Heiva – La dernière danse de Tamariki Poerani

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    Vive émotion à To’ata ce jeudi soir : Makau Foster tirait sa révérence et refermait trois décennies de danse avec Tamariki Poerani. Sa fille, Kohai Batani Gournac, va créer sa propre troupe. Les protégés de Makau Foster ont été précédés de deux groupes de chants, Mehau puis Ha’avai. Mais ce sont les danseurs de ‘Atoroir’ai qui ont ouvert cette deuxième semaine de Heiva.

    C’est un groupe déjà expérimenté qui s’est présenté jeudi en Hura ava tau. ‘Atoroira’i a été fondé en 2019 et il est dirigé par Teuhere Sanford. Danseurs et musiciens n’ont pas eu une préparation de tout repos et, comme beaucoup d’autres groupes, ont dû multiplier les lieux d’entraînement, un peu partout à Tahiti. Mais ‘Atoroira’i est un arbre au bois solide, qui ne plie pas dans la tempête.

    Le groupe propose un thème sur le Aroha, cette essence ma’ohi que les mots français peinent à traduire, mais qui s’approche de l’amour divin. “Aroha Ho’a Nuna’a” célèbre le lien profond à la nature, à la famille et aux ancêtres. Un thème à la fois philosophique, poétique, transgénérationnel et sociétal : « Voici donc l’humble message des morceaux de feu que nous sommes : ne vivons plus reclus, ne soyons pas méfiants. Ne reculons pas face à la différence, ne nous nourrissons pas du doute. Cédons au aroha, pour que le aroha ne cède pas » écrit ainsi Naui Tepa, également auteur de chants et ‘Orero d’une grande sérénité.

    Parmi les temps forts du spectacle, un premier contact entre quelques Popa’a et les Tahitiens… passée la stupeur d’une nouvelle couleur de peau, les marins fraîchement débarqués tentent des relations sexuelles avec les Polynésiennes qui les accueillent, le contact dégénère en combat (lances et casse-têtes contre… rapières, probablement empruntées à un club d’escrime !) Quelques-uns perdent la vie. Une scène inspirée des recherches de l’anthropologue Serge Tcherkezoff. « Trop souvent, on a pensé que les Polynésiennes, c’était ‘un coup = un clou’, mais c’est un mythe occidental de croire que la Polynésienne se donnait facilement. C’est juste que la peau claire des premiers Européens était assimilée au soleil, à la divinité : il fallait donc extraire l’essence de la Divinité par l’acte sexuel » explique Naui Tepa.

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    Autre originalité : Aie Manuel, meilleure danseuse du Heiva 2025, remet son titre en jeu. Au vu de sa prestation, elle pourrait bien réaliser le doublé.

    Mehau, un vent apaisant, est avant tout une affaire de famille. Ce groupe de Tarava Raromata’i, né l’an dernier, est dirigé par Steeve Reea, également ra’atira et compositeur… tandis que l’auteure du thème et des chants est l’enseignante Goenda Reea. Elle a choisi pour thème « L’écho de mon pays », très bien écrit en tahitien comme en français, à l’image de ces mots délicats : « L’harmonie des voix évoque les murmures de l’aube et du crépuscule, et porte en elle les bruissements de l’intérieur des terres, de la rivière jusqu’à la mer. » Avec une ambition : que l’écho des chants ancestraux nourrisse l’amour de soi des générations à venir.

    Ha’avai, en Tarava Tahiti, a déjà huit ans d’expérience… mais surtout dans la danse. Les danseurs et musiciens de Taero Jamet se sont d’ailleurs produits à To’ata la semaine dernière. Cette fois, place aux chanteurs, sous la direction d’Edwin Tautu… et sur le même thème que le groupe de danse : les incantations éternelles, avec Hiro le grand guerrier de Uporu, la terre ancêtre de Mahina.

    La mythique troupe de Makau Foster est désormais dirigée par sa fille Kohaitevahinetapairu Gournac, autre danseuse et chorégraphe d’exception. Mais c’est le dernier Heiva du groupe. Makau a annoncé qu’elle orchestrait les chorégraphies pour la dernière fois. « Je suis déjà vieille, j’ai bientôt 70 ans, il faut une nouvelle flamme » a-t-elle confié à TNTV. « Tamariki Poerani, c’est moi : ma fille va monter son propre groupe »… mais on sait combien il est difficile de quitter le Heiva, et même si Makau veut désormais consacrer du temps à ses petits-enfants, elle sera « toujours un peu là ». De nombreux autres chefs de troupes ont annoncé leur retrait, tout en n’étant jamais très loin. C’est ce qu’espèrent nombre de ses danseurs, tant cette grande dame de la danse a posé son empreinte sur le Heiva, en se posant comme gardienne des traditions. « Le moderne, je le laisse aux Popa’a, aux Chinois, aux Japonais, mais la tradition, c’est le battement du cœur de ce pays ; les jeunes ont besoin de ressentir les vibrations de leur culture, ils sont perdus parce qu’ils ne parlent par leur langue » a-t-elle regretté, entre deux embrassades à ses danseurs, tous très émus. Beaucoup ont grandi avec Tamariki Poerani, comme Natalia Louvat, qui a monté sa propre école, Ori Hei.

    Depuis 1998, Makau Foster sait s’entourer. Notamment par deux ‘Orero charismatiques, Minos et Tuhei Adams. Mais c’est Makau elle-même qui a écrit les chants et le thème. Une « ode à la danse, ‘Urataetae », comme une synthèse de sa vie, qui tresse poétiquement les croyances ancestrales, la nature, la culture ma’ohi et la danse.

    Les quelques erreurs sur les alignements et les pertes fréquentes d’accessoires de costumes sont amplement compensées par l’émotion dégagée par le groupe, qui espère un titre pour son dernier Heiva.

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