Tahiti Nui Télévision : On vient de le voir dans le reportage, le pays lance des mesures pour lutter contre l’ice. Comment l’État compte-t-il accompagner concrètement le pays dans cette lutte ?
Alexandre Rochatte, haut-commissaire de la République en Polynésie française : “En fait, je crois que le sujet de l’ice, et on l’a bien vu hier, c’est un sujet qui est vraiment extrêmement important et très préoccupant pour le Pays et les autorités du Pays, l’État, mais aussi évidemment la population. Et donc la marche, hier, l’a bien montré. Comme je l’ai dit quand je suis arrivé, c’est un sujet de préoccupation qui est important, et nous allons évidemment mettre en place l’ensemble des mesures que l’État peut mettre en place : à la fois la police, la gendarmerie, les douanes, la coordination de tout le travail que nous allons faire pour stopper les trafics — mais pas seulement de l’ice — stopper les trafics de stupéfiants. On l’a vu dans votre reportage, il y a un lien qui est assez clair entre le Paka et l’usage du Paka, et le passage à l’ice ou l’usage de l’ice, et donc on va travailler sur l’ensemble du spectre. Mais là où vous avez raison — et c’est extrêmement important, et votre reportage est très bien fait — c’est que ce travail, c’est un travail qui doit conduire de la prévention jusqu’au traitement judiciaire des affaires. Et donc on va travailler sur l’ensemble du spectre. C’est en tout cas la volonté que j’ai. Il y a déjà beaucoup de choses qui ont été lancées avant que je n’arrive, et on va continuer sur cette lancée.”
TNTV : Pour rappel, 254 kilos d’ice ont été saisis ces quatre derniers mois, contre seulement 13 kilos en 2024. Que peut-on en déduire ?
Alexandre Rochatte: “En fait, on peut en déduire que ce qui a été mis en place par mon prédécesseur, et l’ensemble des forces de police et de gendarmerie, mais aussi les douanes, mais aussi la coopération internationale que nous avons avec les États-Unis, avec l’Australie ou la Nouvelle-Zélande, fonctionne. On arrive à faire des saisies de plus en plus importantes d’ice, et ça veut dire qu’on est mieux organisés et qu’on peut mieux les intercepter. Il y a un point qui est extrêmement important : c’est que l’ice qui a été — une grande partie, notamment celle des Marquises — n’était pas destinée à la consommation en Polynésie française. Donc il faut aussi qu’on arrive à faire la distinction entre ces deux sujets, les deux étant extrêmement importants, sur lesquels nous devons agir.”
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TNTV : Concernant la sécurité routière, en 2024, 39 personnes ont perdu la vie sur les routes. Cette année, nous sommes déjà à 27. Vous avez été chef de service adjoint auprès du délégué interministériel à la sécurité routière en métropole. Comment comptez-vous décliner cette expérience ici, au Fenua ?
Alexandre Rochatte : “En fait, la sécurité routière — et vous l’avez dit — il y a énormément de morts sur les routes. La plupart de l’origine de ces tués, c’est lié à du comportement. Vous avez cité tout à l’heure, en introduction, ce jeune qui, sous l’effet de l’alcool, est allé percuter le mur de la gendarmerie. Heureusement, il n’a rien eu. Mais on voit bien que ce sont des sujets de comportement. En sécurité routière, on a besoin de travailler sur ce qu’on appelait, quand j’étais à la sécurité routière, sur deux jambes : la jambe de la prévention, de l’information, du travail de conviction que nous avons à faire pour l’ensemble des gens qui sont usagers de la route, et puis un travail de contrôle et de répression. Et on va continuer à travailler sur ce sujet : sur les vitesses, sur les conduites sous stupéfiants — ça rejoint le reportage et le thème que nous avions avant — et évidemment les conduites sous alcool.”
TNTV : Faut-il aller plus loin dans les sanctions ?
Alexandre Rochatte : “Les sanctions sont déjà très importantes. En fait, il faut qu’on augmente le nombre de contrôles. Il faut qu’on augmente le nombre de capacités. Peut-être à travailler sur un sujet qui a été mis en discussion avant que je n’arrive. Et je voudrais bien qu’on débouche sur les fourrières administratives, qui vont permettre d’immobiliser les véhicules pendant une durée de 7 jours, qui vont permettre d’avoir, effectivement, une sanction un peu plus importante.”
TNTV : Nous sommes à quelques heures d’un vote de confiance dans l’Hexagone, avec une probable démission du gouvernement à la clé. Comment garantir la continuité de l’action de l’État en Polynésie dans ce contexte d’instabilité ?
Alexandre Rochatte : “Justement, moi, je suis le représentant de l’État dans le territoire.
