Quatre artistes polynésiens participent à une exposition à Cambridge qui s’inscrit dans un projet plus large autour du portrait de Mai, peint au XVIIIe siècle par Sir Joshua Reynolds. Considéré comme le premier tahitien à avoir voyagé en Europe, Mai – parfois appelé Omai – est devenu une figure emblématique de la rencontre entre les mondes polynésien et européen. Son portrait est aujourd’hui au coeur d’un programme d’expositions avant son départ pour Los Angeles en 2026.
Invités par Rosanna Raymond, artiste māori et fondatrice du collectif SaVĀge K’lub, les artistes polynésiens ont été intégrés au sein même du collectif et participent à une mise en scène immersive mêlant tapa, performances, musiques et interventions poétiques. Une manière de reconnecter l’image de Mai à son héritage et à la mémoire du Pacifique, alors que son portrait, aujourd’hui au coeur de l’exposition, a été acquis pour 6,8 milliards de francs CFP par la National Portrait Gallery de Londres.
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« Le SaVĀge K’lub, déjà, c’est une ouverture vers le cosmique, une matrice, » explique Hinatea Colombani, évoquant la portée spirituelle du collectif. « C’est un honneur. Je connais beaucoup d’artistes maori qui souhaitent en faire partie. (…) Il y a une sélection.«


Pour elle, cette participation dépasse le cadre esthétique : elle s’inscrit dans une construction collective et mémorielle. « Participer à une exposition comme ça, c’est participer à une discussion, à une construction. Ce n’est pas juste pour s’exposer« , poursuit-elle. « Avoir la possibilité de parler pour nos ancêtres, pour honorer les mémoires, c’est quelque chose de grand, » confie Hinatea Colombani.
« Il y a quelques personnes à Tahiti qui disent que ces objets-là doivent revenir en Polynésie. Mais s’ils poussent les portes des musées de Tahiti, ils pourront voir que les objets sont déjà revenus. C’est une question de confiance avec l’humain« , ajoute-t-elle.
Cette notion de confiance est au coeur de leur engagement. Après l’abandon par le gouvernement du projet de centre culturel, les artistes ont choisi de poursuivre leur travail de médiation culturelle tout en explorant de nouvelles scènes à l’international. « C’est participer à un maillon, à des discussions, à un rapport de confiance« , précise Hinatea Colombani. Pour elle, le monde de l’art devient un espace d’échange où se redéfinissent les liens entre création, mémoire et transmission.

Et l’aventure continue : les artistes préparent désormais une exposition à Paris, où sera présenté un tapa intitulé Te Ura Rahiroa, récemment acquis par la Fondation Cartier. Cette oeuvre de deux mètres cinquante par un mètre vingt sera exposée au Palais Royal dans la nouvelle galerie de la fondation. Puis au printemps prochain à Plymouth, les artistes proposeront une création sonore immersive autour de l’univers de Mai, mêlant chants, bruits de la mer et textures sonores inspirées du tapa.
Entre Cambridge, Paris et bientôt Los Angeles, les artistes polynésiens affirment leur place dans le dialogue artistique mondial, tout en ancrant leur démarche dans le respect des mémoires du fenua. « On continue à avancer. Avec le portrait de Mai, il semblerait qu’on commence à être considérés comme une équipe qui peut suivre le portrait. » À travers leurs voix et leurs oeuvres, la figure de Mai retrouve toute sa puissance symbolique : celle d’un voyageur du Pacifique qui, trois siècles plus tard, continue de relier les mondes.