Obligations climatiques des États : verdict attendu de la Cour de justice internationale

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    L'avis sans précédent sur le changement climatique qui sera rendu mercredi par la Cour internationale de justice (CIJ) est l'aboutissement d'un parcours de six ans commencé non pas dans un grand cabinet d'avocats, mais dans une petite salle de classe d'une université du Vanuatu. 

    Frustrés par la lenteur des efforts déployés à échelle mondiale pour lutter contre le changement climatique qui ravage leur pays, 27 étudiants en droit de l’Université du Pacifique Sud ont décidé, selon leurs propres termes, de « porter le plus grand problème du monde devant la plus haute juridiction du monde » . 

    Vishal Prasad, directeur de la campagne Pacific Island Students Fighting Climate Change (les étudiants des îles du Pacifique en lutte contre le changement climatique), est traversé de nombreuses émotions face à l’aboutissement de ce parcours du combattant, mené depuis 2019.

    Le Fidjien de 29 ans, fer de lance du mouvement de la société civile qui a fait pression pour obtenir l’avis de la Cour confie à l’AFP se sentir « émotif, effrayé, nerveux, anxieux » .

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    « C’est un mélange de tout ça en ce moment » , explique-t-il devant le portail de l’emblématique Palais de la Paix à La Haye, où sera rendu mercredi l’avis historique de la CIJ. 

    La CIJ déterminera quelles responsabilités incombent aux pays en matière de prévention du changement climatique et si des sanctions doivent être imposées aux nations qui n’ont pas agi en ce sens. 

    Il n’est toutefois pas facile d’obtenir un avis consultatif de la plus haute juridiction des Nations unies: la CIJ n’en a rendu que 29 depuis sa création en 1946. 

    Seule l’Assemblée générale des Nations unies peut demander un avis consultatif aux 15 juges, qui vise à clarifier un point particulier du droit international.

    La première tâche de M. Prasad a été de persuader les dirigeants des îles du Pacifique d’unir leurs forces et de faire jouer leur puissance diplomatique commune aux Nations unies. 

    Sous l’impulsion du Vanuatu, le Forum des îles du Pacifique a décidé, lors d’une conférence aux Fidji, de porter la question devant l’Assemblée générale des Nations unies. 

    C’est à ce moment-là que la campagne de M. Prasad est passée de l’échelle régionale à mondiale et qu’il s’est installé à New York. 

    « Un moment historique »

    Des mois de navette diplomatique ont suivi, jusqu’à ce que l’Assemblée générale accepte, en 2023, de demander l’avis de la CIJ, déplaçant alors les projecteurs vers La Haye. 

    Pendant deux semaines d’audiences au Palais de la Paix en décembre 2024, des représentants de nombreuses îles du Pacifique, dont Prasad lui-même, se sont adressés aux juges, souvent pour la première fois dans l’histoire de leur pays.

    Le plus grand tribunal de l’ONU, habitué à accueillir des plaidoiries austères d’avocats en perruques, a vu une succession d’habitants des îles du Pacifique, dont beaucoup portaient des vêtements traditionnels colorés, plaider passionnément pour leur survie. 

    « C’est un moment énorme, énorme. Un moment historique » , a déclaré M. Prasad à propos des audiences. 

    M. Prasad a vu de ses propres yeux l’effet « déchirant » du changement climatique sur son pays natal, les Fidji, et a décrit le problème comme « existentiel » pour de nombreux habitants des îles du Pacifique. 

    Des communautés entières ont été déplacées, des hôpitaux ont été inondés à marée haute. Il a décrit la situation de nombreuses îles de faible altitude « comme un film d’horreur » . 

    « Le changement climatique n’est pas seulement un exercice académique… C’est quelque chose que l’on vit au quotidien » , a-t-il déclaré à l’AFP.

    « Il s’agit donc d’un problème existentiel pour les jeunes de pays comme Kiribati, Tuvalu ou les Îles Marshall. Ils sont témoins des effets du changement climatique à chaque marée haute » , a-t-il ajouté.

    M. Prasad estime que la force de la campagne vient du fait qu’elle est menée par les jeunes générations, qui ont plus à perdre à cause du changement climatique. 

    « Avant de parler de quoi que ce soit d’autre, nous devons nous attaquer au problème du changement climatique » , a-t-il déclaré. 

    « Nous devons protéger nos maisons. Nous devons protéger notre identité et notre culture, car rien n’existe si nous ne sommes pas en mesure de les sauvegarder.« 

    Il espère que la CIJ rendra un arrêt qui clarifiera les obligations des États en matière de changement climatique et servira de ligne directrice pour les futures négociations mondiales. 

    Selon M. Prasad, la culture des îles du Pacifique célébre le concept de « wayfinding » (trouver son chemin): « vous devez corriger votre trajectoire si vous vous trompez » . 

    « Et la CIJ… a un rôle similaire, celui de corriger le cap pour que le monde atteigne ses buts, ses objectifs, afin que nous nous mettions sur la voie d’un avenir meilleur pour nous tous.« 

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