Edouard Fritch : « Il y a une déconnexion avec les tavana et avec la population » 

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Le président du Tapura et maire de Pirae était l’invité du journal de TNTV, ce mercredi soir. Adoption d’un texte à l’Assemblée nationale élargissant les compétences dévolues aux communes, vote du budget du Pays, qui ne « répond pas aux besoins de la population, selon lui, mais aussi retrait de sa résolution s’opposant à la reprise des essais nucléaires dans le monde, Edouard Fritch a répondu à diverses questions d’actualité. Interview.

TNTV : Vous êtes le président du groupe Tapura à l’Assemblée, mais aussi maire de Pirae. L’Assemblée nationale vient de voter un texte élargissant les compétences dévolues aux communes. Mais le débat a été houleux…

Edouard Fritch : « Oui. Laissez-moi d’abord féliciter nos parlementaires, parce que ça a été un travail assez long. Il fallait convaincre et aujourd’hui c’est chose faite, y compris Mme Reid Arbelot. Je pense qu’effectivement, elle était le perroquet du président. Elle est venue dire à l’Assemblée nationale ce que le président Moetai Bortherson souhaitait au sujet de cette loi. Mais il ne faut pas se tromper. Nous ne courons pas après les compétences. Nous en avons suffisamment. Mais ce qui se passe aujourd’hui, c’est que nous nous occupons de nos jeunes, nous nous occupons de nos personnes âgées, nous nous occupons de sport et nous n’avons pas le droit. Donc, cette extension de la loi va permettre de sécuriser le travail des maires dans les communes. Et je pense en particulier à ces communes éloignées, parce que les communes éloignées n’ont pas la direction des affaires sociales, n’ont pas la direction de la jeunesse et des sports chez eux. C’est Tavana qui fait tout ».

 

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TNTV : La députée Mereana Reid Arbelot a toujours affiché son opposition à ce texte. Elle pose notamment la question des moyens mis à la disposition des communes pour exercer ces compétences. C’est tout de même une inquiétude, notamment pour les plus petites communes ?

Edouard Fritch : « Qu’elles ne disent pas n’importe quoi. Ce n’est pas un problème financier. Les maires ne courent pas après de l’argent. Les maires courent après une sécurité dans les réalisations qu’ils font dans leurs communes. Ce n’est pas une question de financement. Et je crois qu’effectivement, M. Moetai Brotherson se bat, parce qu’il craint que le partage de compétences derrière veut dire partage de financement, parce qu’effectivement, c’est le Pays qui finance ses compétences. Mais vous savez, nous faisons tout ce travail avec ce que nous avons, ce dont nous disposons, et nous n’en demandons pas plus ». 

TNTV : Selon Mereana Reid Arbelot, je la cite : « l’autonomie n’est pas un jouet électoral ». Cette adoption intervient à quelques mois des élections municipales. Est-ce un hasard du calendrier ?

Edouard Fritch : « Je lui demande de regarder l’histoire de ce pays. Cette demande des maires date d’au moins 10 ans. Ils ont commencé déjà à mon époque. Et nous avons effectivement beaucoup discuté. 46 maires sur 48 sont demandeurs aujourd’hui. Il y a quand même un problème quelque part ». 

TNTV : qui sont les 2 maires qui se sont retirés ? Oscar Temaru, Antony Gèros…

Edouard Fritch : « Bien sûr. Mais enfin, ce n’est pas une majorité de maires. Ce n’est pas une majorité qualifiée. C’est l’ensemble des maires qui le demandent. Donc c’est que quelque part, il y a un vrai besoin. Et ce besoin, c’est le besoin de la population ».

TNTV : Autre actualité : l’adoption budget 2026, mardi. Un budget de continuité, mais qui manque d’ambition, selon vous. Pour quelles raisons ?

