Fils d’Efraima, Teahi Huuti perpétue l’excellence du tatouage marquisien

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À 23 ans, Teahi Huuti trace son propre chemin, tout en honorant l'héritage de sa famille. Fils du tatoueur marquisien Efraima Huuti, il est revenu à Tahiti pour se perfectionner et peaufiner son style. Son parcours, entre la France et la Polynésie française, mêle les cultures, façonnant une certaine vision de son art.

Son corps raconte l’histoire d’un aller-retour, entre deux cultures, deux vies, et un héritage artistique qui ne cesse de le rattraper. Teahi Huuti, jeune tatoueur métis, a grandi loin de la Polynésie avant de revenir à ses racines pour perpétuer l’art du tatouage marquisien aux côtés de son père Efraima Huuti, une figure tutélaire de cet art.

Un père marquisien, donc, et une mère française, avec qui il part pour la métropole à l’âge de huit ans. C’est là-bas qu’il passe le reste de son adolescence, en région parisienne et en Dordogne. Avec le recul, il confie que le départ a été une rupture, une adaptation à une « nouvelle vie » qui l’a coupé de la Terre des hommes, et du fenua en général. « J’ai perdu beaucoup de choses, comme la danse, la musique et la pratique de la langue marquisienne » , liste-t-il.

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La parenthèse française a cependant le mérite de forger sa vision du monde. Si les lieux où il a vécu ne sont « pas forcément réputés pour être paradisiaques » , ils lui ont « ouvert l’esprit » en lui faisant découvrir d’autres cultures et d’autres origines. « J’ai pu gagner des choses côté français » , observe-t-il.

Malgré la distance, le lien avec le fenua reste indéfectible. Son père lui rendait visite tous les étés, pendant environ un mois. Son premier retour à Tahiti, à l’âge de 16 ans, est un petit choc. Il redécouvre les lieux de son enfance et remet des visages sur ses oncles et tantes. Il ne le sait pas encore, mais ce voyage est une « prise de température » décisive qui l’encouragera à revenir définitivement quelques années plus tard.

Efraima, un mentor « exigeant »

Teahi baigne dans le monde du tatouage depuis son plus jeune âge. Après l’école, il allait attendre son père au salon. Et après le bac, retour à l’école… de tatouage. Une formation pratique qui lui sied bien plus que les livres. « Les écoles d’art, en général, ils ont un cursus comprenant l’histoire de l’art. Un truc théorique. Et moi, en fait, j’étais déjà fiu de l’école à la fin du bac. Du coup, après, je voulais vraiment un truc quasiment 100% manuel » sourit-il.

Les Huuti, père et fils (Crédit : Teahi Huuti)

Aujourd’hui, il n’est plus seulement le fils, mais aussi un associé du « boss » d’Efraima Tattoo, à quelques mètres du marché de Papeete. Si Teahi décrit son père comme « très exigeant, pas très pédagogue, pas très patient » , il n’en demeure pas moins admiratif. C’est cette quête constante d’excellence qui nourrit son apprentissage. Son père le pousse à aller toujours plus loin, à faire des lignes « plus droites, plus fines, plus étiré, plus grand » .

D’ailleurs, Teahi a déjà tatoué Efraima. Un moment « impressionnant » pour lui, avec la pression de montrer ce qu’il a appris à faire. « La toute première fois que je l’ai tatoué, je venais juste d’arriver » précise-t-il. « Il m’a dit, tiens, remplis mon bras, je ne veux plus voir ça. Donc, on a fait tout noir. Et il me dit, ah non, bouge plus vite, mets plus d’encre, etc » .

« Je me sens protégé »

Surtout, Teahi se sent redevable envers son père, pour la chance qu’il lui a donnée de travailler à ses côtés. « Je me sens protégé, parce que je bénéficie de la notoriété d’Efraima » , constate-t-il. En haute saison, le salon ne manque effectivement pas de clients.

Un style en construction, entre tradition et modernité

Teahi ne prétend pas avoir encore son propre style. Il s’inspire, forcément, du travail de son père, référence du tatau. « Je suis obligé de prendre ce style-là, puisque les clients viennent pour ça » , sourit-il. Mais il ne se contente pas de copier bêtement, et tente d’apporter sa propre touche, dans un style hybride intégrant des motifs traditionnels tout en y ajoutant des éléments plus personnels. Dans cette veine, c’est lui qui créé un logo pour octobre rose à Hiva Oa, en 2024.

Le jeune tatoueur se laisse également la possibilité d’explorer d’autres styles à l’avenir, comme le réalisme. « Quand je sentirai que c’est acquis, on va dire, le côté marquisien, patutiki, etc. Je pourrais me permettre d’aller me perfectionner ailleurs » .

Pour les jeunes qui souhaitent se lancer, Teahi a un conseil : s’entourer d’un mentor. « Il faut se renseigner sur les motifs et trouver un professionnel qui peut accompagner pour éviter certaines erreurs » , préconise-t-il. Mais surtout, il insiste sur l’importance de « dessiner beaucoup » et de s’entraîner sans cesse. « Tu vas pas te lancer toi-même et tatouer tout un bras alors que tu n’as jamais fait. Et que dans cinq ans, tu es obligé de retaper. Parce que ce n’était pas droit, ce n’était pas trop ça les motifs, etc. Je pense trouver quelqu’un qui peut t’accompagner, c’est top » , conclut-il.

Vous pouvez retrouver les œuvres de Teahi sur sa page perso et celle d’Efraima Tattoo.

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