Depuis cinq ans, Hinenui Teheiura crée des bijoux en coquillages qu’elle présente lors des différents salons de Tahiti. Une passion qu’elle a découverte à Huahine auprès de sa grand-mère et qu’elle partage aujourd’hui avec son compagnon, également créateur. Pour Femmes de Polynésie, elle raconte le parcours qui l’a menée à vivre de l’artisanat en famille et évoque l’importance de la transmission.
Une éducation culturelle
Originaire de Huahine, Hinenui Teheiura grandit auprès de ses grands-parents. Sa grand-mère, Philomène Tefaatau, est une artisane reconnue qui lui enseigne l’art d’enfiler les coquillages. Hinenui découvre alors un nouveau passe-temps.
« Depuis toute petite, j’aime prendre un bout de nylon et enfiler des coquillages. Quand j’avais besoin d’argent au collège, ma mamie me faisait faire des colliers de départ. Elle les vendait dans les salons à Mama’o et les sous étaient pour moi. C’était mon argent de poche. »

Le virage de l’artisanat
Après son baccalauréat, Hinenui s’inscrit à l’université en filière langue tahitienne afin de devenir enseignante. Elle habite à Papenoo et s’épuise à cause des longs trajets en bus qui commencent tôt le matin et finissent tard le soir. Le confinement l’incite à rentrer à Huahine, où elle redécouvre une vie plus simple.
« Je me sentais bien. Pour passer le temps, je faisais des enfilages de bracelets et de colliers de coquillages. À la fin du confinement, ma mamie les a tous très bien vendus lors de l’exposition du Heiva des écoles. J’ai vu que ça plaisait et j’ai décidé d’arrêter mes études. Depuis que je fais de l’artisanat, je me lève en étant contente. J’aime ce que je fais et j’aime rencontrer différentes personnes à chaque salon. »

Cultiver l’art du coquillage en famille
Hinenui devient membre de Tiare Afa, l’association fondée il y a une vingtaine d’années par sa grand-mère. Son compagnon l’y rejoint. Tandis que Philomène Tefaautau excelle dans l’art de l’assemblage, le jeune couple mène une joyeuse compétition dans celui de l’enfilage. Ensemble, ils exposent leurs créations lors des rendez-vous culturels de Tahiti.
« Mamie travaille avec toutes sortes de coquillages qu’elle mélange : porcelaine, patiki1, pūpū2... Elle crée ses propres modèles en enfilant chaque coquillage sur un nylon qu’elle coud ensuite sur une base tressée. Elle aime marier les couleurs et les formes. Mon chéri et moi, on travaille majoritairement avec le patiki : on aime se lancer des défis pour chercher de nouveaux modèles, varier les styles. Il y a plusieurs façons d’enfiler un coquillage ce qui nous permet de donner différentes formes à nos bijoux. Quand on imagine ensemble un nouveau collier, le premier qui réussit à le faire gagne ! »

Toute la famille s’organise pour optimiser le temps de préparation du stock de bijoux. Avant chaque exposition, Hinenui, qui est retournée vivre à Papenoo, réceptionne une dizaine de bouteilles remplies de coquillages en provenance des Tuamotu. Aidée de son compagnon, elle les trie et les nettoie, puis les envoie à Huahine pour que son grand-père puisse les percer avant de leur renvoyer.
La valeur de la transmission
Désormais mère, Hinenui Teheiura est très reconnaissante de l’apprentissage qu’elle a reçu de sa grand-mère. Depuis deux ans, elle aussi sait assembler les coquillages, participant ainsi à la transmission familiale dont Philomène a longtemps rêvé.
Lors des salons d’artisanat, Hinenui anime des ateliers pour transmettre à son tour l’art de l’enfilage.

« Cela me plaît d’enseigner. Il y a deux ans, on a accueilli 80 personnes de tous âges en seulement deux jours. Les ateliers sont des petits challenges, car personne n’assimile de la même manière. Pour certains, c’est plus difficile d’apprendre, alors que d’autres captent le truc en 30 minutes. »
L’expérience de l’entrepreneuriat
Ces dernières années, Hinenui Teheiura observe un regain d’intérêt pour le coquillage, qui attire les jeunes générations.
« Porter des coquillages est une façon de mettre en valeur nos richesses polynésiennes. J’ai remarqué que les plus jeunes aiment de plus en plus ce que j’appelle les « colliers de mamies », plus chargés. J’essaie de trouver des modèles qui peuvent plaire au plus grand nombre. »
Cette année, Hinenui suit une formation en communication. Son compagnon et elle ont baptisé leur marque : Nuihau création, et se lancent sur les réseaux sociaux (Facebook, TikTok).

« J’aime le fait d’être patronne de moi-même. Aujourd’hui, je peux aussi bien travailler que m’occuper de mon bébé. Ce que j’aime le plus dans le métier d’artisan, c’est de voir le travail fini porté par mes clientes. C’est pour moi une grande satisfaction. Mon rêve serait de partir à l’étranger pour exposer. »
______________________
1 Petites porcelaines
2 Minuscules coquillages jaune-orangés des Tuamotu
©Photos : Laetitia d’Hérouville et Hinenui Teheiura pour Femmes de Polynésie