Ramona Tevaearai, la vannerie en héritage

    C’est avec sa grand-mère maternelle, originaire de Rurutu, que Ramona Tevaearai s’est initiée à la vannerie, cet art du tressage si présent dans l’archipel des Australes. Femmes de Polynésie est partie à la rencontre de cette artisane, toujours enthousiaste quand on lui parle de sa passion.

    La dextérité de ses doigts, rapides et précis, impressionne. Presque sans même regarder ses mains, Ramona Tevaearai plie et rabat des tiges de pandanus les unes sur les autres pour obtenir un tressage parfait.

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    « À Rurutu, la spécialité, c’est le tressage moulin. C’est un tressage un peu particulier, il représente vraiment mon identité, mes racines. »

    Si Ramona n’est pas née à Rurutu, son attachement envers cette île des Australes a toujours été très fort.

    « Je suis née à Tahiti et j’ai grandi à Vairao, mais enfant, je passais souvent mes vacances à Rurutu. J’étais fa’a’amu de mes grands-parents. À la mort de mon grand-père, ma grand-mère a décidé de retourner vivre définitivement sur son île natale. »

    En 2006, Ramona passe son bac à Tahiti et décide deux ans après de déménager à Rurutu pour s’installer auprès de sa grand-mère maternelle.

    « J’étais très attachée à elle. Je voulais lui rendre ce qu’elle m’avait donné et être près d’elle. C’était une artisane très reconnue pour son travail. Elle s’appelait Mireta Manate, veuve Pohemai. Son travail d’artisane était vraiment très complet : elle faisait des tīfaifai, de la vannerie et elle sculptait même sur du bois. C’est elle qui m’a appris les bases du tressage à 4, à 7. Mais pour elle, c’était aussi important d’avoir un travail dans un bureau. »

    La jeune fille commence à travailler à Rurutu : elle trouve un poste à l’internat, puis à l’école primaire.

    « Le domaine de l’éducation représentait 50 % de mon temps, mais je passais aussi 50 % à faire de l’artisanat. Je me suis formée en regardant les autres artisanes de l’association familiale et j’ai beaucoup appris comme cela. Elle me donnait des conseils aussi. J’aimais vraiment faire cela. »

    L’idée de devenir artisane à temps complet se fait de plus en plus présente dans son esprit.

    « J’ai eu envie de me mettre à mon compte, de travailler pour moi-même. Je me suis rendu compte aussi que je pouvais tout à fait gagner ma vie en étant dans l’artisanat. Je suis une battante. J’ai une phrase que je me répète souvent, c’est : “tu peux faire ce que tu veux. Écoute ce que ton cœur veut faire.” »

    Ramona décide alors de s’écouter et franchit le pas. Elle démissionne pour se lancer pleinement dans sa passion.

    « C’est beaucoup de travail bien sûr. On a un champ de pandanus dans le jardin. Il n’est pas très grand, mais il fournit assez de pandanus pour ma production personnelle, par contre on n’en revend pas. Mon mari coupe le pandanus. On fait ensuite sécher les feuilles pendant un mois environ, puis je m’occupe de faire des rouleaux de pae’ore de 30 cm de diamètre. »

    C’est avec ces grands rouleaux, qu’elle a fabriqués pendant des semaines, que la trentenaire réalise ensuite tous ses objets artisanaux.

    « Je fais beaucoup d’objets différents, comme des paniers, des porte-monnaie, des tapis et bien sûr des chapeaux. Le chapeau moulin, c’est la spécialité de Rurutu. »

    Pour les confectionner, Ramona travaille à son rythme, loin des horaires classiques de bureau.

    « J’aime travailler la nuit, quand tout le monde dort. Je suis tranquille, on n’est pas dérangé par le téléphone, les gens. Je peux tresser la nuit jusqu’à 4 heures du matin, l’heure à laquelle mon mari part faire son jogging. Il y a une ambiance particulière la nuit. »

    Mais si Ramona aime tresser et créer des objets, ce qu’elle aime aussi, c’est le côté humain, souvent mal connu, que peut apporter l’artisanat. Très investie dans les associations et comités artisanaux locaux, elle participe à de nombreux salons pour vendre ses confections. L’occasion pour elle, à chaque fois, de partager avec les artisans des autres îles, d’échanger avec les clients, et surtout de participer au rayonnement du tressage moulin de Rurutu, son île qu’elle aime tant.

    ©Photos : Pauline Stasi pour Femmes de Polynésie

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