Edith Tavanae, guerrière dans l’âme : « le temps passe très vite, et il ne faut rien regretter »

Publié le

Boxeuse au palmarès impressionnant, couturière passionnée et mère attentive, Edith Tavanae est au crépuscule de sa carrière sportive. À 37 ans, l'ancienne championne de France navigue entre victoires sur le ring, passion pour la couture et accompagnement de sa fille Temeiana, elle aussi montée sur le ring.

Quelques jours après sa victoire aux Oceania, à Tipaerui, Edith Tavanae le dit sans détour : « Quand tu dépasses 35 ans, c’est dur. Encore à 30 ans, ça va. Mais après 35 ans, le corps ne réagit plus comme avant. Mais le mental est là » .

Son combat gagné face à l’Australienne Jacqueline Arthur, de quinze ans sa cadette, Edith a lâché quelques larmes. Ce soir-là, c’est moins la force brute que la gestion du temps qui l’a inquiétée. « Moi, ce qui m’a fait peur, c’est les 3 fois 3 minutes. Parce que 3 minutes, c’est long. Psychologiquement, c’était le temps qui m’a fait peur. Pas la fille, le temps. »

– PUBLICITE –

Pour tenir, elle a dû réinventer son entraînement. Les séances de boxe ne suffisaient plus. « Les coachs en boxe n’aiment pas trop la musculation, parce que ça peut congestionner le corps. Mais F45, qui est situé entre le crossfit et un peu la musculation, m’a permis de trouver un équilibre » , glisse-t-elle.

Une adaptation qui a donc payé. La victoire tout juste en poche, il lui a fallu faire face à une épreuve inédite : le départ de sa fille Temeiana pour la métropole, entre études et sport, à Orléans. « Cette victoire, elle n’a pas vraiment été savourée. Parce que ma fille, le soir même, elle est partie. À la maison, c’était vide. Je voyais tous ses objets, tous ses linges. Ça m’a carrément fait mal au cœur » , confie-t-elle.

Edith & Temeiana, inséparables

Edith a tout partagé avec sa fille, depuis sa naissance. « Les courses, le sport, quand elle va à l’école… On a toujours été inséparables. Et là, ça a été dur. Quand tu vois ta fille partie, même si tu as gagné, tu n’arrives pas à savourer la victoire. Parce que le manque d’une personne qu’on aime est plus fort qu’une victoire » .

Leur lien est aussi sportif. La boxe a fini par les réunir, presque malgré elle. « Je l’ai mise dans la danse, parce que la boxe, c’est dur » , se souvient-elle. Mais à neuf ans, Temeiana insiste : elle veut essayer. La mère hésite, prévient : « Je lui ai dit : tu vas pleurer. Et le premier jour où elle a mis les gants, elle a pleuré. C’est normal, là tout le monde pleure. » Mais la fillette s’accroche. « Petit à petit, elle m’a dit : “Maman, je veux quand même continuer” (…). Et aujourd’hui, je lui dis qu’elle aura un meilleur palmarès que moi. Enfin non, faut pas exagérer » , blague-t-elle.

Les cordes du ring ne sont pas le seul lien mère-fille. Pendant la pandémie, enfermées à la maison, elles trouvent dans la couture une nouvelle façon de créer ensemble. « Ma fille s’ennuyait tellement qu’elle me voyait travailler, travailler. Elle m’a dit : “Maman, je veux apprendre la couture.” Le plus facile, c’était d’apprendre à faire des patchworks. Et fort heureusement, dès qu’elle a commencé, ça a carrément été un succès. Tous les patchworks qu’on a fait pendant le Covid, ça a marché. »

C’est au CFPA, où elle croise un directeur exigeant, qu’elle se découvre un talent de couturière, « Il m’a dit : après le sport, tu feras quoi ? Après ta carrière, tu n’as pas de boulot. Et moi, je lui ai répondu : ce n’est pas grave, au moins je voyage. Mais je n’avais pas vu loin », se rappelle-t-elle. « Il fallait vraiment quelque chose, parce que dans ma vie, c’était que la boxe. Grâce à lui, j’ai eu mon diplôme et j’ai pu créer mon entreprise. »

Aujourd’hui, la couture lui permet de vivre, et même de travailler en duo avec sa fille. « Ma fille est arrivée dans mon entreprise, et ça fait poum! » Une réussite que la boxeuse n’aurait pas imaginée au début de sa carrière. Car l’activité est progressivement devenue une source de revenus. « (Temeiana) a réussi à se payer son voyage en Australie avec sa classe grâce à la couture. Mais après, elle a quand même son argent à la banque » , sourit-elle. Edith insiste : la valeur du travail est essentielle. « Je lui ai toujours dit que la valeur du travail se fait toujours avec sa propre sueur. Comme ça, tu sais que dans la vie, tu pourras toujours te débrouiller »

Les Jeux du Pacifique en ligne de mire

Edith connaît bien la pression des grandes compétitions. En 2005, elle devient la première Tahitienne championne de France. Une fierté, mais aussi un poids. « Quand j’ai commencé à gagner, je ne pouvais plus me permettre de perdre. À chaque combat ici en Polynésie, je ressentais de l’angoisse. C’était un mal-être. J’aurais voulu avoir un psychologue, être mieux accompagnée » , regrette-t-elle.

Elle refuse de transmettre ces peurs à sa fille. « Je ne voulais pas que ma fille subisse ce mal-être. Dès qu’elle perdait des finales, comme au championnat de France, elle pleurait. Mais je lui disais : ce n’est pas grave, tu as toute la vie devant toi. Au moins, tu es montée sur le ring ».

« Il ne faut rien regretter »

Edith, elle, n’a pas fini d’y monter. À 37 ans, elle vise encore les Championnats de France prévus en janvier, peut-être un tournoi en Italie ou au Portugal. Elle se donne une limite : 40 ans. « Chez les amateurs, c’est l’âge limite. Mais chez les pros, tu peux continuer. Moi, je veux tenir jusqu’à 40 ans ». Et éventuellement, participer aux Jeux du Pacifique 2027 à la maison… avec Temeiana. « Elle rêve aussi de les faire parce que j’en ai déjà fait deux. Mais cette fois-ci, elle veut faire avec moi, ici en Polynésie. Mais on ne sait pas réellement si on pourra les faire » , tempère-t-elle. Les rififis entre les diverses instances internationales – et locales – de boxe, il est vrai, n’aident pas à se projeter.

Tout le contraire de ses nombreux voyages, qui lui ont fait réaliser sa « chance d’être ici, à Tahiti » . « Je souhaite à tous les jeunes de s’ouvrir, de partir voir l’extérieur, et de profiter à fond avec leurs parents. De vivre leur passion à fond. Parce que dans la vie, le temps passe très vite. Et il ne faut rien regretter. Il faut tout essayer, même si on tombe. Au moins, on aura essayé, on aura vécu. Et ça s’appelle l’expérience », conclut-elle.

Dernières news

A lire aussi

Activer le son Couper le son