Une telle interdiction, déjà souhaitée par l’Elysée, permettrait « de donner un signal à la fois aux enfants et aux parents qu’avant 15 ans« , les réseaux sociaux, « ce n’est pas anodin« , a résumé auprès de l’AFP la députée Laure Miller (EPR), rapporteure de cette commission d’enquête parlementaire.
Lancée en mars, la commission a auditionné pendant plusieurs mois des familles de victimes, des responsables de réseaux sociaux et des influenceurs pour décortiquer l’algorithme de TikTok, dont le design « a été copié par d’autres réseaux sociaux« , a rappelé Mme Miller.
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En se plongeant dans cette application ultrapopulaire chez les jeunes, les députés ont constaté « un océan de contenus néfastes« , mêlant des vidéos de « promotion du suicide, d’automutilation » et « une exposition à la violence sous toutes ses formes« , dopé par les programmes de recommandations puissants qui enferment les jeunes dans des bulles nocives, a-t-elle détaillé lors d’une conférence de presse.
Pour le président de la commission d’enquête, Arthur Delaporte (PS), « TikTok a délibérément mis en danger la santé, la vie de ses utilisateurs« . Le député a saisi la procureure de la République de Paris pour ces possibles « infractions de nature pénale » et également pour « parjure » des dirigeants de l’application.
Dans une réaction à l’AFP, TikTok a « catégoriquement » rejeté jeudi « la présentation trompeuse » de la commission, « qui cherche à faire de notre entreprise un bouc émissaire face à des enjeux qui concernent l’ensemble du secteur et de la société« .
« Soulagement »
L’avocate Laure Boutron-Marmion, fondatrice du collectif Algos Victima qui représente plusieurs familles ayant assigné TikTok en justice fin 2024, l’accusant d’avoir exposé leurs enfants à des contenus pouvant les pousser au suicide, a elle « salué » l’initiative.
« C’est compliqué pour nous, parents, de modérer tout ça« , a expliqué à l’AFP Géraldine, 52 ans, qui fait partie des plaignants et souhaite rester anonyme. En février 2024, cette mère de famille a perdu sa fille, Pénélope, qui s’est suicidée à l’âge de 18 ans.
Après son décès, elle avait découvert les vidéos de scarification que sa fille publiait et consultait sur TikTok. « Ce n’est pas TikTok qui a tué notre fille, parce que de toute façon, elle n’allait pas bien« , explique Géraldine à l’AFP, mais le réseau a « enfoncé » sa fille dans son mal-être.
« C’est un soulagement pour les parents de se rendre compte qu’ils ne sont plus seuls à lutter contre ces phénomènes envahissants dans leur foyer« , a commenté Justine Atlan, directrice générale de l’association e-Enfance.
TikTok assure pourtant mener « une politique exigeante en matière de sécurité et de protection de ses utilisateurs » avec « plus de 70 fonctionnalités et paramètres spécifiquement » conçus pour veiller au bien-être des adolescents et des familles, a ajouté le porte-parole de TikTok.
Néanmoins, pour Laure Miller, l’application provoque aussi chez les mineurs: perte de l’attention et de la concentration, perturbation du sommeil ou problèmes d’estime de soi, en particulier pour les adolescentes.
Proposition de loi
Pour y remédier, le rapport propose l’instauration d’un « couvre-feu numérique » pour les 15-18 ans, rendant les réseaux sociaux inaccessibles de 22H00 à 08H00, ainsi qu’une vaste campagne d’information sur leurs risques, suivie de la création d’un « délit de négligence numérique » pour « les parents irresponsables« .
L’interdiction des réseaux sociaux aux moins de 15 ans est un cheval de bataille du président Emmanuel Macron. De récentes lignes directrices de la Commission européenne ont « ouvert la porte à une réglementation nationale« , dont « la clé est la mise en place d’un dispositif de vérification de l’âge à l’inscription », selon Laure Miller.
La France fait partie des pays testeront au printemps un outil européen de vérification de l’âge « labellisé et fiable« , a-t-elle souligné jeudi. Les députés de la commission souhaitent désormais porter « rapidement » une proposition de loi « transpartisane« , espérant qu’elle obtiendra un large soutien « quels que soient les gouvernements qui arrivent ».
« La France peut être un exemple » et « pourquoi pas, le premier pays européen à légiférer sur ces sujets« , a espéré Me Boutron-Marmion.