Itinérance mobile : l’Autorité de la concurrence pose ses conditions au projet de réforme

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Ce lundi, l’Autorité polynésienne de la concurrence a rendu son avis sur le projet de loi du Pays visant à refondre le régime de l’itinérance mobile. Si elle salue une avancée majeure pour l’organisation du secteur, l’instance émet de nombreuses réserves et recommandations, notamment sur la segmentation territoriale, le modèle de coûts et la gouvernance du marché.

L’Autorité Polynésienne de la concurrence (APC) pose un nouveau diagnostic sur le vaste chantier de la réforme des télécoms. Dans un avis publié ce lundi, deux semaines après celui du CESEC, l’autorité estime elle aussi que le projet de loi du Pays destiné à revoir en profondeur les règles encadrant l’itinérance mobile peut renforcer l’équité territoriale entre opérateurs.

Pour rappel, la prestation de l’itinérance mobile permet aux abonnés d’un opérateur d’utiliser les infrastructures d’un autre, leur dédoublement n’étant pas économiquement viable.

 

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Historiquement structuré autour de l’OPT et de sa filiale Onati, le marché local à ouvert ses portes à Pacific Mobile Telecom (PMT – Vodfane), Viti, et aux contentieux devant le tribunal administratif. Mais l’Autorité rappelle que de nombreux segments restent en situation de monopole de droit, en particulier les réseaux de collecte et certaines infrastructures essentielles. En ce sens, le projet de loi vise à moderniser les règles, introduire plus de visibilité pour les opérateurs et garantir un accès plus équitable aux réseaux.

La segmentation territoriale en pierre angulaire

L’avancée la plus structurante réside dans la création d’une segmentation du territoire en trois zones, en fonction de la rentabilité du déploiement des réseaux. Une approche que l’Autorité salue comme une avancée majeure, qui « permet d’adapter les obligations de couverture, de qualité de service ou d’investissement aux conditions particulières des territoires polynésiens, favorisant une meilleure prise en compte des disparités entre Tahiti, les îles à forte densité de population et les archipels éloignées » .

Le projet de loi envisage trois zones :

  • Zone 1 : concurrence libre, où plusieurs opérateurs peuvent déployer un réseau rentable (Tahiti, Moorea, Bora Bora). L’itinérance y resterait principalement contractuelle.
  • Zone 2 : itinérance encadrée, pour les îles où seuls un ou deux opérateurs peuvent soutenir un réseau propre. L’Autorité recommande d’y encadrer strictement les tarifs et conditions techniques afin d’éviter des blocages concurrentiels.
  • Zone 3 : itinérance obligatoire, dans les archipels éloignés (Tuamotu, Gambier, Australes, Marquises), où l’intervention publique est indispensable. L’Autorité estime que le service mobile y relève de l’intérêt général et doit être garanti même en l’absence de rentabilité.

Une architecture territoriale dont l’APC déplore une « prévisibilité juridique insuffisante pour les opérateurs, sans vision claire du cadre réglementaire applicable à l’itinérance » .

Manque d’un régulateur indépendant

L’APC insiste particulièrement sur un point : la réforme de l’itinérance mobile ne pourra être pleinement efficace qu’à condition de revoir en profondeur la gouvernance du secteur. Aujourd’hui, le pilotage de la régulation repose largement sur la Direction générale de l’économie numérique (DGEN) et sur le Conseil des ministres, un schéma qui soulève de sérieuses interrogations en matière d’impartialité.

La DGEN est en effet à la fois chargée d’instruire techniquement les dossiers et d’élaborer les décisions que le gouvernement adoptera ensuite, concentrant dans les mains du Pays les fonctions de conception, d’analyse et d’arbitrage. Une configuration qui crée selon l’APC un risque structurel de biais, en particulier dans un marché où l’opérateur historique – Onati, filiale de l’OPT – demeure étroitement lié au Pays.

« Dans cette perspective, l’Autorité estime indispensable que soient instaurées des garanties effectives d’indépendance et de transparence dans l’exercice de la régulation, en confiant la mission de régulation de l’itinérance mobile, et plus largement du secteur des télécommunications, à une agence de régulation sectorielle indépendante » , détaille l’avis, mentionnant les exemples du Vanuatu, des Samoa, ou encore des Cooks, où des autorités de régulation « indépendantes du pouvoir politique » existent.

Pertes mécaniques pour Onati

Si la réforme entend rééquilibrer les relations entre opérateurs, elle implique aussi qu’Onati absorbe une partie des coûts liés à l’ouverture accrue de son réseau. L’APC souligne en effet que pour les zones de carence – notamment la 3 – , la taille du marché, les coûts logistiques et la dispersion géographique rendent impossible la rentabilité d’un déploiement strictement commercial.

D’un côté, Onati doit maintenir des infrastructures coûteuses, parfois déficitaires, pour garantir un service mobile indispensable à la cohésion du territoire ; de l’autre, elle doit accepter l’ouverture de son réseau à des concurrents, souvent mieux positionnés commercialement, à travers des tarifs d’itinérance qui seront plafonnés.

« Compte tenu de la situation financière déjà fragile de l’OPT, une diminution de ses recettes issues des prestations d’itinérance pourrait accentuer les tensions sur sa capacité d’investissement et, à terme, affecter la soutenabilité économique de l’exploitation du réseau de la zone de carence de l’initiative privée » , note l’APC, préconisant le recours à des subventions publiques pour maintenir à flot l’opérateur. « L’instauration d’un service public des télécommunications dans les zones de carence de
l’initiative privée à la charge de l’opérateur historique pourrait faire l’objet d’un financement à
travers des subventions publiques, strictement limitées aux montants nécessaires pour maintenir
la viabilité économique du service dans ces zones. Alternativement, il pourrait être envisagé un
mécanisme de compensation alimenté par l’ensemble des opérateurs du secteur, sous la forme
d’une contribution obligatoire, afin de garantir une couverture géographique complète en
téléphonie mobile du territoire polynésien
 » .

L’avis complet de l’APC est à retrouver ICI

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