« Dès qu’on dépasse 85%, cela démontre une surtension« , alerte la directrice générale du CHPF, Hani Teriipaia Ott. Depuis le mois de juin, l’hôpital est en plan de gestion des tensions. “On est au niveau 2 depuis le 12 juillet”, précise-t-elle. Dans la nuit du jeudi 15 au vendredi 16 août, l’établissement a failli déclencher le plan blanc, synonyme de mesures exceptionnelles : déprogrammations, rappels de personnel, alerte immédiate auprès du Pays et de l’État. Pour l’instant, ces mesures ont pu être évitées en accélérant la rotation des lits : “Dès qu’un patient est médicalement sortant, on le fait sortir”, a indiqué la direction du CHPF.

Des causes multiples
La direction du CHPF et de la Santé mettent en avant plusieurs facteurs :
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L’effet post-Covid : “Pour tous les patients qui n’ont pas été traités entre 2020 et 2022 (…) les maladies sont arrivées à des états vraiment graves. Donc aux urgences, la part des plus urgents a augmenté,” indique Hani Teriipaia Ott.
Un problème de fond : Au-delà de l’urgence actuelle, le CHPF insiste sur un phénomène durable : la santé de la population polynésienne s’est dégradée au fil du temps. Pour y répondre la seule voie réelle est la prévention. Mais ses effets ne se verront qu’à long terme. Comme l’a reconnu la direction de la Santé : “il n’y a que la prévention qui pourra un jour améliorer ça. Mais ce sont des échéances à 20 ans, ce n’est pas pour demain”.
Le manque de soins de proximité : “Une baisse de la réponse de santé de premier recours”, qui contribue à la saturation hospitalière.
Les difficultés de recrutement : “Aujourd’hui recruter un médecin, c’est huit mois de négociations avant qu’il arrive”, souligne Francis Spaak, rappelant que le problème est mondial et que la Polynésie souffre d’un manque d’attractivité. « Il y a un turnover des soignants qui est de plus en plus important (…) les soignants restent moins longtemps sur le territoire« , ajoute Bertrand Remaudiere, urgentiste et responsable Smur-Evasan Polynésie Française au CHPF.
Une prise en charge sous contrainte
Dans ce contexte, certaines sorties peuvent sembler précipitées. “Ça crée du mécontentement auprès de la population : comment ça se fait qu’à peine opérée, on fait sortir la personne ? Mais on n’a pas le choix”, explique la direction de la Santé. Des transferts vers Taravao ou d’autres structures privées sont également utilisés pour libérer des lits de chirurgie et de réanimation.
La situation est particulièrement tendue le week-end, et encore plus encore lors des longs week-ends. Les urgences y connaissent un pic d’activité, ce qui accentue la saturation en lits disponibles. Les soignants, déjà sous pression, appellent à la compréhension. « Nos équipes sont très mobilisées, patientes endurantes, engagées, mais elles sont fortement sous pression« , insiste la direction du CHPF.
Prévention et responsabilité individuelle
Le CHPF insiste aussi sur la responsabilité de chacun : “l’urgence, finalement, très souvent, elle aurait pu être évitée.” Les accidents de la route, les violences ou encore l’absence de consultation précoce aggravent la situation. “Un jour, on arrivera à une situation où il y a un patient et on n’aura pas la ressource pour le soigner de façon optimale”, prévient la direction de la Santé, appelant chacun à la prudence et à consulter dès les premiers signes inquiétants.
Le CHPF reste pour l’instant au niveau 2 de son plan de crise, mais la bascule vers le niveau 3 n’est pas écartée. “Ce système fragile repose aussi sur la responsabilité individuelle de chacun”, conclut le directeur de la Santé.