Le LCDC (Fonds de Lutte contre la cherté et développement de la concurrence) et ses 4,1 milliards de francs ont été adoptés par l’Assemblée de Polynésie française, ce lundi, par 41 voix pour et 16 voix contre.
Ce fonds – qui sera utilisé à hauteur de 950 millions pour la farine, 50 millions pour l’APC, 800 millions pour le fret international de certains PPN et 1,4 milliard pour le fret interîles – visant une baisse moyenne de 6 % sur les produits les plus consommés, sera abondé par la TDL rénovée et les droits de douane.
– PUBLICITE –
La réduction induite de l’enveloppe dédiée au Fonds intercommunal de péréquation (FIP) inquiète toutefois Nuihau Laurey, qui alerte sur une fragilisation des communes. « Pour éviter que cela impacte trop négativement les communes, est-ce qu’on ne peut pas prévoir une modification du taux de FIP (17%) pour les exercices suivants ? (…). Je pense que, quand il y a création de fonds spéciaux, on peut imaginer une modulation du FIP » suggère-t-il.
Une crainte paratagée par Ueva Hamblin. « Le FIP est un mécanisme de solidarité entre communes, permettant de restituer une partie des ressources fiscales vers les communes les moins dotées. Sa diminution pourrait fragiliser les budgets communaux, notamment ceux des communes les plus pauvres, créant ainsi un effet pervers. Nous lutterions contre la cherté au niveau du pays tout en affaiblissant les collectivités les plus proches de la population » avance-t-il. Comme l’élu non-inscrit, il préconise qu’un rapport annuel détaillé sur la gestion du fonds soit présenté aux représentants de l’Assemblée.
Côté Tapura, on dénonce une communication plus qu’une mesure efficace. Maire de Punaauia, Simplicio Lissant fustige ce qu’il considère comme de « l’affichage pour dire à la population que nous faisons quelque chose pour lutter contre la vie chère » . « La justice sociale, vous l’invoquez également au travers du dispositif tama’a maitai. Or, ce dispositif, si tant est qu’il fonctionne réellement, ne fait aucune différence entre les salariés qui pourraient en bénéficier (…). Au final, nous avons bien compris que tama’a maitai devrait surtout bénéficier aux fonctionnaires de notre Pays » , lance-t-il.
Dexter défend une “transparence” réversible
Le ministre de l’Économie, Warren Dexter, évoque plus volontier un « objectif de transparence, de clarification pour la population » . « Quand toutes ces actions sont noyées dans le budget général, c’est difficile à lire » , explique-t-il.
Quant au FIP, selon lui, pas d’inquiétude : « Si on se permet aussi de le faire, c’est parce qu’il y a des réserves importantes qui sont de l’ordre de 20 milliards de francs dans le FIP. L’objectif, ce n’est pas du tout d’affaiblir le FIP, bien au contraire. Ce que je veux dire, c’est que ce qu’on fait aujourd’hui, on peut le défaire demain. Ce n’est pas figé. On crée un compte spécial où on met 4 milliards dedans. Ça ne veut pas dire que ça va durer éternellement » , nuance-t-il.
Le PPN subventionné ne fait pas l’unanimité
Autre texte soumis à l’Assemblée, le projet de loi du Pays visant à prendre en charge une partie du fret international pour 14 familles de produits de première nécessité importés (notamment le lait, la farine, le riz, le fromage type Chesdale et les biscuits sao). Cette mesure, estimée à 800 millions de francs sur le budget du Pays, est présentée par le gouvernement comme un moyen ciblé d’alléger immédiatement le panier des ménages les plus précaires.
S’il a été adopté par 51 voix pour et 3 contre, « beaucoup de zones d’ombre subsistent » , pointe le représentant Tapura Henri Flohr. « On nous demande de voter, mais nous ne savons pas quels produits seront pris en charge. Bref, cela revient à signer un chèque en blanc au gouvernement » , lance-t-il .
Contrairement au fonds LCDC, Nuihau Laurey s’oppose à ce dispositif, qu’il qualifie d’ « énième usine à gaz » , dénonçant un interventionnisme mal ciblé. « Au-delà du fait que ça concerne qu’un nombre limité de produits, donc l’impact sur les prix va être relativement limité, on est encore dans un système d’intervention directe du pays dans des activités qui relèvent pourtant du secteur concurrentiel » , argumente-t-il.
Selon le leader AHIP, cette aide profite surtout aux grandes sociétés capables d’adapter leurs prix à la source, et non aux petites structures. « Il y a quand même des opérateurs du commerce international en Polynésie qui ont des volumes d’interventions qui, aujourd’hui, leur permettent d’avoir quasiment partout dans le monde des structures d’achat et qui leur permettent de maîtriser tout le processus de construction des prix. En mettant en place un dispositif de soutien comme celui-là, ceux qui ont la capacité à gérer, à moduler leurs prix directement à la source vont effectivement le faire pour bénéficier à plein de ce dispositif. Par contre, les petites structures qui, elles, sont soumises à la réalité des prix, elles seront contraintes à respecter le dispositif qui est mis en place » , ajoute-t-il.
Quid de la durée du dispositif
Warren Dexter invoque une réponse immédiate et ciblée, après l’échec des accords de modération volontaires avec les distributeurs pour progressivement supprimer les PPN. « Cela n’a pas marché parce qu’il y en a plein qui ne voulaient pas rentrer dedans. Donc on a dit qu’on allait avoir un régime hybride (…). Ce n’est pas une révolution. Ça ne va pas impacter l’indice des prix à la consommation. La mesure est sociale. C’est pour répondre à ceux qui disent que même le PPN, c’est cher » , justifie-t-il.
Pour lui, le terme d’ « usine à gaz » est exagéré. « Concrètement, on a très peu d’importateurs de PPN. Ça va se traduire une transmission de fichiers de la donnée à la DGAE pour le remboursement. Ça ne va pas être compliqué. Après vous dire que ça va durer dans le temps, ça sera à nous de voir. Pour l’instant, c’est une prise en charge qui est réservée qu’à quelques produits. 800 millions dédiés à la prise en charge du fret pour 14 familles de produits sur les 70. En nombre, c’est pas beaucoup, mais en valeur, c’est beaucoup » , conclut-il.



