Tahiti Nui Télévision : Tout d’abord, on s’interroge sur la façon dont a été créée cette pièce. Quel a été le processus de création, comment est-ce que vous avez travaillé dessus ?
Guillaume Gay, directeur artistique de la compagnie du caméléon : « Eh bien, on souhaitait parler de la famille déjà et puis on travaille beaucoup dans les quartiers, on travaille beaucoup en détention auprès des jeunes de la PJJ, auprès des foyers et tout ça et on fait notamment des ateliers d’écriture et d’initiation à la pratique théâtrale et donc voilà, on s’est dit, on va intensifier, on va dire, tous ces ateliers pour, déjà parce que c’est une fonction évidemment intrinsèque et puis aussi parce qu’on souhaitait obtenir des récits et puis voir justement ce dont parlent justement tous ces jeunes au niveau de la famille. »
TNTV : Donc vous vous êtes inspiré des histoires finalement de la société polynésienne d’aujourd’hui ?
Guillaume Gay : « Exactement oui, l’idée, c’était vraiment de s’infiltrer, enfin en tout cas d’être au plus proche de ce qui se passe dans les familles, de ce qui se passe dans la société polynésienne et puis d’oublier tout ça. Il nous fallait laisser un temps de décantation pour qu’on ne soit pas sur des histoires particulières, mais qu’on puisse inventer ensuite une fiction. Et ce qui revenait souvent dans ces ateliers c’était précisément justement les mutismes, c’est-à-dire tout ce qui est tu dans les familles, tous les drames familiaux ou en tout cas les choses qu’on n’a pas trop envie de dévoiler et que l’on porte justement de génération en génération malgré soi et qui créent des tensions, des frictions, des rugosités, on va dire à l’intérieur des familles. »
TNTV ; Ce qui peut résonner finalement pour le public, qu’est-ce qu’on ressent quand on regarde la pièce ?
Guillaume Gay : « Alors, on ressent plein de choses, on ressent tout ce qu’on ressent dans la vie, c’est-à-dire qu’on s’attache très vite en fait à ces personnages qui vivent plein de belles choses entre eux aussi. »
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TNTV : Justement il y a quatre comédiens, qui sont les trois autres et quels sont les personnages que vous jouez sur scène ?
Guillaume Gay : « Alors, il y a Herehau dont on parlait tout à l’heure, le fils qui va devenir papa et qui a besoin de savoir d’où il vient, la maman qui lui refuse l’identité de son père. Il y a Teco qui est l’oncle de Herehau qui est très très ami on va dire avec, très proche en tout cas de Herehau et qui est un peu son modèle donc Herehau va demander de l’aide auprès de lui. Et puis il y a Koba aussi, qui est le personnage que j’interprète, qui est un tuppapau, c’est la tante, on va dire, c’est aussi la maman de Teco et elle revient auprès de sa famille pour remettre chacun sur la voie du dialogue de la restauration. »
TNTV : Et parmi les comédiens on retrouve Tuarii Tracqui et Tepa Teuru, très bien connu ici en Polynésie, le Keshi, le nom de la pièce, c’est une perle difforme finalement qui n’est pas comme les autres. C’est ce qui résonne, c’est un lien finalement j’imagine avec les sujets qui sont abordés ?
Guillaume Gay : « Oui, c’est ça, c’est ce qui n’est pas attendu, c’est ce qui est un petit peu baroque, c’est ce qui n’est pas comme on le souhaitait et effectivement après, il faudrait raconter en détail, mais c’est vrai que Herehau lève le voile justement sur un certain nombre de choses qui sont tues. Et l’idée c’est précisément de restaurer la parole là où règne le silence. Donc si je raconte l’histoire, évidemment ça ne va pas être intéressant pour les spectateurs. »
TNTV : En tout cas en attendant Keshi est un véritable succès à tel point qu’il s’exporte au Festival d’Avignon, vous partez tous les 4 cet été, c’est un véritable tremplin ?
Guillaume Gay : « Oui c’est super, on va jouer effectivement au Festival d’Avignon et puis on va jouer dans un théâtre qui est vraiment prestigieux, c’est le Théâtre 11, on a été sélectionné au Théâtre 11 qui est vraiment l’un des théâtres phares on va dire de la création contemporaine. Donc oui c’est un formidable tremplin pour nous et puis surtout ça nous permettra d’être vus par nombre de programmateurs et j’espère d’avoir une belle tournée à la fois en France hexagonale, dans les autres Outre-mer et en international puisque c’est un festival international. »
TNTV : En France, vous jouerez également un autre de vos succès, ce sont les Champignons de Paris très bien connus ici en Polynésie créés en 2016, c’est vraiment un succès qui ne faiblit pas par nom après toutes ces années, comment est-ce qu’on l’explique Guillaume Gay, pourquoi ?
Guillaume Gay : « Je crois que c’est, vous en avez parlé tout à l’heure, c’est un sujet qui reste terriblement d’actualité, je crois qu’il y a toujours un besoin de dialogue, il y a un besoin de pouvoir transmettre aussi, transmettre aux générations, aux jeunes générations absolument. Là aussi on parle d’un traumatisme, alors c’est un traumatisme sociétal mais c’est important là aussi de mettre des mots dessus justement pour ne pas que les jeunes générations portent des choses qu’ils ne maîtrisent pas on va dire et puis il y a un besoin encore, on le voit à l’issue des débats, lors des débats pardon, il y a vraiment une douleur qui est encore extrêmement forte. »
TNTV : Oui parce qu’il faut le dire, il y a toujours des débats après…
Guillaume Gay : « Oui tout à fait, comme Keshi, on fait toujours des moments d’échange avec le public et les gens ont besoin de témoigner, ont besoin de témoigner aussi encore une fois d’une douleur qui reste inscrite dans les chaires et il y a besoin effectivement d’aller vers plus de transparence, pour plus de vérité et de justice pour le peuple polynésien. »
TNTV : Et pour ce voyage et ces représentations, c’est vous qui avez besoin d’aide en tant que comédien et on peut le faire grâce à la Fondation Anavai, c’est bien ça ?
Guillaume Gay : « Oui c’est ça absolument, on a organisé une levée de fonds pour pouvoir financer tout ça parce que évidemment ça coûte beaucoup d’argent. Donc si vous souhaitez nous aider, n’hésitez pas c’est sur le site de la Fondation Anavai www.anavai.org et pour les entreprises, eh bien 40% des dons sont défiscalisables. »
Alors en attendant c’est le public polynésien qui pourra donc profiter de la pièce Keshi de date je le rappelle sont prévus le 16 et 17 mai au Petit Théâtre de la Maison de la Culture. Merci beaucoup Guillaume Gay d’avoir été parmi nous ce soir.