Teaniva Dinard, revaloriser les motifs de l’archipel de la Société

    Au cœur de Papeete, un regroupement de jeunes tatoueurs, engagés dans leur art et leur culture, opère au salon Tatau Legacy. Parmi eux : Teaniva Dinard, initiateur du projet qui défend les motifs de l’archipel de la Société, se confie à Hommes de Polynésie sur son parcours et ses valeurs.

    « Je me considère comme un ta’ata Tahiti. »

    Teaniva Dinard a dans ses mains, cette envie de créer depuis l’enfance.

    Teaniva Dinard Tatoueur Hommes de Polynésie Crédit : Cartouche Louise-Michèle

    « J’ai toujours aimé dessiner. En grandissant, je me suis intéressé à la culture, d’abord par la danse. »

    Ses deux passions, une pour la culture et l’autre pour le dessin, s’allient bientôt comme une évidence : il veut apprendre à tatouer.

    Teaniva Dinard Tatoueur Hommes de Polynésie Crédit : Cartouche Louise-Michèle

    « J’ai la chance que mon père connaisse Patu, un grand tatoueur. Il a accepté de me prendre dans son équipe, j’ai appris d’un peu tout le monde. »

    Avec Patu et ses collaborateurs, Teaniva se perfectionne, à travers ses réussites, mais aussi ses échecs qui s’avèrent formateurs.

    « Mon plus grand maître, ce sont mes erreurs. »

    Peu de temps après ses débuts, le jeune homme constate la prédominance du patutiki1 dans les salons de tatouage à Tahiti.

    « Je voyais que dans tout ce qu’on faisait, il n’y avait plus d’âme. La force spirituelle du symbole est là, mais ce n’est pas chez nous. J’ai eu mal au cœur en réalisant que les motifs des îles de la Société avaient presque disparus, ou du moins, qu’on ne les utilisait pas. »

    Fier de son archipel, Teaniva Dinard se lance dans une quête que beaucoup avaient abandonnée : restituer les motifs des îles de la Société. C’est dans cette optique qu’il fonde le shop Tatau Legacy.

    Teaniva Dinard Tatoueur Hommes de Polynésie Crédit : Cartouche Louise-Michèle

    « Sur Internet, on ne trouve pas grand-chose. »

    Ainsi, grâce à des ouvrages, des témoignages, des œuvres de Bobby Holcomb ou encore de Tavana Salmon, il se crée un savoir qu’il incorpore à sa discipline.

    « Pour la partie symbolique, parfois c’est en lisant une phrase dans un livre. Ce sont des petites recherches, des petits morceaux qu’il faut trouver pour assembler le puzzle. »

    Grâce à ses explorations et à celles de ses collaborateurs, les motifs de l’archipel de la Société revivent sur les peaux.

    « C’est un peu le phénix qui renaît de ses cendres. »

    Dans les événements dédiés à l’art du tatouage, il est d’abord difficile de convaincre le public de s’orner de ces symboles qui ne ressemblent pas à ce que l’on a l’habitude d’observer.

    « C’est grâce aux conventions que j’ai pu m’exprimer dans ce style. »

    Désormais, de plus en plus de personnes choisissent de représenter leur archipel de naissance ou de cœur sur leur peau. Les membres de Tatau Legacy obtiennent une renommée grâce à leur originalité et surtout, à cette revalorisation du patrimoine qui transpire à travers leurs œuvres d’encre.

    « Au-delà d’avoir des prix, c’est une reconnaissance de ce style. »

    Et Teaniva souhaite que cette démarche inspire d’autres personnes.

    « Maintenant, le but c’est que dans chaque archipel, il se passe la même chose. »

    Lorsqu’on lui demande s’il a l’intention de créer son propre dictionnaire des motifs de la Société, il nous répond avec réserve et ouverture à la fois. 

    « C’est mon opinion personnelle, mais je trouve que quand les gens ont le livre entre les mains, ils pensent connaître. Le livre tel qu’il est, banalise la symbolique des motifs. Alors que c’est tout un univers. Après, pourquoi ne pas écrire un livre qui servira d’outil aux tatoueurs, pour que les motifs ne se perdent pas ? Que toutes les cloches sonnent la même note. »

    Teaniva Dinard Tatoueur Hommes de Polynésie Crédit : Cartouche Louise-Michèle
    Teaniva Dinard Tatoueur Hommes de Polynésie Crédit : Cartouche Louise-Michèle

    Si Teaniva Dinard est aujourd’hui renommé pour ses tatouages, il pratique également la peinture sur toile.

    « Je m’essaye, je continue d’expérimenter. »

    Ce medium artistique lui offre une liberté autre.

    Teaniva Dinard Tatoueur Hommes de Polynésie Crédit : Cartouche Louise-Michèle

    « Jouer avec la couleur, ce que je ne me permets pas dans le tatouage où je vais plutôt m’amuser avec la teinte de la peau et le noir de l’encre. Ce que j’aime avec les tableaux, c’est habiller un mur comme je le souhaite. »

    Si Teaniva est seulement âgé de 24 ans, il est certain que son nom sera retenu comme un maître du tatouage audacieux. Il a su pallier un désir de survivre dans un monde parfois aliéné par la demande du client, grâce à sa volonté de revaloriser un patrimoine qui nous rappelle notre histoire commune, tout en célébrant nos vécus individuels.

    « Lorsqu’il s’agit du tatouage, se faire tatouer en pleine conscience. Déjà, c’est pour la vie, mais c’est aussi un acte très puissant, symbolique et culturel. »

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    ¹ Tatouage traditionnel de l’archipel des Marquises.

    ©Photos : Cartouche Louise-Michèle et Teaniva Dinard pour Hommes de Polynésie

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