Canaëlle Berthet est une touche-à-tout. Connue sous le nom Hinano lorsqu’elle signe ses peintures, Mana’o Here lorsqu’elle vend ses bijoux, elle explore chacun de ses mondes intérieurs avec ferveur. De l’artisanat à la performance, Femmes de Polynésie vous présente une artiste passionnée.
ÂME PLURIELLE AUX AMBITIONS CRÉATIVES
Canaëlle Berthet se définit comme une enfant du monde.
« Mon papa est popa’ā, ma maman est guadeloupéenne et algérienne ; moi, je suis née ici, j’ai grandi ici. »
Depuis l’enfance, l’art la passionne.

« J’ai toujours dit que j’allais être artiste, et on me répondait que j’allais être SDF. »
À 16 ans, elle réalise une fresque peinte au lycée La Mennais.
« Je me suis rendu compte de ce que c’était qu’être artiste. »
RETOUR AUX SOURCES D’INSPIRATION
L’année du baccalauréat, elle s’envole vers l’Hexagone pour finir son lycée et poursuivre une licence d’art à Valencienne.
« J’avais beaucoup de cours pratiques, ce qui était génial parce que ça m’a permis de toucher à plein de techniques que je n’aurais pas forcément abordées. »
Son diplôme en poche, elle retrouve sa famille à Papara.

« Je suis revenue ici pendant un an parce que c’est la culture locale qui m’a toujours inspirée. J’ai l’impression qu’en Polynésie, il y a un peu tout le monde qui est artiste. »
Pendant un an, elle absorbe des connaissances en autodidacte, dans l’idée de préparer son entrée aux Beaux-Arts de Paris. Sa candidature n’est pas retenue, mais Canaëlle voit cela comme un signe. La jeune femme retourne six mois en France pour préparer une exposition dans un centre d’art contemporain. À la suite de ces événements, elle se décide à s’installer définitivement sur l’île qui l’a vue naître.
POÉSIE NACRÉE
De retour au fenua, elle s’initie à la gravure et lance sa marque de bijoux : Mana’o Here. Dans les salons, elle vend à la fois des toiles et ses bijoux.
« Tous les domaines artistiques se sont nourris les uns des autres. »



Ses créations sont réalisées en nacre sculptée, qu’elle agrémente d’autres matières locales, comme de la noix de coco ou encore du burgos.
« C’est comme une petite œuvre d’art que tu peux porter tous les jours. »
CRÉATURES ET INCARNATIONS
Peintre et artisane, Canaëlle Berthet baigne dans une créativité sans limites. Avec des matériaux naturels locaux, elle fabrique des masques – des personnages inventés qui pourraient rappeler des divinités, des acteurs de théâtre ou encore des armures de guerre.

« Ces masques, ils viennent de mon imaginaire, de plein d’inspirations africaines, locales aussi. En Polynésie, on n’est pas très réputés pour avoir eu des masques, mais il y en a eu. En Mélanésie, il y en a eu beaucoup plus.»
Chaque medium lui permet d’exprimer un sentiment nouveau. Tous les masques possèdent une tenue et une histoire qui leur sont propres.

« C’est comme ça que j’ai commencé à me familiariser avec la performance. J’ai adoré ça. Pour moi, c’est vraiment une manière de faire partie à part entière de l’œuvre. »
MAGNIFIER LE LABEUR
Pour valider sa dernière année d’études, c’est dans la performance que l’artiste s’exprime.
« Ça m’a toujours plu de me dire que l’œuvre existe indépendamment de moi, mais ça me fait plaisir, quand je la présente, de pouvoir être en communion avec elle. Ensuite, elle ne m’appartient plus, elle appartient au public. C’est comme une cérémonie personnelle. »


Adepte des œuvres grandioses et de la minutie sans modération, Canaëlle Berthet ne fait jamais dans la demi-mesure.
« J’aime le labeur, parce que je pense qu’il y a de la beauté dans le fait de donner du sens à chaque acte que l’on fait. »
EMBRASSER LES MONDES COMMUNS
Si la créatrice projette son avenir dans nos îles, elle s’imagine aussi découvrir des cultures qui lui parlent et l’appellent.
« Je ne vois pas mon art exister autrement que grâce à la Polynésie. Mais il y a une partie de moi qui a envie de découvrir le monde, surtout l’Afrique, parce qu’il y a des similitudes, un attachement aux matériaux naturels dans lequel je me reconnais. »
Ce désir de partage se traduit également par des rencontres artistiques.

« J’adore me confronter aux univers des autres, savoir comment leur petit monde fonctionne et pouvoir créer quelque chose de commun autour de ça. »
À la fois plurielle et entière, Canaëlle Berthet se trouve dans sa soif d’apprendre et de créer. Une liberté qu’elle souhaite à chacun d’explorer.
« J’aimerai tellement que tout le monde fasse ce qui l’anime. Je trouve que c’est important de faire des choses en résonance avec soi-même. Rêver, c’est la plus grande forme de liberté pour moi. »
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©Photos : Marie-Alix Grillot (Mx Photography), Winston Cholet (Born on Planet Mars), Canaëlle Berthet pour Femmes de Polynésie