C’est toujours sûr de lui, et entouré de ses soutiens, que le docteur Theron s’est présenté à la barre de la cour d’appel, ce jeudi. Le médecin a de nouveau comparu pour des violences présumées exercées à l’encontre d’un clerc d’huissier venu lui remettre une convocation de la Chambre disciplinaire de l’Ordre des médecins, en septembre 2021, en pleine épidémie de Covid.
Le docteur de 67 ans lui aurait lancé un dessous de plat en métal, lui entaillant le bras. Il lui est aussi reproché d’avoir outragé un gendarme, le lendemain, alors que le militaire voulait lui remettre une convocation dans le cadre du précédent incident.
Des faits que le médecin a de nouveau balayés, ce jeudi, accusant le gendarme de « mensonges » et le clerc d’huissier de s’être blessé lui-même. Un auxiliaire de justice qu’il a en outre présenté comme un « vendeur de drogue ».
« S’il y a une personne dans cette salle qui a subi des violences physiques (….), c’est la personne qui vous parle », a déclaré le prévenu, en référence à son interpellation musclée filmée par certains de ses patients et diffusée sur les réseaux sociaux. « J’estime que dans cette affaire, on m’a tiré dans le dos. Ma carrière et mes engagements plaident pour moi », a-t-il ajouté.
« Je n’ai jamais travaillé autant que durant cette période. J’étais épuisé physiquement (…) J’ai la conviction d’être une victime plus qu’un délinquant (…) Je ne suis pas un médecin à deux balles (…) Je suis, je pense, la bonne personne au bon moment », a-t-il encore fait valoir en tenant à préciser qu’il était un « homme public » et avait été, dans ses jeunes années, « le meilleur étudiant de Polynésie ».
Jean-Paul Theron a également profité de l’audience pour dézinguer à tout-va : magistrature, « je ne suis pas fier de la justice de la République », ou encore Ordre des médecins pour lequel il n’a « aucune considération » : « Le temps venu, je militerai pour sa suppression ».
Et le docteur de poursuivre : « Je me demande si cette affaire n’est pas politique (…) Ce sont les mairies de Faa’a et de Paea, deux mairies souverainistes, qui m’envoyaient leurs patients (…) Je n’étais pas un gentil taote soumis ».
« Gourou »
Invité à témoigner, le clerc d’huissier a maintenu sa version des faits : « Il a pété un câble (…) Il fallait que je fasse mon boulot. Je lui ai dit : ‘je vous remets le papier et je m’en vais’. J’ai senti un choc au bras et j’ai vu que je saignais. Un docteur ne blesse pas les gens ».
L’homme s’était vu délivrer 10 jours d’incapacité de travail en raison de sa blessure. Marqué psychologiquement, il a également été victime de crises d’angoisse qui l’ont empêché de poursuivre son activité et il a fini par être licencié.
« Il n’est pas tolérable que monsieur Theron réitère des accusations graves en qualifiant mon client de trafiquant de drogue et de menteur professionnel puisqu’il est huissier », s’est indigné l’avocat du clerc, Me François Mestre pour qui le médecin, « excellent conteur, voire affabulateur », s’apparente à un « gourou ».
« Ce n’est pas parce qu’on est médecin que l’on est au-dessus des lois », a renchéri Me Teremoana Hellec, avocat du conseil de l’Ordre, partie civile dans le dossier. Celui-ci a expliqué que la convocation de la Chambre disciplinaire résultait d’une plainte de la Polynésie.
Cette dernière avait été déposée pour « des propos tenus à l’égard » du ministre de la Santé de l’époque, mais aussi pour « exercice de la médecine foraine et pour faire la promotion de procédés insuffisamment éprouvés ». « Vous ne pouvez pas faire de la médecine chez vous, sans aucun contrôle, c’est pour cela qu’il a été sanctionné », a ajouté Me Hellec. Le docteur Theron s’était vu signifier par ses pairs une interdiction d’exercer pour 3 ans, dont 2 avec sursis.
L’avocate générale a, dans la foulée, fustigé « la toute-puissance » du prévenu « qui n’est pas un médecin à deux balles » quand les autres « médecins, magistrats », le sont. « Contrairement à ce qui dit monsieur Theron, cette affaire n’est pas politique, ni sanitaire. C’est une affaire pénale (…) Il nous sert un discours de victimisation (…) Il n’y a absolument aucune remise en question », a tonné la magistrate.
« Je m’étais dit que la peine de première instance -6 mois de prison avec sursis, Ndlr- semblait adaptée. Mais à l’issue de cette audience, ce n’est plus le cas. Il a un mépris total pour l’ensemble des institutions publiques », a soufflé la magistrate avant de requérir 10 mois de prison avec sursis.
« Ce n’est pas un voyou, pas un criminel », a plaidé l’un des deux avocats du médecin, Me Théodore Céran-Jerusalemy, « à cette époque, il y avait des dizaines de morts par jour (…) Ces convocations pouvaient attendre. Il était en train de sauver des centaines de vies ».
La cour d’appel a mis sa décision en délibéré. Le jugement sera rendu le 2 octobre