Compétences élargies des tavana : le texte adopté à l’Assemblée nationale

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Vivement débattu en séance par les députés polynésiens, le texte permettant d'élargir le champ de compétence des maires de Polynésie française a été adopté à la majorité absolue ce mercredi à l'Assemblée nationale. La député Tavini, Mereana Reid Arbelot et son groupe GDR ont voté contre.

76 voix pour et 32 contre. L’Assemblée nationale s’est laissé convaincre mercredi par les arguments des députés autonomistes. L’autorité parlementaire a adopté à la majorité absolue la proposition de modification de l’article 43 du statut d’autonomie de la Polynésie. Un texte qui donne plus de compétences aux tavana dans huit nouveaux domaines d’intervention normalement du ressort du Pays, notamment en matière d’aides sociales, de culture, de logement, d’urbanisme.

« 46 maires sur 48 soutiennent cette réforme. 46 maires de sensibilités divergentes, de communes grandes et petites, urbaines et éloignées, se sont accordés sur une même conclusion. Le cadre actuel ne fonctionne pas » a introduit la rapporteure du texte, la députée autonomiste, Nicole Sanquer (du groupe Liot), en séance à l’Assemblée nationale.

 

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« Les besoins sont larges, mais la commune est enfermée dans un cadre étroit. Le pays est théoriquement compétent, mais son absence d’intervention n’autorise pas pour autant la commune à agir » a déclaré la député. « Ce n’est pas de l’autonomie locale, c’est de la délégation conditionnelle. Face à cette inertie, le président Brotherson a rédigé dans l’urgence un projet de loi de pays ».

Le projet de loi concurrent lancé dans le circuit législatif par le Pays en parallèle de l’intervention des sénateurs polynésiens en commission des lois n’a visiblement pas convaincu les députés autonomistes. Nicole Sanquer lui reproche notamment de placer les communes sous la tutelle du pays, « ce qui porte une atteinte manifeste aux principes constitutionnels de libre administration des collectivités territoriales et risque à ce titre la censure du Conseil d’État ».

De son côté le président du Pays avait qualifié la démarche autonomiste sur notre plateau de « gesticulations politiciennes ». Son premier souci, avait-il expliqué, est que « les Tavana exercent déjà les compétences qui sont les leurs aujourd’hui. L’eau, les ordures, transport public communal, entretien des voies communales, tout ça aujourd’hui, la plupart de nos Tavana n’y arrivent pas. Plutôt que de s’occuper des vrais problèmes d’aujourd’hui, ils vont réclamer plus de compétences. Il faut être sérieux à un moment donné.« 

« Mon gouvernement n’est pas opposé à l’exercice de ces compétences par les maires, mais il souhaite que ce débat se fasse ici, au niveau de l’Assemblée de Polynésie française et non en France hexagonale » avait-il déclaré ensuite à l’assemblée de la Polynésie, répondant à Nicole Sanquer.

« Où est-ce que vous voyez dans ce texte des connotations de domination ?« 

Naima Moutchou, ministre des outre-mer

« La discussion de ce texte dans cette assemblée procède d’un réflexe colonial qui consiste à imposer depuis Paris une décision concernant l’organisation interne d’un territoire pourtant reconnu comme autonome par nos propres lois, » a déclaré le député LFI, Bastien Lachaud, pour justifier le dépôt d’une motion de rejet préalable.

Une intervention qui a visiblement agacé la ministre des outre-mer, Naima Moutchou. « Qui peut croire que sur ce texte pour donner de la liberté aux communes, donner un cadre, qui peut venir parler de colonialisme ? 46 communes le demandent, où est-ce que vous voyez dans ce texte des connotations de domination ? (…) Nous sommes en train de traduire ce que des élus locaux font déjà sur le terrain ».

Cette motion de rejet LFI, c’est « un refus d’entendre les Polynésiens » renchérit le député Moerani Frébault. « On nous parle de décolonisation, mais parler à la place des Polynésiens contre l’avis unanime de leur représentant de proximité, ça c’est du néo-colonialisme ».

« Que se passera-t-il lorsqu’une commune et le pays poursuivront des politiques contradictoires en matière sociale, économique ou environnementale ? »

Mereana Reid Arbelot, députée GDR

Du côté des opposants au texte, intervenir depuis Paris revient à « court-circuiter » les institutions polynésiennes. « Respectez vos homologues de Polynésie ! » s’impatiente Mereana Reid Arbelot. La députée indépendantiste a vivement dénoncé un « texte d’affichage » relevant selon elle de la « poudre aux yeux », et présenté comme « une illusion de pouvoir dépourvue des moyens indispensables. Il flatterait les élus locaux sans leur fournir les outils opérationnels requis. »

Celle-ci pointe notamment du doigt un risque de chevauchement des compétences, « faute de hiérarchie claire ». « Que se passera-t-il lorsqu’une commune et le pays poursuivront des politiques contradictoires en matière sociale, économique ou environnementale ? Qui décidera ? L’État ? Le Parlement ? Paris ? Les juges ? Est-ce cela l’autonomie ? Cette proposition est née sans véritable concertation, sans approche globale, sans réflexion institutionnelle sérieuse ». Sur la même ligne que le président de la Polynésie française, la députée Tavini dénonce enfin une démarche « politique » qui arrive « opportunément à l’approche des élections municipales et sénatoriales ».

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