Deux policiers condamnés pour les violences filmées sur un homme handicapé quartier Estall

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Deux policiers de la DTPN ont été condamnés, ce mardi, à un an de prison avec sursis, ainsi qu’à une interdiction temporaire d’exercer. Le 27 septembre dernier, le plus jeune avait été filmé en train de malmener un homme en fauteuil roulant dans le quartier Estall, à Papeete. Le plus gradé avait ensuite rédigé un faux rapport d’intervention pour ne pas compromettre la carrière de son collègue.

La diffusion de la vidéo sur les réseaux sociaux avait choqué en Polynésie, et jusque dans l’Hexagone. Sur les images filmées par un riverain du quartier Estall, à Papeete, quatre policiers entourent un homme en fauteuil roulant.

Manifestement ivre, et blessé à la tête, celui-ci s’énerve, insulte les fonctionnaires et refuse d’attendre l’arrivée des pompiers.

Le plus jeune des policiers, depuis peu sur le terrain, empoigne alors son fauteuil roulant et fait un brusque mouvement de va-et-vient qui le fait tomber à terre. Alors que l’homme de 49 ans est toujours au sol, il lui assène une violente gifle, dont le son est bien audible sur la vidéo.

Des “violences aggravées” pour lesquelles le policier adjoint à l’époque a dû répondre, ce mardi. Cet homme de 28 ans, depuis licencié de la DTPN, a reconnu les faits à la barre. “Monsieur se débattait et nous insultait, mais ce que j’ai fait n’était pas justifié. C’est mon geste qui l’a fait tomber, mais ce n’était pas mon intention”, a-t-il déclaré.

C’était un mauvais soir. J’ai manqué de contrôle. Il n’y avait rien d’extraordinaire dans cette intervention. J’avais fait une grosse journée de sport. Peut être que ça m’a fatigué mentalement”, a-t-il ajouté

Il s’est souvenu d’une ambiance tendue dans le véhicule qui les a ramenés au commissariat ; des “collègues très mécontents” de son “geste” : “Ils m’ont fait comprendre que ce n’était pas le bon comportement”.

Mais le plus ancien de la patrouille, 17 ans de maison, a pourtant pris la décision de lui sauver la mise en rendant à la hiérarchie un rapport d’intervention qui ne faisait pas mention des violences. Juridiquement, un “faux dans un écrit”, qui aurait pu passer inaperçu sans la publication de la vidéo.

A la barre, l’intéressé a expliqué avoir voulu protéger son jeune collègue : le “major” de sa promotion, “décoré par Darmanin”, un jeune homme qui “aurait été un bon fonctionnaire” à ses yeux.

La victime était également présente à l’audience.

J’avais conscience de la gravité de la chose, mais je voulais préserver le collègue. C’était un coup de poker. Je n’avais rien à gagner dans l’histoire. Au contraire, j’ai tout perdu”, a-t-il soufflé. Sur le plan administratif, il a été exclu pour deux années de la DTPN.

Et si c’était à refaire ?”, l’a interrogé à chaud le président. “Je le balance, direct”, a-t-il répondu du tac-au-tac.

La victime, elle, n’a pas été très bavarde à l’audience. Dans son fauteuil, l’homme a expliqué qu’il avait été malmené à plusieurs reprises ces dernières années par des policiers. Il aurait ainsi perdu l’usage d’un œil lors d’une interpellation musclée en 2014.

Mon client attend beaucoup de la justice. Il n’a pas confiance dans la police”, a lancé son avocate, Me Sarah Da Silveira.

Dans ses réquisitions, le procureur Michel Mazars a insisté sur le fait que les forces de l’ordre devaient bénéficier d’une “nécessaire protection”, en raison de la difficulté de leur profession, mais que cela n’était pas synonyme “d’impunité”.

Ils ont un devoir d’exemplarité, un devoir d’honnêteté (…) et surtout d’avoir un usage légitime et proportionné de la force (…) La victime était en situation de vulnérabilité (…) Ils ne pouvaient pas se comporter de la sorte”, a-t-il ajouté. “Il y a eu un trouble manifeste au-delà de la Polynésie française puisque les images ont circulé sur l’ensemble du territoire national (…) Cela a contribué à la méfiance de la population vis-à-vis des forces de sécurité”, a-t-il encore déploré.

En défense, l’avocate du plus âgé, Me Karina Chouini est revenue sur le déroulement de la soirée du 27 septembre : “Ils avaient eu une garde de 12 heures avec 20 interventions. Et ils savent que le quartier Estall est un quartier chaud (…) Mon client a pris le risque pour un gamin qu’il pensait être un bon policier”.

Le conseil de l’auteur des violences, Me Yves Piriou, a de son côté plaidé pour que le “dossier soit ramené à sa réalité”, la victime présentant 3 jours d’Incapacité temporaire de travail : “Mon client est coupable. Il assume tout (…) Il sait très bien que ce métier qu’il aimait, c’est fini (…) Ce sont des gens qui ont un travail de nuit difficile. C’était un vendredi soir. On a beau être habitué, parfois ça déborde”.

Le tribunal a finalement condamné l’ex-policier adjoint à une peine d’un an de prison avec sursis, ainsi qu’à une interdiction d’exercer dans la police ou dans la gendarmerie pour une durée de 5 ans. Le représentant du parquet avait réclamé une interdiction à vie. Sa condamnation figurera également sur son casier judiciaire, le tribunal ayant rejeté sa demande pour que ce ne soit pas le cas.

Quant au gardien de la paix, auteur du faux, il a également écopé d’une année avec sursis, assortie d’une interdiction d’exercer pour une durée de 18 mois. La peine sera aussi inscrite sur son casier judiciaire.

Une audience ultérieure se tiendra pour chiffrer les dommages et intérêts destinés à la victime.

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