“Gardez-moi de mes amis, mes ennemis je m’en charge”. Dominique Auroy pourrait faire sienne cette citation de Voltaire. Car c’est un ancien proche collaborateur, Pierre Marchesini, qui lui a valu de comparaitre de nouveau au tribunal, ce mardi, dans le dossier dit “Taui FM”.
Dans le cadre d’une autre enquête, celui qui avait été directeur général de La Dépêche de Tahiti, groupe appartenant à Dominique Auroy, avait “balancé” le chef d’entreprises.
“Par vengeance”, ne s’était-il pas caché, il l’avait accusé d’avoir obtenu le soutien du ministre du Tourisme de l’époque, Jean-Christophe Bouissou, pour qu’il fasse la “promotion”, auprès du gouvernement, de son vaste projet d’Ecoparc au cœur de la vallée de la Papenoo.
En contrepartie, l’association “Taui FM”, radio fondée par le ministre, aurait bénéficié de versements, via la Régie Polynésienne de Publicité du groupe La Dépêche, pour un montant total de 52 millions de francs.
Des accusations balayées à la barre, ce mardi, par Dominique Auroy. “On est dans la délation. Les faits que vous exposez son archi faux (…) C’est un tissu de mensonges. Monsieur Marchesini est très sanguin, très particulier”, a martelé l’homme d’affaires qui dit s’être séparé du directeur de la Dépêche après s’être “rendu compte de la gestion catastrophique” de ce dernier, ce qu’il a “très mal pris”.
L’homme d’affaires a expliqué avoir effectivement passé une convention le 1er septembre 2014, après plusieurs mois de négociations, avec la direction de “Taui FM”. Un contrat pour intégrer la station “généraliste” dans sa régie publicitaire qui gérait déjà les radios “NRJ” et “Rire et Chansons”.
Ce regroupement avait pour but, selon lui, de gagner en chiffre d’affaires, sans avoir à dépenser plus en termes de masse salariale, tout en s’engageant à verser 3 millions de francs par mois de recettes à “Taui FM”.
“L’amitié n’est pas synonyme de malhonnêteté”
Dominique Auroy
“Au bout d’un an, on n’a pas eu les chiffres que j’espérais et j’ai arrêté le contrat. Il n’y avait aucune concordance avec le projet Ecoparc”, a poursuivi Dominique Auroy qui a reconnu être un ami de longue date de Jean-Christophe Bouissou, mais “l’amitié n’est pas synonyme de malhonnêteté”.
L’ex ministre du Tourisme a également nié toute entente, insistant sur le fait qu’il avait été nommé 15 jours après la signature de la convention litigieuse et dans des conditions particulières : la perte du mandat présidentiel de Gaston Flosse après une condamnation devenue définitive.
“J’étais bien loin de savoir que j’allais entrer au gouvernement par le fait que Gaston Flosse perdrait ses fonctions et qu’Edouard Fritch serait élu”, a-t-il soufflé.
Jean-Christophe Bouissou a également argué que le seul arrêté gouvernemental pris à l’époque pour Papenoo concernait “l’aménagement et le développement de la vallée” : “C’est un arrêté de portée générale qui peut inclure n’importe quel projet. Il n’y a pas d’arrêté Ecoparc. Il n’y a pas de favoritisme”.
“Monsieur Bouissou n’était pas aux affaires quand la convention a été signée (…) Que monsieur Flosse soit démissionné de ses fonctions était imprévisible et que monsieur Bouissou soit nommé ministre l’était aussi. Cela exclut absolument toute culpabilité”, a enchainé son avocat, le Bâtonnier Yves Piriou qui a réclamé une relaxe.
Même chose en défense pour Dominique Auroy. “Ce dossier commence sur une dénonciation calomnieuse de monsieur Marchesini. Mais à aucun moment il n’apporte un élément de preuve. C’est un non-dossier (…) La convention était en bonne et due forme”, a plaidé Me Vincent Blondeau, dénonçant un “acharnement” judiciaire visant son client.
La procureure, elle, ne l’a pas entendu de cette oreille. “L’Ecoparc est un projet de monsieur Auroy depuis 20 ou 30 ans. Monsieur Bouissou est son copain et il a aussi une marotte : une radio un peu en difficulté. Tout ça, ça s’arrange. Monsieur Auroy fait des dons, puis une convention avec la régie publicitaire. L’idée est d’inciter son ami de toujours à pousser son projet”, a asséné la magistrate.
Considérant qu’ils étaient coupables des faits qui leur sont reprochés, elle a requis pour les deux hommes une peine similaire : 15 mois de prison avec sursis, 2 millions de francs d’amende et le paiement de dommages et intérêts. Le tribunal a mis son jugement en délibéré au 24 juin.