TNTV: Vous étiez à Papeete pour cette fête de l’autonomie. Évidemment, il y a le fond, on va en parler, mais il y a aussi la forme. Comment avez-vous vécu ce refus de célébrer cette fête dans les jardins de Paofai ?
Teva Rohfritsch, sénateur de la Polynésie française : « Décision malheureuse, en tout cas qui me semble petite, de nous interdire de nous réunir dans les jardins de Paofai. Est-ce que le Président n’a pas d’autre chose à faire que de mener ses petites querelles ou ses petites vengeances? En tout état de cause, nous nous sommes réunis dans les jardins de la mairie de Papeete. Merci à Michel Buillard qui nous a tous accueillis » .
TNTV : Pour vous, l’explication du calendrier et de l’arrivée des pirogues ne tient pas?
T.R : « Mais ça ne tient pas. Le Président a toutes les manettes aujourd’hui. Parce qu’il est Président d’un pays autonome, il aurait très bien pu. Nous avions besoin de quoi? De quelques chaises et des micros » .
TNTV : On a mis en avant l’événement culturel qui représente l’arrivée d’Hokulea. Vous qui êtes passionné de va’a, vous pouvez comprendre que le sport ou la culture peuvent prendre le pas?
T.R : « Je comprends souvent qu’on veut opposer effectivement le va’a à un statut d’autonomie. Qu’on veut opposer la fête de l’autonomie et Matari’i i ni’a qui célèbre le retour de l’abondance. C’est-à-dire qu’on mélange finalement avec de faux arguments culturels. On vient finalement faire une politique de l’effacement de ce statut qui est aujourd’hui le statut qui fait vivre la Polynésie française et dans lequel exerce Moetai Brotherson. Tant qu’il n’y a pas de nouvelle évolution (…), il n’y a pas d’autre date à fêter. Et le 29 juin (…) n’est pas non plus une bataille célèbre. Ce n’est pas ce jour-là qu’il y a eu des batailles franco-tahitiennes. Donc on vient réinventer l’histoire pour une cause idéologique. Alors que nous, nous souhaitons célébrer simplement le fait que la France nous a fait confiance, au travers d’un statut de responsabilité qui a été confié aux Polynésiens, qui choisissent démocratiquement leurs élus, qui gouvernent ce Pays sous la protection de la France. Et je crois que c’est une occasion ratée du président Brotherson, qui pourtant la première année avait participé lui-même à ces festivités en disant : ‘je suis le président de tous les Polynésiens’ . Il semble qu’il ait changé d’avis depuis » .
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TNTV : En tout état de cause, le 29 juin n’est plus reconnu comme un jour férié. Est-ce qu’on peut imaginer, côté autonomiste, un glissement vers une autre date ?
T.R : « Pourquoi pas, mais avez-vous vu de vraies propositions aujourd’hui ? Non, ce qui est important, c’est de célébrer cette autonomie. Est-ce qu’on remet en cause le 14 juillet tous les ans à Paris pour la fête nationale ? (…). De toute façon, nous allons continuer de nous réunir le 29 juin. Tout comme si un groupe politique arrivait à Paris aux commandes et changeait le 14 juillet, je ne pense pas que ça plaise à l’ensemble des Français qui le célèbrent. Le 29 juin, ça fait 41 ans que nous le célébrons en Polynésie. Il n’y avait-il pas d’autres urgences que de changer cette date » .
TNTV : On a vu aujourd’hui Gaston Flosse, Nicole Sanquer, Moerani Frebault. Est-ce qu’on peut parler vraiment d’union chez vous aujourd’hui, ou est-ce une union de façade ?
T.R : « En tout cas, cette fête nous a tous réunis à nouveau. Vous avez fait référence à nos candidats à la députation. C’est parce que nous étions réunis que Nicole Sanquer et Moerani Frebault ont pu rentrer à l’Assemblée nationale et nous en sommes très fiers. Cela a démontré qu’il faut mettre fin à toutes les petites querelles qui ont pu avoir lieu ou les différences de point de vue (…). Il faut que cette réunion, cette unité que nous démontrons aujourd’hui, se perpétue dans le temps » .