Et donc, cette continuité, elle se fait parce que j’ai été nommé avant que le gouvernement ne soit ou pas démis de ses fonctions à l’issue de ce vote de confiance à l’Assemblée nationale. Et on va continuer à travailler. Mais comme ça a été le cas avec les gouvernements précédents, ou les périodes précédentes dans lesquelles il n’y avait pas de gouvernement, nous sommes là, et l’action de l’État va continuer pour que nous puissions continuer à travailler avec le Pays dans l’ensemble des politiques qui sont décidées.”
TNTV : Donc concrètement, est-ce qu’une crise politique à Paris peut avoir un impact ici, en Polynésie ?
Alexandre Rochatte : “Pas immédiatement. Il y aura forcément des conséquences, mais pas immédiatement, parce que nous avons des institutions qui nous permettent de continuer à exercer nos compétences.”
TNTV : Sur le sujet des indemnisations liées aux essais nucléaires, quel est le rôle de l’État ?
Alexandre Rochatte : “Le rôle de l’État — moi, je m’inscris pleinement dans la venue du président de la République et des engagements du président de la République de 2021. C’est à la fois la reconnaissance d’un certain nombre de responsabilités dans les essais et les conséquences des essais nucléaires, et le travail sur la mémoire qui doit être organisé. Celui sur la reconnaissance, c’est notamment tout le travail que je vais continuer de ‘l’aller vers’, c’est-à-dire d’aller vers les gens qui ont besoin d’avoir des dossiers d’indemnisation. Il y a 55 îles ou communes qui ont été visitées par cette mission ‘aller vers’, et on va continuer évidemment pour que l’ensemble des îles et des communes puissent être couvertes. Et puis, il y a tout un travail sur la mémoire qui doit être aussi organisé avec le pays, évidemment, puisque tout ce travail-là se passe conjointement avec les autorités de M. Brotherson.”
TNTV : Et qu’est-ce que vous pouvez dire encore aux familles qui hésitent à déposer leurs dossiers ?
Alexandre Rochette : « En fait, pour le coup, c’est la mission ‘aller vers’ qui sert à ça. Il faut soit venir au commissariat, soit téléphoner, soit envoyer un mail, et on est là pour appuyer les familles dans leur dépôt de dossiers. On va les accompagner du début à la fin pour que ces dossiers puissent être transférés.«
Tahiti Nui Télévision : Votre premier déplacement officiel vous conduira à Hao. Pourquoi ce choix ?
Alexandre Rochette : « Il y a plusieurs raisons. Il y a un lien évidemment avec les conséquences des essais nucléaires — vous l’avez dit — avec le traitement de ce dossier, puisqu’il y a beaucoup de projets qui ont été avancés à Hao. Il y a aussi un sujet sur le SMA (Service militaire adapté), avec la mise en place d’une nouvelle compagnie. Mais il y a aussi tout un développement économique sur lequel je voudrais m’appuyer. Je voudrais travailler avec les tavana des Tuamotu-Gambier, comme derrière les autres archipels. Et donc je vais commencer par Hao.«
TNTV : Les Jeux du Pacifique approchent. L’État contribue déjà à hauteur de 2,7 milliards Fcfp sur un budget total de 5,6 milliards. Peut-on envisager une enveloppe complémentaire ?
Alexandre Rochatte : “Pour l’instant, je ne peux pas vous dire. Je n’ai pas eu de demande en ce sens. Et puis le travail continue avec le pays. On intervient évidemment en appui financier à travers le CDT (Contrat de développement et de transformation) sur ces quatre projets d’infrastructure. Mais on va aussi intervenir — et c’est un volet qui est extrêmement important — sur l’organisation des Jeux avec le pays, notamment sur la partie sécurité. Et donc il va y avoir beaucoup de gendarmes et de policiers qui vont être mis en œuvre pour que la sécurité puisse être assurée.”
TNTV : Il y a aussi énormément de questions qui persistent quant à la livraison à temps des infrastructures sportives. Est-ce que vous pouvez nous garantir qu’elles seront prêtes ?
Alexandre Rochatte : “Ce n’est pas moi qui peut vous le garantir. C’est évidemment le travail que nous faisons avec le Pays, puisque c’est le Pays qui est maître d’ouvrage sur le projet. Mais il y a des comités de pilotage réguliers qui vont nous permettre de vérifier que nous sommes bien dans les temps, ou de corriger un certain nombre de points qui sont faits. Mais là encore, c’est la compétence du pays.”
Tahiti Nui Télévision : Dans un contexte marqué par la consommation d’ice, l’insécurité routière également, est-ce que vous prévoyez donc un renforcement pour ces Jeux du Pacifique ?
Alexandre Rochatte : “Il y aura évidemment un renforcement, parce que nous aurons 24 délégations étrangères qui viendront. Donc ça veut dire beaucoup d’athlètes qui seront ici en Polynésie française. C’est aussi une vitrine pour la Polynésie, donc il est important que ces Jeux — un peu comme ce qui s’est passé pour les épreuves des Jeux olympiques de 2024 — se passent parfaitement bien, pour que cette vitrine puisse être vraiment parfaitement à la hauteur de ce qu’on attend de la Polynésie française.”