“C’est faux”. Telle a été la principale ligne de défense du père Noël Ato Nohotemorea devant le tribunal correctionnel, ce mardi. Renvoyé à la vie civile en 2024 par le pape François pour « délits graves », c’est pourtant vêtu d’une chemise noire à col romain, signe distinctif des ecclésiastiques, qu’il s’est présenté à la barre.
Mais devant la justice des Hommes, les fautes qui lui sont reprochées sont nombreuses. L’intéressé est accusé d’avoir encaissé durant plusieurs années des fonds issus des quêtes, censés revenir au Conseil d’administration de la mission catholique de Tahiti (Camica) pour un montant de 13,7 millions de francs.
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Mais aussi d’avoir fait profiter ses proches de cette manne financière : l’une de ses amies, ainsi que son frère et sa sœur, qu’ils avaient embauchés dans ses paroisses, et leurs époux et épouse respectifs, pour près de 9 millions de francs supplémentaires.
“Il a fait vœu de pauvreté mais il vit avec des dépenses et des véhicules somptuaires (…) Son comportement a terni l’image et les valeurs morales de l’Église”, a déploré en marge de l’audience Me Isabelle Nougaro, l’avocate du Camica qui réclame un million de francs de dommages et intérêts au titre du préjudice moral.
Autre partie civile au procès : une ex fidèle du prêtre. Celle-ci avait financé pour celui-ci et son entourage un séjour aux Etats-Unis pour plus d’un million de francs. “Il voyait mon âme bruler en enfer (…) Il m’a dit que ce voyage allait lui permettre de reprendre des forces pour combattre les forces du mal. J’ai cédé. On s’est fait avoir”, a témoigné la plaignante devant les enquêteurs.
Et l’ex-homme d’Église serait revenu à la charge peu après les vacances. Cette fois pour un 4X4 d’une valeur de 3,3 millions de francs. “Il nous disait qu’il avait besoin d’un véhicule à la hauteur de ses combats contre les démons (…) Il avait besoin d’un pick-up avec une remorque pour les mettre dedans. On a fait un crédit et il a mis la voiture à son nom”, a encore raconté la paroissienne qui lui avait aussi offert un tour en hélicoptère pour son anniversaire.
“Il y a de la générosité, ici”
“Elle ment”, a asséné à chaque fois l’ancien prêtre, “je ne lui ai jamais demandé d’aller en Amérique”. Quant à la voiture : “Elle m’en a fait don car elle m’a dit que je l’ai aidée dans son couple et dans sa vie spirituelle”. Et celui-ci de poursuivre, sûr de lui : “Il y a de la générosité, ici. Deux familles m’ont proposé une maison gratuitement”.
L’ex-prêtre a aussi assuré avoir présenté régulièrement la comptabilité de ses paroisses au Camica. Et il a invoqué le droit canonique pour expliquer qu’il avait la latitude pour réaliser des embauches et se verser des fonds provenant de la quête, le principe de séparation de l’Église et de l’État n’ayant pas été appliqué en Polynésie.
“Les gendarmes ont conclu que les choses ont été faites au préjudice du Camica. Mais ils ont une totale méconnaissance du système juridique de l’Église. Le Conseil d’administration n’est là que pour gérer les actes de la vie civile. Dans le droit canonique, le curé est à la tête de la paroisse (…) Il y aurait dû avoir un audit financier”, a estimé son avocat, Me Stanley Cross, qui entend plaider la relaxe de son client.
A l’heure où cet article a été mis en ligne, le procès était en effet toujours en cours et le délibéré pourrait être rendu ultérieurement. Le père Noël Ato Nohotemorea reste présumé innocent.
Mais ce dossier judiciaire n’est pas le seul inquiétant l’ancien homme d’Église. Il est aussi sous le coup d’une autre enquête, cette fois pour viols sur une paroissienne.
Les investigations ont été confiées à la Section de recherches de la gendarmerie. La procédure n’est pas encore clôturée au palais de justice. “Il conteste bien évidemment les faits”, a déclaré Me Cross.



