« Gestion comptable pour le moins erratique », « insuffisances », utilisation de fonds à des « fins personnelles ». Les griefs de la CTC à l’égard de la Chambre de l’agriculture et de la pêche lagonaire (CAPL) et de son président Thomas Moutame sont nombreux.
Dans un rapport de 88 pages, publié ce mercredi, la juridiction financière étrille à la gestion de cet établissement public qui dispose d’un statut particulier.
« La CAPL a perçu au cours de la période des subventions du Pays, avec une part assez constante dans son budget, comprise entre 83 % et 94 % (…) Les subventions de fonctionnement ont ainsi enregistré une hausse de + 179 %, en passant de 131 millions de francs en 2020 à 365 millions en 2023 (…) Cette augmentation a été alimentée par certaines dépenses qui sont dès lors à surveiller, tels que les frais de location, de réparation, de publicité et la masse salariale. Pour sa part, la section d’investissement a connu une véritable rupture dans son évolution : de 21 millions de francs dépensés en 2020 (…) à 359 millions en 2023. Cette masse a été financée pour la plus grande partie par des subventions d’équipements du Pays », note la CTC. Autant de chiffres qui « traduisent un activisme incontestable du président » Thomas Moutame.
La CAPL, qui comprenait 39 personnels en 2024, contre 20 quatre ans plus tôt, a donc connu une « mutation en profondeur » alors qu’au préalable ses missions étaient axées sur l’organisation de la Foire agricole et d’autres évènements.
L’un des « projets emblématiques » de l’établissement de ces dernières années a ainsi « consisté en l’achat (…) d’engins de travaux remis à titre gratuit entre décembre 2022 et juillet 2024 à 18 communes, une association et deux coopératives à fin de location ».
Au total, selon la CTC, « 35 machines ont été distribuées » de la sorte pour une valeur globale de 470 millions de francs. Des montants « significatifs » issus de fonds publics qui auraient dû donner lieu à « une rigueur de gestion exemplaire ».
Or, estime la CTC, « les standards d’exigence adéquats » n’ont pas été respectés. La juridiction financière a en effet constaté « des dysfonctionnements (…) à chaque étape de la conduite du projet », tels qu’un « montage juridique fragile, une procédure de marchés publics discutable » ou encore « une sélection opaque des bénéficiaires ».
« Ces constats sont difficilement admissibles de la part d’un président doté d’une expérience administrative particulièrement aguerrie, étant élu maire depuis 1997 à Taputapuatea et ayant participé à plusieurs gouvernements de la Polynésie française », taclent les magistrats financiers.
Ceux-ci dépeignent aussi « une gestion comptable pour le moins erratique » et des « recettes d’investissement factices » ne permettant pas « de considérer le budget comme sincère » pour la période 2021-2024.
La CTC a aussi relevé une utilisation « à des fins personnelles », par le régisseur de la CAPL, d’une somme de 1,5 million de francs. L’intéressé a depuis remboursé la somme et son CDD n’a pas été reconduit. Mais il a par la suite été recruté par Thomas Moutame comme « directeur général des services adjoint à la commune de Taputapuatea ». Une embauche « qui peut remettre en cause l’impact de la sanction prise à la CAPL », déplore la juridiction.
En raison de ces multiples observations, celle-ci a émis une « alerte », considérant que « dans chacun des domaines contrôlés, (…) des insuffisances ont été diagnostiquées ».
« Les marges de progression résident en fin de compte dans l’adoption d’une culture de la rigueur justifiée notamment par l’usage de crédits publics. Cette nécessité de changement est d’autant plus renforcée que l’organisme ne bénéficie plus, à sa demande, de certains dispositifs de contrôle du Pays et du comptable public », conclut la CTC.
Les 8 recommandations de la CTC
Recommandation n° 1 : Dès 2025, formaliser et mettre en œuvre une procédure de contrôle des titulaires de la carte professionnelle.
Recommandation n° 2 : Préciser dès 2025 dans une délibération de l’assemblée générale les modalités de prise en charge des frais de mission des élus.
Recommandation n° 3 : Établir et appliquer à partir de 2025 un dispositif robuste de prévention des conflits d’intérêt des élus.
Recommandation n° 4 : Rédiger à partir de 2025 un règlement intérieur des organes de gouvernance qui garantisse les principes de transparence.
Recommandation n° 5 : Tenir à partir de 2025 un inventaire physique et comptable complet et à jour du patrimoine.
Recommandation n° 6 : Mettre en œuvre sans délai les outils internes de suivi des conventions de transfert de gestion des engins.
Recommandation n° 7 : Mettre en œuvre au plus tard en 2026 une comptabilité analytique.
Recommandation n° 8 : Se doter dans les plus brefs délais d’un dispositif de contrôle interne.
Le Rapport complet de la CTC :