TNTV : Alors comment ? Il y a concrètement une plateforme autonomiste (Amui Tatou – ndlr). Est-ce qu’elle est active aujourd’hui ?
T.R : « Cette plateforme avait été créée pour les législatives. Et je crois qu’aujourd’hui, nous avons démontré, nous sommes capables de continuer de nous réunir quand il le faut. Et c’est important, donc il faut que ça se poursuive (…). Hier, vous avez vu que plus de 1200 personnes se sont rassemblées » .
TNTV : Ce sont les premiers jalons pour des prochaines échéances électorales ? Vous commencez à poser des rendez-vous concrets, c’est ça ?
T.R : « On a continué à se parler depuis les législatives. Et c’est une suite logique, finalement, de cette reprise en main, on va dire, de l’ensemble des partis autonomistes, aussi de cet examen de conscience que nous avons pu faire. Et puis tirer les leçons du passé, de nos erreurs passées. Je crois que ce qui est important aujourd’hui, c’est effectivement cette unité pour proposer une alternative au gouvernement de M. Brotherson, qui malheureusement n’avance pas, s’empêtre dans les conflits sociaux. À chaque fois qu’il y a un conflit social, maintenant, ce sont des menaces de tribunal au lieu d’aller rencontrer les grévistes » .
TNTV : Dans vos dossiers de sénateur, il y a ce projet de loi sur l’aide à mourir auquel vous voulez participer, à travers une consultation populaire des Polynésiens. Pourquoi ?
T.R : « Dans le premier tour de la navette législative, nous n’étions pas concernés, puisque cette loi n’était pas étendue du fait de l’autonomie de la Polynésie française. Par amendement, et suite au vote final de l’ensemble des députés – nos trois députés n’y ont pas participé ou ne se sont pas prononcés – maintenant ça va être étendu à la Polynésie. Ce texte arrive au Sénat au mois d’octobre, et pour pouvoir prendre un vote, je souhaitais innover en lançant cette consultation populaire, en demandant aussi à nos institutions de se prononcer. À l’Assemblée de Polynésie, à Moetai Brotherson, à la présidente du CESEC… Quelques uns m’ont répondu ‘Ah, ce n’est pas prévu par le statut que le sénateur nous consulte’ . Ok, mais pour pouvoir prendre une décision sur un sujet de société comme celui-là, ces assemblées peuvent s’auto-saisir. Et fort de ces décisions-là, fort des témoignages qui me seront amenés, je pourrai forger une position au nom de tous » .
TNTV : Si vous avez une majorité de non ou d’avis mitigés, cela va peser dans le débat ?
T.R : « Absolument, en tout cas faites-moi confiance pour me lever au nom de l’autonomie de la Polynésie française, à ce droit à la différenciation que nous avons, dans la Chambre des Territoires qu’est le Sénat, je pense être entendu si nos institutions se prononcent et si les Polynésiens participent à cette consultation. Pas forcément pour remettre en cause l’état du droit qui est souhaité en métropole, dans l’Hexagone, mais pour dire que la Polynésie n’est peut-être pas encore prête. Et il faut peut-être différer cette application, si c’était le cas, du résultat de la consultation » .
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TNTV : Le Président a dit, vous l’avez entendu, il faut reprendre le travail, et a dénoncé une grève illégale. Quel est votre avis sur ce contexte de grève ?
T.R : « Je pense que le Président devrait tout de suite reprendre les négociations et les discussions. On ne peut pas menacer des grévistes de tribunal sans discuter avec eux. Je trouve que ce qui est malheureux dans cette histoire, ça fait plusieurs mois que cette situation perdure, et je constate que le Président, qui pourtant a fait campagne sur de grands mots, très symboliques de respect, de responsabilité, renvoie les grévistes devant un tribunal. Il faut rencontrer les grévistes, mais ce sont aussi des Polynésiens qui ont besoin d’être entendus » .