À 100 ans, Sœur Noëlla raconte son amour pour ses « enfants » polynésiens

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Née le 25 décembre 1925, Sœur Noëlla Le Goanvic célèbre aujourd’hui ses 100 ans. Sœur de Saint-Joseph de Cluny, elle a consacré l’essentiel de sa vie à l’éducation des enfants en Polynésie française, notamment à Raiatea et aux Marquises. À l’occasion de cet anniversaire exceptionnel, elle revient sur son parcours, ses renoncements, ses joies et ses souvenirs, avec une simplicité désarmante.

Elle est née un jour à part, un jour de fête. « Je suis née le 25 décembre 1925 à 4 heures de l’après-midi. C’était le jour de Noël et j’ai été baptisée le lendemain matin », raconte Sœur Noëlla, la mémoire intacte, comme si la scène se rejouait encore sous ses yeux. Le prénom qu’on lui destinait n’était pourtant pas celui-là. « On devait m’appeler Jacqueline, et comme je suis née le jour de Noël, c’est devenu Noëlla », précise-t-elle, amusée par ce clin d’œil du destin.

Très tôt, la vie religieuse s’impose à elle comme une évidence. « Maman avait une sœur aînée qui était sœur de Saint-Joseph de Cluny. C’est grâce à elle que j’ai aimé les sœurs », confie-t-elle, sans chercher à embellir le récit. Une vocation née dans le quotidien, nourrie par l’exemple. Après la Seconde Guerre mondiale, en 1947, la jeune religieuse reçoit une affectation qui va bouleverser sa vie. « On m’a dit : il y a Raiatea. Je n’avais jamais entendu ce mot. Je suis allée regarder dans un dictionnaire, je ne l’ai même pas trouvé », se souvient-elle en souriant.

 

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Raiatea, puis les Marquises, deviennent son terrain de mission et d’engagement. Pendant plus de quarante ans, Sœur Noëlla enseigne, encadre, accompagne. « On avait des enfants de Maupiti, de Bora Bora, de Huahine, pensionnaires dans notre école », raconte-t-elle, mesurant aujourd’hui l’ampleur de cette responsabilité. Jamais, pourtant, elle n’a douté de son choix. « Je n’ai jamais regretté d’être religieuse et d’avoir fait la classe. Ça a été quarante-deux ans de ma vie », affirme-t-elle avec une certitude tranquille.

Les enfants restent au cœur de son engagement. « J’ai toujours aimé les enfants, toujours », répète-t-elle, comme un refrain. Le jour de son départ, l’émotion est vive. « Ils se sont tous rassemblés pour me dire au revoir. Je les connaissais tous par leur nom », se remémore-t-elle, émue. Des générations d’élèves, devenus adultes, parents, parfois grands-parents, mais dont elle n’a jamais oublié les visages.

Comme toute vie consacrée, la sienne a aussi été faite de renoncements. « Je n’ai jamais regretté de ne pas avoir eu d’enfants dans mon ventre, mais au départ c’était dur. C’est la chose qui m’a le plus coûté », admet-elle avec une grande sincérité. Une douleur apprivoisée avec le temps, et compensée, peut-être, par l’amour donné et reçu de milliers d’enfants.

Rencontre avec Marlon Brando : « Je ne savais pas qui c’était »

Parmi ses souvenirs les plus marquants, certains sont insolites. Elle se souvient notamment d’un voyage resté célèbre dans l’histoire de l’aviation polynésienne. « J’ai voyagé sur le premier vol à Tahiti d’un avion à réaction, avec Marlon Brando et toute son équipe », raconte-t-elle, encore surprise. « Ils tournaient Les Révoltés du Bounty. Je ne savais même pas qui c’était, ce Marlon Brando. Il ne faisait que rigoler et boire du champagne… et moi aussi on m’en a donné », ajoute-t-elle en riant.

Aujourd’hui, à 100 ans, Sœur Noëlla est la dernière représentante d’une génération. « Dans ce temps-là, on avait beaucoup de sœurs qui étaient des poopa. Moi, je suis la dernière, il n’y en a plus une seule dans notre communauté », observe-t-elle, avec une lucidité paisible. Un siècle de vie, et pourtant, aucune volonté de se mettre en avant. Lorsqu’on l’interroge sur ce cap symbolique, elle balaie toute idée d’exception. « Ça me fait quoi d’avoir 100 ans ? Je ne sais pas… je n’ai rien fait de particulier », conclut-elle simplement.

Une modestie à l’image de son parcours, marqué par le service, la transmission et une fidélité sans faille à ceux qu’elle appelle encore, à 100 ans, « ses enfants ».

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