États des lieux sanitaire inédit au fenua. Pour la première fois, les chercheurs locaux ont mené un travail de terrain d’ampleur dans l’ensemble de la Polynésie française pour établir un bilan de l’état de santé des populations.
Durant plusieurs mois, des infirmiers se sont rendus dans 18 îles pour collecter près de 2000 échantillons sanguins, réaliser des bilans complets et interroger les volontaires sur leurs habitudes de vie. Des données recueillies et analysées par l’ILM et l’Institut Louis Pasteur.
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Dengue, Zika, chikungunya : des menaces toujours présentes
L’un des objectifs de l’étude est de mieux comprendre la circulation des virus transmis par les moustiques. Dengue, chikungunya et Zika font partie des principaux risques infectieux en Polynésie. « Vis-à-vis des maladies infectieuses et notamment les virus transmis par les moustiques, on s’aperçoit que tous les archipels sont touchés par la dengue. Même les plus éloignés » , explique le Dr Van-Mai Cao-Lormeau, directrice du laboratoire de recherche sur les infections émergentes à l’Institut Louis Malardé.
Depuis fin 2023, le virus de la dengue de type 2 circule à nouveau. Le souvenir des grandes épidémies de Zika (2013-2014) et de chikungunya (2014-2015) reste vif, tant leurs conséquences avaient été sévères : complications neurologiques, malformations congénitales et hospitalisations massives. Les chercheurs espèrent désormais que les données recueillies permettront d’anticiper la réémergence de tels virus.
Au-delà des arbovirus, l’étude s’est aussi intéressée aux maladies transmissibles comme les hépatites. « Le virus de l’hépatite B, c’est malheureusement un facteur de risque important du cancer du foie. La Polynésie française a mis en place la vaccination à la naissance depuis 1996, mais on s’aperçoit malheureusement qu’il y a quand même encore des gens qui sont porteurs du virus » , alerte le Dr Van-Mai Cao-Lormeau.
Les archipels des Australes et des Marquises présentent encore un taux de prévalence élevé de l’infection, ce qui appelle à renforcer la prévention et la couverture vaccinale.
Casser les idées reçues sur l’obésité
Longtemps considérée comme inscrite dans la génétique polynésienne, elle relève en réalité beaucoup plus de l’environnement. « Le patrimoine génétique polynésien, au final, n’a pas de prédispositions fortes génétiques à l’obésité et au diabète » , rappelle en outre le ministre de l’Agriculture, Taivini Teai.
Les chercheurs insistent : alimentation déséquilibrée, sédentarité et facteurs sociaux jouent un rôle bien plus déterminant que les gènes. Ce constat rejoint la politique publique de promotion d’une alimentation saine, basée sur les circuits courts : « Développer l’alimentation saine en Polynésie avec une production directement à l’assiette du consommateur » , plaide le ministre.
Anticiper les futures crises sanitaires
Les données collectées ne serviront pas uniquement à dresser un état des lieux. Elles doivent aussi aider à préparer l’avenir. « Notre objectif est d’essayer de donner aux autorités de santé du pays le plus d’informations possibles, pour qu’ils puissent vraiment savoir comment appréhender les épidémies ou la prise en charge de certaines maladies » , explique le Dr Cao-Lormeau.
La pandémie de Covid-19 a durement rappelé que la Polynésie française, comme le reste du monde, est vulnérable aux pathogènes émergents. « Finalement, ces virus qui circulent ailleurs nous touchent aussi » , résume la chercheuse.
Toutes les analyses ne sont pas encore finalisées. Certaines porteront sur le microbiote intestinal ou sur les mécanismes génétiques et épigénétiques susceptibles d’influencer la réponse immunitaire. Les résultats devront être validés par des publications scientifiques afin de garantir leur fiabilité.