comment faire mieux ?
Stéphane Brunet : « On continue notre action sur effectivement ces deux axes majeurs. Les drogues et les addictions au sens large, il faut les traiter dans leur intégralité, d’autant que les contentieux sont complètement poreux, entre le cannabis et la méthamphétamine. On travaille sur des enquêtes au long cours, où on démonte des trafics. On travaille évidemment aussi sur l’observation de la voie publique, le renseignement. La population nous aide beaucoup là-dessus. Donc on traite soit en temps réel, soit sur des investigations plus longues pour réprimer. On a encore fait des affaires la semaine dernière sur l’arrachage de plantations de cannabis et sur un trafiquant d’ice.Donc notre action est permanente et continue ».
TNTV : Sur un autre sujet, la Polynésie est désormais dotée d’une antenne de lutte contre la cybercriminalité. Quelle est l’ampleur du phénomène ici ?
Stéphane Brunet : « Vous avez raison, ça arrive. On a deux effectifs spécialisés dans les enquêtes numériques qui arriveront au 1er novembre. J’ai déjà des appuis techniques de spécialistes des nouvelles technologies. Le contentieux est très large. Le cyber, c’est un moyen, parfois une fin. Donc on travaille sur l’ensemble du spectre. Ça peut aller de l’escroquerie très simple, qui exploite parfois la crédulité des gens qui sont vulnérables, ou de la délinquance beaucoup plus élaborée, jusqu’aux crypto-monnaies, des actifs en crypto-monnaie qui proviennent de la délinquance ».
TNTV : L’intelligence artificielle peut-elle vous servir comme moyen d’enquête ?
Stéphane Brunet : « ça sert à tout le monde l’intelligence artificielle. C’est-à-dire pas qu’à nous, aux délinquants aussi. Mais évidemment, nous, dans nos outils dits métiers, c’est-à-dire ce qui nous sert à travailler tous les jours, on a parfois des couches d’intelligence artificielle ou des algorithmes qui permettent de cibler le travail d’enquête ».
TNTV : Une brigade spécialisée dans la lutte contre les violences intrafamiliales est également prévue. La question est quand ?
Stéphane Brunet : « Je sais que cette création de brigade avait été évoquée par mon prédécesseur. Elle avait été annoncée pour 2025. Là, on a des très bons signaux pour 2026. Donc, elle va se faire au cours de l’année 2026 ».
TNTV : Comment fonctionnera-t-elle ?
Stéphane Brunet : « C’est une brigade qui est prévue pour être avec un effectif de 6 qui va s’intercaler dans les unités que j’ai présentées tout à l’heure. Ça peut être des affaires les plus sensibles, soit pour venir en appui des unités qui traitent déjà les violences intrafamiliales ».
TNTV : Enfin, vous travaillez en lien avec l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique. Il s’agit donc de la pollution, de déchets, d’espèces protégées. Quel type d’interventions est menée ici en Polynésie, dans ce domaine ?
Stéphane Brunet : « On a un détachement de cet office que j’ai pour emploi, mais qui effectivement dépend de l’Office central qui est à Paris. Ils travaillent sur les problématiques du territoire, qui sont soit une absence de structure, soit des comportements qui sont malveillants de manière volontaire. Donc c’est une répression, parfois une aide à la mise en conformité quand manifestement ce n’est pas intentionnel. Et il n’y a pas que l’environnement dans cet office, il y a aussi la santé publique. Et la santé publique, ça peut être les anabolisants, les stupéfiants aussi. Donc, c’est-à-dire que cet office n’est pas exempt de travailler sur le contentieux des stupéfiants ».