Edouard Fritch : « C’est la majorité qui parle de budget de continuité. Nous ne disons pas que c’est un budget de continuité, parce qu’ils ne savent pas faire comme on l’a fait, nous. C’est le rapporteur même du budget qui le dit à l’Assemblée, chose qui a été d’ailleurs rectifiée par le président derrière. Effectivement, ce budget, j’ai envie de dire, pour être court, c’est un budget sans saveur. On ne répond pas aux besoins des populations. Que réclame la population ? Quand ils disent en engagements électoraux, lorsqu’ils se sont présentés, ils ont dit qu’ils allaient influer sur le coût de la vie, qu’ils allaient baisser le coût de la vie. Qu’est-ce qu’on entend dire à l’Assemblée ? Je ne plaisante pas. A l’Assemblée de Polynésie, on nous dit qu’on va mettre 4 à 5 milliards pour construire des pistes cyclables, et ça va intervenir sur le coût de la vie ? Vous pouvez m’expliquer ce qui se passe ? Personne n’a rien compris. Mais on en est à ce point-là. Et les moyens qui sont mis en place aujourd’hui ne viennent pas justifier ce que dit le gouvernement. Je pense qu’il y a une déconnexion entre la campagne électorale et les engagements que le gouvernement a pris avant les élections et ce qui se passe aujourd’hui. Il y a une déconnexion, une déconnexion avec les tavana et une déconnexion avec la population ».

TNTV : Pour Moetai Brotherson, ce budget a été fait en fonction des besoins réels de la population. Avant le vote du budget, les débats ont aussi tourné autour du « pack fiscal » en début de semaine. Parmi les projets adoptés, il y a un fonds de 4 milliards pour lutter contre la vie chère. Une somme prélevée au sein du Fonds intercommunal de péréquation. Selon vous, cela va impacter le fonctionnement des communes ?

Edouard Fritch : « Bien sûr. La mesure qui est prise pour alimenter ce fameux fonds de 4,5 milliards est prise sur les taxes du Pays, sur lesquelles les communes en ont une partie : 17% de ces taxes. Ce que fait le gouvernement aujourd’hui va réduire de 800 millions le FIP pour les communes. C’est énorme pour nous. Le FIP vient financer pratiquement la moitié du budget de fonctionnement des communes. On doit être, pour l’année prochaine, aux alentours de 20 milliards. C’est énorme. Et bien sûr, le gouvernement nous dit : ‘Oui, mais le FIP a environ 15 milliards de réserves’. Mais vous savez que si on a de la réserve, c’est parce qu’on voit loin, c’est parce qu’on veut se préserver, se prémunir face à de futures crises. Lorsque la crise de 2010 est arrivée dans le pays, nous n’étions pas préparés. Ça a coûté cher aux communes pratiquement 2 ans d’inaction ».

TNTV : Le ministre de l’Économie explique tout de même que si la création de ce fonds met en difficulté le FIP, il pourrait revoir son dispositif. Est-ce que ça ne suffit pas à vous rassurer un peu ? 

Edouard Fritch : « Je lui ai dit en séance que ce n’est pas digne d’un ministre de le dire. Lorsqu’on prend une décision, on doit garantir, on doit assurer l’exécution de cette décision. On ne peut pas prendre une décision et dire : ‘Bon, écoutez, à la fin de l’année prochaine, on va regarder’. Non ! Nous, on ne peut pas jouer avec ça. On ne peut pas s’exposer à des risques en matière financière. Donc chacun a sa façon de voir les choses, n’est-ce pas ? »

TNTV :  La séance s’est poursuivie ce mercredi avec des débats houleux sur votre proposition de résolution d’interdiction des essais nucléaires. Vous avez même quitté l’hémicycle et la séance a été suspendue. Finalement, la résolution a été retirée pour un sujet qui devrait faire l’unanimité. Que s’est-il passé ?

Edouard Fritch : « Depuis 2021, avec Reko Tika, avec ma demande de pardon à l’Assemblée de Polynésie, où effectivement, j’ai reconnu que nous avons menti sur les essais nucléaires, le président Sarkozy l’a fait. En fait, tout le monde l’a fait derrière. Je souhaitais, avec cette résolution et profitant de la déclaration du président Trump sur la reprise des essais américains, je pensais que c’était là un sujet qui pouvait nous unir, un sujet que nous pouvions discuter ensemble dans la paix, dans la sérénité. Et en fin de compte, on découvre que le Tavini Huiraatira revient avec des insultes sur la France. La France en a pris plein la figure. Et ce n’est pas ce que je recherche. Je ne veux pas que cette résolution devienne un sujet de division. Bien au contraire, puisque nous, les autonomistes, nous voulons parler. Nous voulons apporter notre pierre à l’édifice de la paix.  Donc J’ai retiré la résolution. Et puis on verra ça plus tard ».

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