Tout commence il y a 40 ans. En 1985, un jeune Marquisien diplômé en électrotechnique pousse les portes de l’Institut de la communication audiovisuelle, l’ICA. Axel Teikivahitinioheapo Lichtlé fait ses débuts comme preneur de son, entouré de figures comme Jacques Navarro, Angelo Oliver ou Marc Louvat. « À l’époque, à l’ICA, on faisait beaucoup de choses institutionnelles. C’était peu de documentaires, peu de choses pour la télé. On faisait plutôt des films pour les entreprises, pour les institutions. Il y avait Angelo Oliver, Bruno Tetaria, y’avait Axel. Axel avait toujours un sac à dos, avec plein de trucs dedans, c’’était Mc Gyver, raconte Marc Louvat. Il sort deux bouts de cartons, et avec sa bonnette et des bouts de carton il me fait des sons d’enfer.«



À l’ICA, Axel apprend vite. Il travaille avec de grands noms : le réalisateur Robert Henrico, l’oscarisé Conrad Hall. Il sera même le seul Polynésien à participer au tournage de l’émission Survivor, et croisera sur son chemin le commandant Cousteau.
Mais l’ICA, c’est aussi une machine à propagande mise en place par Gaston Flosse. Les équipes suivent le président dans les archipels, et filment tout : la population, les infrastructures… Les premiers instants d’images de nombreuses îles.
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« Dans la journée, on suivait l’équipe gouvernementale, on faisait des images d’un peu de tout. Et le soir, on faisait des projections de ce que nous avions fait dans d’autres îles, se souvient Axel. Aux Tuamotu, par exemple, on projetait ce que nous avions filmé aux Marquises, aux Australes, aux îles sous le vent, ici à Tahiti. Et donc, les gens des îles étaient demandeurs de ce genre de produits, parce qu’il n’y avait pas la télé. […] Des fois, on tenait des soirées jusqu’à très, très tard dans la nuit pour faire plaisir aux habitants de ces îles. »
Petit à petit, Axel gravit les échelons. Il change d’organisme, mais pas de méthode, ni de bureau. Quand TNTV s’installe dans les locaux de l’ICA, il en devient grand reporter.
Dans ses productions propres, il fait tout, de A à Z : repérage, tournage, montage. Mais surtout, il va à la rencontre. Il prend le temps d’échanger, de créer un lien. Et son atout, c’est la langue. « J’ai une anecdote à propos de ça. Une dame et sa fille étaient en train de travailler le coprah. Je filme, mais pas dans leur direction. Je filme la montagne, tout ce qu’il y avait autour. Près d’elles, je commence à parler en marquisien. La dame âgée a été surprise. Elle me dit « je ne savais pas que tu étais marquisien ». Je lui demande si je peux la filmer. Elle me dit « oui oui, tu peux ». Alors que deux minutes avant elle ne voulait pas. »

Axel couvre également les grands événements culturels et sportifs : le Heiva i Tahiti, de Vaiete jusqu’à To’ata. En 2015, il est même à l’origine d’un moment historique : le record du monde de ukulélé.
En 2020, c’est sa carrière que l’on célèbre : celui qui a filmé les présidents Mitterand, Chirac et Hollande en visite officielle, est fait chevalier de l’ordre de Tahiti Nui.
« C’était la reconnaissance de tout le travail que j’ai fait… C’était un honneur. »
Grand reporter, mais aussi père de famille. Pendant quarante ans, Axel doit souvent l’éloigner des siens, pour mieux rapprocher les autres. « J’ai fait des missions aux îles Tonga, aux îles Salomon, Niue, Iles Cook, le Japon, les missions ici, mais ma famille, malheureusement, a pris l’habitude. C’est sûr qu’ils préféreraient que je sois près d’eux. Mais quand on revient tout le monde est content. Moi je suis content parce que j’ai fait mes émissions pour ce que j’aime, ensuite, je reviens, et je retrouve ceux que j’aime. »
2025 : une page se tourne pour Axel. Entre les Marquises et Tahiti et sans doute, encore quelques histoires à raconter. Avant de poser sa caméra, il offre une dernière traversée à la chaîne : Painu à la dérive. Des récits de mer, captés par celui qui n’a jamais cessé de raconter les îles.