« Sur la forme c’est une bêtise, pas sur le fond » : l’auteur des dégradations sur la synagogue condamné

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    L'homme de 67 ans qui a reconnu avoir jeté de la peinture rouge sur l’étoile de David ornant le portail de la synagogue de Papeete, dans la nuit du 11 au 12 septembre, a été jugé ce jeudi par le tribunal correctionnel. Devant les juges, ce bijoutier retraité a revendiqué un acte "politique", et non "antisémite". Il a été condamné à six mois de prison avec sursis probatoire, assortis d’obligations, et à 600 000 francs d'amende.

    Audience tendue, ce jeudi, au tribunal correctionnel de Papeete, où comparaissait le sexagénaire auteur d’un jet de peinture rouge sur la synagogue de Papeete, la semaine dernière. Interpellé la veille, il avait assuré aux enquêteurs qu’il revendiquait son acte et souhaitait  « attirer l’attention sur la cause palestinienne” .

    Un geste qui avait consterné la communauté juive de Tahiti, dont certains membres se sont rendus au procès. Car, comme l’a confié le ministère public, peu s’attendaient à ce qu’une telle affaire vienne « troubler la paix sociale polynésienne » , loin de la bande de Gaza.

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    Ce sont les caméras de surveillance de la ville, dont celle de la station Mobil adjacente à la synagogue, et la téléphonie qui ont permis d’identifier l’homme. Les images relevées par les enquêteurs, recoupées avec celles de la synagogue, montrent une silhouette en casquette, t-shirt avec un logo, masque anti-Covid sur le visage et sac à dos vissé aux épaules. On distingue l’homme s’approcher du portail de la synagogue de Papeete et projeter de la peinture rouge sur l’étoile de David du portail, peu après minuit.

    Une action préméditée et revendiquée

    L’enquête de voisinage ne donnant rien, c’est grâce à la téléphonie que la police a pu retrouver l’auteur des faits. Car quelques heures après son « coup » , plusieurs rédactions reçoivent un appel énigmatique. « Allez voir le sang des enfants palestiniens (…) avant que les sionistes ne l’effacent« , lance le prévenu. L’enquête établit que l’appel a été passé depuis une carte prépayée – jetée depuis, comme les vêtements – achetée deux jours plus tôt à la station Shell de Prince Hinoi, sous une fausse identité.

    Le téléphone est finalement identifié, et mènent les enquêteurs chez le sexagénaire. Outre le portable, ils y découvrent, un paquet de masques, et deux pots de peinture de rouge.

    Devant le tribunal, le sexagénaire reconnaît qu’il avait effectué des repérages une semaine auparavant. Mais il rejette toute intention antisémite. « Ce n’est pas contre la religion, mais contre le symbole de la patrie israélienne » , explique-t-il. Selon lui, la peinture rouge devait « simuler le sang des enfants palestiniens » . « C’est une révolte humaine » , affirme-t-il encore, se tournant vers les membres de la communauté juive venus assister à l’audience. Il n’en démord pas : « sur la forme, c’est une bêtise, pas sur le fond » .

    Il défend un « engagement » né de longs mois d’indignation : « Des enfants dévastés parce qu’ils ont perdu la maman, le papa… Vous vous dites : il y a trop de silence, il faut que je fasse quelque chose, ce n’est pas possible (…) on ne peut pas réponde à de la barbarie par de la barbarie » . Il maintient que son message a une portée « politique » . « Pour moi il y a les patriotes, et les sionistes, qui sont des ultra nationalistes » ajoute-t-il. À ceux qui lui demandent s’il comprend que la communauté ait pu se sentir visée dans son ensemble, il répond : « Je veux que ça éveille les consciences » , déclenchant quelques rires jaunes dans la salle.

    La communauté juive « atterrée »

    La compagne de celui-ci s’est dite « sidérée » devant les enquêteurs , confiant qu’elle connaissait ses prises de positions mais ne l’imaginait pas passer à l’acte. Partie civile, Joseph Abihssira, président de l’ACISPO (Association Cultuelle des Israélites et Sympathisants de Polynésie), a été « atterré » . D’autant plus qu’il connaissait le mis en cause, ancien bijoutier qui lui avait jadis confectionné une bague.

    Pour l’avocate des parties civiles, Me Nougarro, le « discours ne tient pas » . « On ne peut pas se cacher derrière le fait qu’on ne serait pas antisémite en étant antisioniste » , déclare-t-elle. « Le discours selon lequel on se pare derrière quelque chose de politique, c’est un discours qui est malheureusement souvent ramené au premier plan (…). Il n’y a pas un regret » .

    En défense, Me Tefan tente de relativiser. « On est en train de faire d’une petite affaire une grande histoire. C’est la liberté d’expression (…) exprimée d’une façon stupide (…) un coup médiatique » . D’ailleurs, l’homme tient à dire qu’il a averti les médias « pour éveiller les consciences en Polynésie » , et pour que son acte « ne soit pas futile » . « J’ai des amis juifs, et des héros juifs, comme Yitzhak Rabin ou Michèle Sibony » , se défend-il.

    La procureure, elle, tient à ce que le geste ne soit pas minimisé, estimant que « les membres de la communauté – juive – peuvent craindre pour leur vie, au vu de ce qui se passe dans le monde » . « Quand on veut exprimer une opinion politique, on ne se cache pas derrière un masque » , pointe-t-elle. Et de trancher. « Ce n’est pas une bêtise. Les bêtises, c’est pour les enfants » .

    Après en avoir délibéré, le tribunal a condamné l’homme à six mois de prison avec sursis probatoire pendant 24 mois. Il devra également exécuter un travail d’intérêt général et indemniser la communauté juive de Polynésie : 300 000 francs pour le préjudice matériel, et 300 000 francs pour le préjudice moral.

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