Organiser un concert ou un festival de musique à Tahiti ? Un challenge plus que complexe, à en croire les producteurs locaux. Pour faire monter sur scène des artistes locaux ou internationaux, les organisateurs doivent prévoir leurs évènements jusqu’à un an et demi à l’avance, en raison de la logistique, mais pas seulement.
« On manque vraiment de salles, de grandes salles, un peu comme ce qu’il se passe en France » , regrette le gérant de Pacific M Event Teariki Taata. Manquent selon lui, à l’échelle de Tahiti, « des mini-zéniths, des salles modulables, qu’on peut mettre en 1000 places assises, 2000 places assises ou 4000 places debout » . Un constat partagé par le gérant de LA Production Arnaud Bertrand, pour qui un dialogue avec les responsables communaux est possible, et souhaitable. « On a un manque de salles, ça c’est sûr, mais je pense qu’il y a une conversation à avoir (…) avec la politique ici, localement, pour pouvoir créer des choses, mais aussi avec les gens » , avance-t-il.
Avec ses 6 000 places, Toata reste l’unique grand espace de spectacle. Une scène à ciel ouvert qui ne peut pas être exploitée pendant plusieurs semaines chaque année, lors de la saison des pluies. Ce qui laisse une fenêtre de tir plutôt courte aux producteurs, sachant que l’espace accueille les incontournables heiva taurea en mars, le heiva en juillet et le hura tapairu en décembre. « On arrive à faire quatre spectacles par an à Toata et trois au Grand Théâtre, c’est tout. Et on n’est pas tous seuls, il y a aussi tous les autres producteurs qui doivent travailler, souligne la gérante de SA Productions Sonia Aline.
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Adaptées au spectacle vivant, les quatre scènes de la maison de la culture de Papeete sont forcément très prisées. Pièces de théâtre, galas de danse, concerts ou encore projections de film : la demande surpasse les disponibilités.

Pour répondre aux besoins des professionnels, un calendrier de réservation est ouvert d’octobre à décembre. Les producteurs ont deux mois pour tenter de décrocher une date pour l’année suivante. Un acompte est désormais demandé pour bloquer la réservation. Mais les créneaux disponibles restent chaque année très limités, comme le rappelle le directeur de TFTN Vaitua Tokoragi. « On a un nombre de représentations du côté des producteurs privés assez considérable. On est à peu près à 229 représentations en 2024, hors période d’occupation qui peut se porter à plus de 350 jours d’occupation » , chiffre-t-il/
Résultat : les organisateurs de concerts se tournent vers des espaces extérieurs, dans des hôtels ou au parc Vairai de Punaauia. Un site très demandé pour sa capacité d’accueil. Mais pour des questions de sécurité, les règles sont plus strictes. À 22h, les festivités doivent cesser. Dès lors, difficile de rentabiliser un événement. « On a besoin, pour organiser des festivals, d’avoir une amplitude horaire importante, estime le directeur de Tahiti Spectacles Rodolphe Raynaud. Déjà pour pouvoir vendre des consommations pour augmenter le chiffre d’affaires de la soirée. Aujourd’hui, à Tahiti, les places de concerts ne peuvent pas être vendues au tarif où elles devraient être vendues pour rentabiliser les concerts. C’est un point d’achoppement » .
Autre élément à prendre en compte : les nuisances sonores. Dans les communes qui accueillent les concerts ou les festivals, les plaintes sont récurrentes. À Papeete, des DJ internationaux se sont déjà produits en plein centre-ville. Le front de mer de la capitale est alors envahi par la foule. C’est le cas lors des puromu party.

« On a deux puromu parties dans l’année, donc c’est encore acceptable. Ensuite, je pense qu’on est arrivé à discuter avec les riverains pour voir quel était leur seuil au-delà duquel, ce n’était plus possible pour eux d’accepter, relate le directeur des services de la Ville de Papeete Rémy Brillant. Il ne faut pas oublier qu’il y en a qui ont des maladies. Maladies de cœur, des fois, des acouphènes. Il y en a qui travaillent et qui ont besoin de pouvoir se reposer » .
Les tavana ont beau ajuster les règles d’organisation, pas toujours facile de trouver le juste équilibre entre animation de la commune et tranquillité des administrés.