Eric Spitz a réagi à l’actualité du moment. Ses réponses :
Zones de compétence de la DTPN
Tahiti Nui Télévision : Est-ce que c’est vous qui êtes sur le départ dans quelques jours maintenant ou est-ce que c’est votre successeur qui va répondre à ces demandes des policiers ?
Eric Spitz : « La véritable réponse sera le ministre lui-même et vous l’avez dit dans votre reportage, Gérald Darmanin a déjà répondu à la question. Le temps des transferts de zones de compétences de la gendarmerie à la police ou la police à la gendarmerie est pour l’instant achevé. Le ministre a été très clair. En revanche, ce qu’il souhaite, c’est que les policiers n’hésitent pas à intervenir en zone gendarmerie quand c’est nécessaire et que les gendarmes n’hésitent pas à intervenir en zone police. (…) Ça marche bien et j’observe que la gendarmerie à des résultats remarquables. J’ajoute d’ailleurs que de plus en plus de gendarmes sont polynésiens. »
Drogues
TNTV : On comprend que pour l’instant donc c’est plutôt non. On parle aussi dans ce reportage de trafic de drogue. Vous avez vu qu’il augmente dans nos eaux à l’image de ce navire semi-submersible qui a été trouvé à Makemo. Il a été trouvé échoué donc sur la plage de Makemo. Est-ce que vous pensez que les moyens qui sont déployés par l’État sont suffisants pour bien surveiller nos eaux contre la drogue, mais aussi contre la pêche illégale ?
Eric Spitz : « Je vous rappellerai qu’on va remplacer un vieux patrouilleur par deux patrouilleurs ultra modernes et nos vieux Gardian par des Falcon 50 ultra-modernes avec beaucoup plus de possibilités y compris pour les patrouilleurs d’être équipés de drones qui permettent d’aller voir jusqu’à 200 kilomètres. Donc la dernière action de pêche illégale remonte à 2007. »
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TNTV : Ça vous en êtes certain parce que les Polynésiens ont beaucoup de doutes là-dessus.
Eric Spitz : « Il n’y a pas eu de pêche illégale, en revanche, il y a bien évidemment en dehors de notre zone économique exclusive des dérivés de concentration de poissons qui peuvent éventuellement atterrir dans notre zone.
En matière de lutte contre la drogue, je vous rappelle qu’on a quand même fait une saisie d’1,8 tonnes de cocaïne et 187 kilos de métamphétamines en juillet à Nuku Hiva. Et que cette drogue n’est pas destinée au marché polynésien. Nous sommes une zone de transit. Mais croyez bien que tous les efforts sont déployés dans le domaine de la répression. Il y a aussi des choses à faire dans le domaine de la prévention et aussi pour lutter contre le trafic de paka. »
TNTV : Et là c’est un message plutôt au gouvernement local sur la prévention parce que ça c’est pas de votre domaine. Simplement, entre ces trois fléaux dont vous avez déjà parlé, le paka, l’ice et l’alcool, est-ce que vous établissez une hiérarchie du danger ?
Eric Spitz : « Non, c’est difficile (…) d’établir une hiérarchie. Je voudrais simplement observer quelque chose, et ça j’ai toutes les semaines des réunions de police, on passe en revue tous les faits, c’est que (…) quasiment 100% des violences intrafamiliales le sont sur fond d’alcool et parfois de paka. Et que 90% des accidents mortels de la circulation sont sur fond d’alcool. Donc, vous avez déjà un peu une réponse à la question. »
TNTV : Donc l’alcool reste le fléau numéro 1 pour vous ?
Eric Spitz : « Ça reste le fléau numéro 1 et encore faut-il le nommer pour pouvoir s’y attaquer. »
TNTV : Très bien, juste un dernier mot là-dessus, parce que c’est évidemment lié, l’alcool, la drogue, ça provoque aussi des décès sur les routes. Finalement, la mortalité routière a peu évolué, même, elle a probablement un peu augmenté ces derniers temps. Qu’est-ce qu’on peut faire pour lutter contre cette mortalité routière ?
Eric Spitz : « Le chiffre du nombre de tués en 2024 était mauvais, 39. Le chiffre du nombre de tués en 2025 n’est pas bon non plus, 26. Donc, on s’achemine un peu sur une courbe. Nous avons réalisé un séminaire avec le PI à la fin de l’année dernière. Maintenant je crois qu’il faut saisir l’arme du crime. Et l’arme du crime, c’est souvent la voiture ou le deux-roues. Et pour ça il faut des fourrières, et donc pour ça il faut aussi une loi de Pays, il faut lancer une délégation de service public. Je pense que les travaux préparatoires qu’on en a fait au cours de ce séminaire nous permettront d’en arriver là. Sinon on n’arrivera jamais à lutter contre les gens qui roulent sans assurance, sans permis, en état d’ébriété, si on ne saisit pas la voiture ou le deux-roues. »
Le centre hospitalier de Taaone sous tension
TNTV : Monsieur le Commissaire, l’hôpital prépare donc son plan blanc. La santé, on le sait, c’est de compétence polynésienne et non de compétence d’État, mais l’accès équitable aux soins normalement doit être garanti sur l’ensemble de la République. Est-ce que pour vous, les Polynésiens ont un accès égal aux soins par rapport aux Français de métropole ?
