Élargissement des compétences des tavana : Moetai Brotherson dénonce des « gesticulations politiciennes »

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Pour la première fois, Matari’i i ni’a devient un jour férié en Polynésie française, avec des célébrations d’envergure à Papeete et Tautira. Invité de nos journaux ce mercredi, Moetai Brotherson défend une fête culturelle et historique, loin de tout enjeu partisan, et détaille un budget de 26 millions Fcfp dédié aux associations et aux participants. Le président répond également aux critiques, revient sur l’application progressive du jour férié, et se prononce sur plusieurs dossiers sensibles : compétences des tavana, budget Outre-mer et dialogue avec l’État sur la décolonisation. Interview.

TNTV : C’est la première fois que Matari’i i ni’a est férié. Le pays a visiblement décidé d’en faire un événement hors normes. Pourquoi ce choix ?
Moetai Brotherson, président de la Polynésie française : « Hors normes, je ne dirais pas ça, mais il faut bien marquer le coup pour cette première fois que Matari’i i ni’a sera célébré. Notre idée, c’est de l’inscrire finalement dans la vie de notre peuple. Et pour ça, il faut mettre un peu de moyen, c’est vrai. »

TNTV : On entend souvent reprocher aux autonomistes d’en faire trop à l’occasion du 29 juin. Ne craignez-vous pas les mêmes critiques ?
Moetai Brotherson : « Certainement, mais si vous voulez, il ne s’agit pas ici d’une fête politique. Il s’agit ici d’une fête qui célèbre un marqueur historique et un marqueur culturel. C’est complètement différent. »

 

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TNTV : Une telle organisation suppose un coût, notamment le feu d’artifice. Combien le pays dépense-t-il pour ces célébrations ?
Moetai Brotherson : « En tout, le budget qui a été prévu est de 26 millions, ce qui reste inférieur aux plus de 29 millions qui étaient autrefois dévolus pour le 29 juin. C’est une somme, mais cette somme, elle est reversée aux associations, à tous ceux qui participent. Vous savez, nous aurons plus de 1 700 participants qui vont défiler sur le boulevard de la Reine Pomare IV, et donc tout ça, ça a un coût. L’organisation, c’est cher. Il faut nourrir les participants. C’est tout ça qui a un coût. »

TNTV : Le 20 novembre est un jour férié, notamment pour les fonctionnaires du Pays. Mais pas pour tout le monde. Certains iront au travail comme un jour normal. Vous espérez que l’an prochain, tout le monde pourra profiter de sa journée du 20 novembre ?
Moetai Brotherson : « Je n’espère pas. C’est une obligation. Nous avons prévu une période transitoire, puisque certaines entreprises n’avaient pas fait référence à la liste officielle des jours fériés dans leur convention collective. C’est le problème qu’on a cette année. Donc elles devront réviser cette convention collective. Elles ont un an pour le faire. Et ensuite, l’an prochain, elles feront référence à la liste officielle des jours fériés. Donc le 20 novembre 2026 sera férié pour tout le monde. »

TNTV : Qu’est-ce qui distingue les célébrations annoncées à Papeete et à Tautira ?
Moetai Brotherson : « Papeete, on a voulu que ce soit la festivité, le côté populaire qui soit mis en avant. C’est pour ça qu’il va y avoir ce feu d’artifice. Il y a ce bal populaire en fin de soirée. Il y a ces défilés de chars fleuris. C’est un côté plus festif. À Tautira, nous avons voulu quelque chose de plus ancré dans la transmission des savoirs. Il y aura, par exemple, une experte qui va venir faire in situ les explications sur les étoiles à la tombée de la nuit. Avec des ateliers de transmission pour les jeunes générations, beaucoup plus ancrés dans la culture et la transmission. Mais ce ne sont pas les seuls temps forts. Il y a aussi le CHPF qui a lancé son va’a ora et qui célèbre Matari’i i ni’a pendant 4 jours. Vous avez le musée des îles qui va également offrir, le dimanche 23 novembre, un programme chargé sur Matari’i i ni’a. Vous avez les îles Australes, les Tuamotu, Tumaraa qui participent également. C’est quelque chose qui a déjà bien pris et nous espérons que ça va prendre de l’ampleur chaque année. »

TNTV : Un nouveau pas vient d’être franchi pour permettre aux Tavana d’élargir leur champ d’intervention. En tout cas, de conforter juridiquement certaines de leurs actions. Qu’en pensez-vous ?
Moetai Brotherson : « J’en pense que le souci premier des habitants de nos communes, ce n’est pas ces gesticulations politiciennes. Leur souci premier, c’est que les Tavana exercent déjà les compétences qui sont les leurs aujourd’hui. L’eau, les ordures, transport public communal, entretien des voies communales, tout ça aujourd’hui, la plupart de nos Tavana n’y arrivent pas. Plutôt que de s’occuper des vrais problèmes d’aujourd’hui, ils vont réclamer plus de compétences. Il faut être sérieux à un moment donné. »

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TNTV : Une réaction sur le budget Outre-mer ? Êtes-vous inquiet pour la Polynésie ?
Moetai Brotherson : « Je suis attentif. Je rejoins évidemment le sénateur Teva Rohfritsch et l’ensemble de nos parlementaires qui défendent bec et ongle les lignes budgétaires qui sont dévolues à la Polynésie. Il ne faut pas oublier que la mission Outre-mer dans le budget de l’État, ce n’est pas l’essentiel des crédits qui sont dévolus à la Polynésie française. Il y a beaucoup plus d’argent du côté de l’Éducation nationale que dans la mission Outre-mer elle-même. Mais il faut mener ce combat sur tous les fronts. »

Lire aussi – PLF 2026 : la commission des lois contre la baisse du budget des Outre-mer

TNTV : Un mot sur la demande de l’Assemblée examinée hier au tribunal administratif pour engager un dialogue avec l’État sur la décolonisation. Le rapporteur a estimé hier que la juridiction devait se déclarer incompétente sur un dossier politique. Vous comprenez cette analyse ?
Moetai Brotherson : « Je comprends l’aspect technique de cette analyse. Maintenant c’est l’avis du rapporteur. Il faut voir s’il va être suivi. Il faut voir quelle va être la conclusion réelle du tribunal sur ce dossier. Ensuite on verra pour la suite. »

TNTV : Le Tavini accuse l’État de verrouiller le dialogue sur la scène internationale mais aussi sur la justice interne. Vous êtes d’accord ?
Moetai Brotherson : « Je pense que depuis 2023 que le Tavini est au gouvernement, nous avons largement ouvert la porte au dialogue et nous n’avons pas été entendus. »

TNTV : Avez-vous la volonté d’engager un recours ?
Moetai Brotherson : « On n’a pas encore les conclusions du tribunal. On a l’avis du rapporteur et en fonction des conclusions du tribunal, j’aviserai. »

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