Les dossiers d’ice se suivent et se ressemblent au tribunal de Papeete. Enfin… pas toujours. A la barre, ce mardi, pas de gros bras aux cous tatoués et cheveux courts, mais principalement deux femmes ordinaires : une infirmière de 53 ans et une aide-soignante retraitée, âgée de 64 ans.
En octobre 2019, la première avait été appréhendée par les douaniers après la découverte dans un colis postal qui lui était destiné de 2,7 kilos d’ice. La drogue était dissimulée dans des boites de lait pour bébés.
La quinquagénaire venait d’effectuer avec 2 amies un voyage à Los Angeles, destination où, après enquête, elle s’était déjà rendue 2 fois quelques mois plus tôt. Un peu plus de 800 grammes d’ice avaient été importés en Polynésie à ces occasions.
Mais face à ses juges, ce mardi, l’infirmière a refusé d’endosser les habits de tête-pensante du trafic en soutenant que la commanditaire était en réalité son ancienne collègue.
“J’ai servi d’intermédiaire. Elle m’a demandé de le faire. J’avais besoin d’argent. Ça m’a rapporté 5 millions. Je ne suis pas à la tête. Je n’avais pas les moyens d’acheter”, s’est-elle défendue. La soignante a assuré que malgré ses revenus élevés, elle s’était trouvée en difficulté financière après la perte de sa maison qui s’était effondrée en raison d’intempéries.
“A cette époque, je faisais un burn-out. Je me suis mise à me droguer (…) Je ne suis pas digne de reprendre le métier d’infirmière. Je me suis engagée à soigner et j’ai participé à détruire”, a-t-elle fini par souffler.
Un mea-culpa peu crédible aux yeux du tribunal, car la quinquagénaire a changé à de multiples reprises de versions au cours de l’enquête. Et elle a de surcroit été de nouveau prise dans un trafic d’ice en 2023. Ce qui lui vaut à l’heure actuelle de purger une peine de 3 ans de prison.
Les autres mis en cause l’ont également tous présentée comme l’instigatrice du réseau. “On travaillait ensemble à l’hôpital. Elle disait qu’elle revenait d’Amérique, qu’elle faisait souvent des voyages. Puis elle m’a demandé d’en donner à mes fils pour en vendre”, a témoigné l’aide-soignante. Qui en a bien profité. Pour ses services, elle s’est attribuée 20 millions de francs, dépensés dans l’achat de plusieurs véhicules, dont 2 Mercedes.
“C’est ice, mensonges et vieilles dentelles”
La procureure
Le garagiste de l’infirmière a également été mis à contribution. “Je lui ai dit qu’il ne fallait pas faire ça”, a juré cet homme de 61 ans, déjà condamné pour trafic de stupéfiant et chez qui 13 millions en liquide ont été découverts par les enquêteurs.
Lui a eu la charge d’écouler les 800 grammes issus des premiers voyages, en faisant appel pour cela à l’un de ses employés.
“C’est ice, mensonges et vieilles dentelles”, a résumé la procureure à l’entame de ses réquisitions. Pour la magistrate, pas de doute possible, c’est bien l’infirmière qui était aux commandes.
“Le colis était à destination de madame, pas de quelqu’un d’autre”, a-t-elle relevé, soutenant que la quinquagénaire se servait ensuite de “vecteurs”, le garagiste, son employé, l’aide-soignante et ses fils, pour écouler la drogue auprès des consommateurs du fenua.
“On a fait le choix de soigner l’autre et on se retrouve à vendre du poison à la société. C’est quelque chose de très curieux”, a encore tonné la magistrate.
Le tribunal a suivi le raisonnement du ministère public. Il a condamné l’infirmière à une peine de 7 ans de prison ferme. Pour tous les autres prévenus, qui étaient arrivés libres à l’audience, il a prononcé un mandat dépôt immédiat pour des peines comprises entre 3 et 4 ans de prison ferme.
L’aide-soignante a quant à elle écopé de 4 ans ferme et passera aussi sa première nuit derrière les barreaux de Nuutania. Les 2 femmes devront enfin payer une amende solidaire de quelque 300 millions de francs.