De ses expériences autour du monde à son retour sur Tahiti, Vaihere Mollard-Lehartel s’est construit un parcours hors du commun. Devenue éleveuse professionnelle, elle partage son aventure avec Femmes de Polynésie car, derrière chacun de ses coquelets et poulets de chair, il y a des défis relevés, des techniques maîtrisées et la fierté d’une production locale en plein essor.
Les premiers pas : voyager et travailler
Ses études et sa carrière d’hôtesse de l’air la mènent aux quatre coins du monde.
« J’ai travaillé en Russie, en Suisse et en Chine. Mon fils est né à Moscou… »
De retour à Tahiti à 37 ans, elle enchaîne divers emplois auprès de Tahiti Nui Travel et à La Dépêche de Tahiti, avant qu’un tournant décisif arrive en 2018.
« Je me suis mariée ! »
Puis, un questionnement professionnel
« J’ai toujours aimé les animaux et j’ai grandi avec. À un moment donné, je me suis demandé ce que je voulais vraiment faire… »
De cette remise en question naît Tamaru Farm, un élevage de coquelets et de poulets de chair.

« J’ai commencé avec 30 poussins, puis 60, puis 150… En septembre 2023, j’étais à 500. Et maintenant, j’importe entre 1 000 et 1 200 poussins toutes les trois semaines. »
En deux ans et quelques mois, portée par son enthousiasme et sa détermination, Vaihere s’est imposée comme une éleveuse professionnelle.

Des débuts modestes
Ses premiers pas dans l’élevage sont à la fois ingénieux et rudimentaires :
« J’ai commencé dans la buanderie au fond du jardin. J’avais viré la machine à laver pour mettre mes premiers poussins ! »
Ensuite, Vaihere s’installe dans l’ancienne porcherie de sa grand-mère.
“C’était un test, pour voir si j’arrivais à 500. Et surtout, maîtriser l’élevage puisque je ne suis pas éleveuse à la base. »
Depuis septembre, elle a construit six poulaillers modernes sur un grand terrain familial, côté montagne à Papara.

Émotion et résilience
Pour elle, l’étape la plus difficile reste les premiers départs à l’abattoir.
« Ça fait mal ! Je pleurais dans les bras de mon mari le matin. Il me serrait et me disait : “C’est le job”. J’ai mis un an et demi avant de manger mon poulet.»
Pourtant, elle persévère, guidée par sa volonté de fournir un produit local de qualité. Petit à petit, elle structure son élevage. Elle observe chaque cycle avec soin. Lorsqu’on la cherche, Vaihere est dans ses poulaillers, assise au milieu de ses coquelets et poulets, à regarder comment ils vont, comment ils marchent…
Arriver à trouver sa place
Outre l’apprentissage du métier, pour lequel elle a reçu l’aide précieuse d’Adrien Ching, comme toute entrepreneuse, elle a dû relever de nombreux défis, notamment convaincre les distributeurs de prendre ses produits, et négocier avec les partenaires locaux.

« Il a fallu convaincre les distributeurs que je pouvais être régulière sur l’approvisionnement. Carrefour, Auchan, Champion ainsi que plusieurs restaurants gastronomiques… Je suis allée les voir un par un. Et puis, avec les autres partenaires, il y a parfois des désaccords. Mais cela m’a appris à défendre mon projet et à trouver des solutions pour le faire avancer. Cela m’a aussi permis de mieux cerner les attentes de mes interlocuteurs et, au final, nos liens professionnels ont été renforcés. »
Un projet ambitieux
L’avenir, elle le rêve sous le signe de l’autonomie et du contrôle total de sa production.
« Mon ambition est d’avoir mon propre couvoir, de maîtriser la chaîne dans son intégralité, c’est-à-dire posséder les géniteurs, gérer la reproduction, sur place. »
Une passion exigeante
Avec détermination, petit à petit, Vaihere construit son rêve. Et la vahine aux ongles toujours manucurés et au tiare à l’oreille, que beaucoup de professionnels ont vu arriver en se disant qu’elle ne tiendrait pas le coup, a bel et bien trouvé sa vocation. Des journées de travail qui débutent à trois, quatre heures du matin et qui finissent souvent bien longtemps après le coucher du soleil, ne lui font pas peur.

« Ma reconversion, je la vis, je l’assume pleinement. Je m’épanouis vraiment dans ce que je fais, malgré les difficultés ! »
Vaihere Mollard-Lehartel continue ainsi d’écrire l’histoire de son exploitation, prouvant qu’avec audace, travail et amour du métier, il est possible de bâtir une success-story 100 % polynésienne.

©Photos : CL Augereau et Vaihere Mollard-Lehartel pour Femmes de Polynésie