Eric Spitz : « La géographie est têtue sur un territoire aussi grand avec des îles qui ne sont même pas dotées d’aérodromes pour 25 d’entre elles, des fois avec une absence de passe. En tout cas, l’État, on a pu constater ces dernières semaines, ces derniers mois, une augmentation du nombre d’évasans urgentes et l’État répond toujours présent, y compris dans des conditions extrêmement difficiles. Nous n’hésitons pas à mobiliser les Dauphin, c’est-à-dire les hélicoptères, les casas, les longs porteurs pour répondre à ces attentes et on est en plein soutien à la Polynésie française dans ces moments difficiles. »
Montée du sentiment indépendantiste dans le Pacifique
TNTV : Monsieur le haut-commissaire, votre mandat a aussi été marqué, bien sûr, par une montée des indépendantismes dans le Pacifique. Il y a eu notamment des tensions politiques et même des émeutes en Calédonie. Il y a eu aussi cette élection de 2023 où les indépendantistes ont pris le pouvoir en Polynésie. Ce désir d’indépendance d’une partie de la population, est-ce que vous le comprenez, vous qui représentez l’État ?
Eric Spitz : « Moi, je n’ai pas vraiment à commenter ce genre de questions. J’observe déjà que les élections en mai 2023 sont déroulées sans aucun incident. J’ai pris particulièrement à cœur le fait que les relations entre l’État et le nouveau pouvoir soient bonnes. Elles l’ont été, je l’ai même été, vous vous rappelez, jusqu’à aller le 29 juin à la cérémonie du monument aux morts des guerres franco-tahitiennes.«
TNTV : En dépit de quelques différends sur la question de la drogue par exemple. Sur la façon de lutter contre la drogue, on a senti qu’il y avait des petites oppositions.
Eric Spitz : « Non mais bon, on n’est pas des robots, mais sur les gros dossiers structurants, je rappelle à côté du tourisme qui bat des records, sur la préparation du sommet de l’océan à Nice, donc l’économie bleue, sur le numérique, l’arrivée de Google, on travaille ensemble à construire les piliers du développement de la Polynésie. Et les chiffres de l’économie sont bons, la croissance est près de 3%, l’inflation est maîtrisée, l’emploi continue d’augmenter. Je ne dis pas qu’il n’y a aucun souci en Polynésie. La santé, les inégalités, le foncier, il y a quand même beaucoup de problèmes à résoudre. »
TNTV : Mais par rapport aux autres Outre-mer, ça va plutôt pas mal ?
Eric Spitz : « Ça va plutôt bien. Oscar Temaru l’a souligné avec raison, nous avons des liens forts avec la Nouvelle-Calédonie. Il y a beaucoup de Calédoniens qui vivent en Polynésie, de Polynésiens en Calédonie, et on a bien évidemment tout intérêt à ce que les choses rentrent dans l’ordre en Nouvelle-Calédonie. Je sais que le ministre d’État s’y emploie. »
TNTV : En tout cas, vous avez maintenu un dialogue avec les indépendantistes sans aucune difficulté particulière, mais pas sur la question de la décolonisation. C’est, disons, ce que reproche un petit peu à l’État le gouvernement actuel.
Eric Spitz : « Alors, j’ai quand même plaidé pour que la France ne quitte pas la table lorsque l’aposée française était inscrite à l’ordre du jour du comité de décolonisation. Et donc depuis 2023, notre ambassadeur reste. Il défend toujours une position assez ferme, mais en tout cas, il reste. Et je trouve que c’est la moindre des politesses. Ensuite, Moetai Brotherson lui-même m’avait dit quelques mois avant de se présenter qu’on discuterait l’indépendance quand la dépendance financière de la Polynésie serait beaucoup plus faible par rapport à l’État. Bon, moi, j’observe qu’elle était de 190 milliards de Fcfp quand je suis arrivé, et qu’elle est de 224 aujourd’hui. »
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TNTV : C’est aussi une différence, effectivement, de point de vue entre Moetai Brotherson et une partie du Tavini. Je vous propose de passer à quelques questions un tout petit peu plus légères pour finir cette interview et également pour finir, quelque part, votre mandat en Polynésie. On vous a vu danser à Rurutu aux côtés du ministre des Outre-mer. Alors, j’imagine que ce n’est pas comme ça que vous envisagiez votre carrière de haut fonctionnaire tout au début. Ça a dû être un petit peu des surprises. Est-ce que c’est ce type de souvenirs que vous allez conserver de la Polynésie ?
Eric Spitz : « Oui, l’accueil, c’est une banalité de le dire, mais que ce soit aux Marquises, aux Australes, aux Îles-du-Vent, aux Tuamotu, c’est quelque chose de tout à fait extraordinaire. Moi, je retiens surtout de mon séjour, plus que les paysages, des visages, des dizaines, des centaines de visages. Je retiens aussi les moments passés essentiellement avec des Polynésiens que j’ai fréquentés en dehors de mon travail, à la vallée de Hamuta, à Mataiea, dans des endroits comme ça où j’ai passé des moments fantastiques. »
Voilà, un attachement privé fort. Est-ce que vous savez si votre successeur, Alexandre Rochatte, est aussi attaché que vous à la Polynésie ?
Eric Spitz : « Je n’en doute pas un seul instant. Il m’a déjà succédé en 2010. Il a sans doute souhaité revenir et Alexandre va faire un très bon boulot ici, vous verrez. »