C’est une affaire des plus inhabituelles qui a occupé l’audience du tribunal correctionnel ce mardi. A la barre, Rubio G., un transsexuel de nationalité colombienne. Le 10 mai de cette année, il a été contrôlé par les douaniers en poste à l’aéroport de Faa’a alors qu’il s’apprêtait à quitter le territoire.
Mais dans ses bagages, les fonctionnaires ont fait une découverte inattendue : des liasses de billets dissimulés entre les pages de magazines pour un montant total de 8,6 millions de francs. Un “procédé utilisé par les cartels colombiens”, dixit la présidente du tribunal.
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L’enquête a démontré que depuis 2023, le quinquagénaire avait séjourné à 8 reprises en Polynésie, toujours pour des séjours d’à peine quelques semaines. Lui a assuré venir au fenua pour le tourisme et pour son activité professionnelle…la prostitution.
Sauf que seuls 5 numéros locaux ont été trouvés sur son téléphone et qu’il a donné des chiffres allant de 1000 francs à 10 000 dollars comme tarifs de ses prestations. “C’est peu crédible”, a relevé la présidente.
“Les clients me donnaient beaucoup et la plupart exigeaient d’effacer les conversations. J’ai beaucoup de succès”, a-t-il néanmoins affirmé, aidé pour cela d’une traductrice.
Autre élément à charge : des photos trouvées sur son téléphone représentant de gros ovules recouverts de cellophane, et portant des noms féminins. Mais aussi la trace d’un virement de 530 000 dollars (environ 55 millions de francs) à un destinataire au nom hispanique.
Selon le mis en causes, les ovules étaient en réalité de simples sex-toys faits maison : “Je les ai fabriqués moi-même. Les clients le demandaient pour que je les pénètre. Je leur envoyais les photos”.
Interrogé sur le fait de savoir s’il craignait des représailles s’il parlait, il a éludé : “Je n’ai pas peur. Je n’ai rien à voir avec personne. J’ai juste peur de la colère de Dieu. Je voudrais rentrer dans mon pays”.

Pour la procureure Stéphanie Pradelle, le quinquagénaire n’est pourtant pas qu’un simple “globe-trotter du sexe”, mais un maillon d’une “véritable organisation” criminelle. Elle a d’ailleurs révélé qu’une enquête pour trafic de stupéfiants était en cours visant d’autres ressortissants colombiens.
Des individus qui ont curieusement séjourné en Polynésie à des dates similaires à celles du prévenu. “On parle de cocaïne”, a-t-elle précisé.
“On atteint des sommets d’incohérences. 40 heures de vol pour se prostituer à Tahiti. Et 10 000 dollars la passe. Il faut être assez exceptionnel dans ses prestations. Mathématiquement, ça ne tient pas. Son rôle, c’est d’être un collecteur de fonds pour les faire sortir de Polynésie française. Ça transpire le trafic de stupéfiants”, a asséné la magistrate.
Mais elle s’est aussi arrêtée sur “la misère dans laquelle se trouve la prévenue”: “On sait que les réseaux criminels surfent sur la misère sociale pour leur seul bénéfice. Ce sont des gens qu’on peut sacrifier”.
En défense, Me Smaïn Bennouar a insisté sur le fait que son client n’était pas poursuivi pour trafic de stupéfiants, mais pour blanchiment d’argent. Et donc que l’enquête parallèle ne devait pas avoir d’incidence sur le procès.
“Comment pourrait-on avoir la conviction qu’elle serait au cœur des rouages d’un trafic international ? Quels éléments a-t-on ? Rien”, a-t-il martelé, “elle est venue exercer son métier. C’est une travailleuse du sexe”.
Après un bref délibéré, le tribunal a condamné Rubio G. à 4 ans de prison ferme avec maintien en détention. Une peine assortie d’une interdiction à vie de remettre les pieds en Polynésie et sur l’ensemble du territoire national lorsqu’il sera remis en liberté. Les 8,6 millions de francs ont été saisis.



