La résolution contre la reprise des essais nucléaires américains fait imploser l’Assemblée

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Les élus autonomistes espéraient son adoption unanime par l'Assemblée, il n'en a rien été. Alors qu'ils se voulaient consensuels, les débats autour de la résolution contre la reprise des essais nucléaires américains ont creusé le fossé entre la majorité Tavini et une partie des élus, qui ont fini par quitter leurs sièges.

Le vœu d’une Assemblée unie ne sera pas exaucé pour les fêtes. Après l’adoption express du budget la veille, les autonomistes ont présenté à Tarahoi, ce mercredi, leur résolution affirmant l’opposition de la Polynésie française à la reprise des essais nucléaires américains.

Dans une volonté de clarification face à l’escalade verbale entre Vladimir Poutine et Donald Trump, et suite aux annonces fracassantes de ce dernier, fin octobre, c’est Édouard Fritch qui a pris la parole au nom des autonomistes. « Cette initiative constitue pour nous une provocation dangereuse pour la paix mondiale, avec la perspective d’une escalade vers un conflit mondial et une menace directe pour la stabilité du Pacifique » , a-t-il déclaré en guise d’introduction. « Il s’agit de confirmer notre opposition à toute arme nucléaire, non seulement dans le Pacifique, mais dans le monde entier » .

 

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Rappelant que la France poursuit la modernisation de son arsenal à travers des essais sous-critiques, le traité d’interdiction des essais nucléaires (TICE) de 1996 n’étant pas entré en vigueur, la résolution se voulait un signal envoyé au Parlement et aux diverses organisations régionales, du Forum des Îles du Pacifique à l’Assemblée interparlementaire du Pacifique. « Nous souhaitons demander à l’État français d’utiliser tous les leviers diplomatiques à sa disposition pour contester toute reprise d’essais nucléaires » , a poursuivi l’ancien président du Pays, doutant pourtant ouvertement de la capacité de la France à « peser dans le concert des pays possédant l’arme nucléaire » .

Si nous ne sommes pas unis sur un tel sujet, c’est peine perdue » , a-t-il conclu.

Énièmes règlements de comptes

Constat partagé par le Tavini concernant le choc provoqué par le discours aux accents martiaux du président américain. « L’annonce brutale d’une possible reprise des expérimentations nucléaires par le président des États-Unis, Donald Trump, a résonné comme un coup de tonnerre » , a déclaré Allen Salmon. « La Polynésie française ne peut se taire lorsqu’une puissance nucléaire évoque la reprise d’expérimentation nucléaire. Sur le fond, c’est une évidence » , a-t-il poursuivi.

Le discours du parti bleu ciel, qui reprenait les arguments entendus précédemment, a ensuite égratigné les autonomistes en exhumant les fantômes des années CEP. « Ceux qui portent aujourd’hui cette résolution sont précisément ceux qui, hier encore, justifiaient l’implantation du CEP en 1966 (…). Ce sont également ceux qui défendaient les 193 explosions nucléaires françaises pendant 30 ans. 30 ans de mensonges, et ça continue même encore aujourd’hui » , a-t-il pointé.

« Au-delà des contradictions, au-delà des réveils tardifs, ce texte marque une avancée réelle, celle d’un consensus enfin possible » , a conclu Allen Salmon, dans une intervention dont la forme n’a pas manqué de faire réagir l’opposition.

« Le Tapura Huiraatira ne s’est pas réveillé en décembre 2025 pour se rendre compte que les essais nucléaires étaient sales, a rétorqué Tepuaraurii Teriitahi. Il faut arrêter de dire que les autonomistes sont pro-nucléaire et les indépendantistes sont les seuls qui sont anti-nucléaires (…). Cette résolution qu’on vous propose, c’est une résolution qui n’est pas tournée vers le passé, mais bien vers l’avenir » .

Dans la continuité de ses dernières sorties, Hinamoeura Morgant-Cross (non-inscrite) y est allée de son grain de sel, appelant à l’unité tout en se livrant à une attaque en règle contre son ancien parti. Seul point d’accord avec ses collègues, la reconnaissance du combat livré par Oscar Temaru contre le nucléaire.

« Nous ne sommes pas libres. Et parce que nous ne sommes pas libres, nous sommes comme des souris d’expérimentation » , a pour sa part commenté Mitema Tapati, dans un discours dénonçant plus largement la responsabilité de l’État dans le fait nucléaire au fenua.

« Le but de cette résolution n’était pas de réveiller la haine. Quand j’entends mon collègue Tapati parler ainsi, je me rappelle ce qui se passait dans les années 60, où, effectivement, tout le monde a tiré profit des essais nucléaires » , a répondu Édouard Fritch, qui a annoncé dans la foulée le retrait de la résolution. « Il y a partout, ici, dans le gouvernement, dans cette Assemblée, des descendants de ces gens qui ont effectivement cautionné les essais nucléaires en Polynésie. Alors, arrêtons. Je crois qu’il faut se calmer » , a-t-il ajouté, avant de suggérer que les discussions futures se déroulent « sans caméras » pour parvenir à une « décision dans la paix » . Et de quitter l’hémicycle avec son groupe.

Les excuses de Mitema Tapati, appuyées par Oscar Temaru et Antony Géros, n’y ont rien fait. Actant l’échec des discussions, et après une brève suspension des débats, le président de l’Assemblée a finalement annoncé que la délibération était retirée, comme celle déposée par Oscar Temaru pour proclamer la souveraineté permanente du peuple de la Polynésie sur ses ressources naturelles.

Elles pourraient, ou pas, revenir ultérieurement à Tarahoi. Possiblement à l’occasion d’une session extraordinaire, dont la date resterait à fixer.

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