Autodétermination : le rapporteur écarte le juge, l’État accusé de fermer la porte au dialogue

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Le tribunal administratif examinait ce matin la demande de l’Assemblée de Polynésie visant à engager un dialogue avec l’État sur l’autodétermination, sous l’égide de l’ONU. Dans ses conclusions, le rapporteur a estimé que cette initiative relevait d’un acte de gouvernement, soit d’une décision politique échappant au contrôle du juge administratif. Résultat : le tribunal pourrait se déclarer incompétent.

Révision constitutionnelle d’un côté, relations internationales de l’autre : dans les deux cas, la décision relève de la politique, pas de la justice. Autrement dit, le juge n’a pas à s’en saisir. C’est la conclusion rendue ce matin par le rapporteur du tribunal administratif sur la demande de l’Assemblée de Polynésie touche à des domaines strictement politiques. Une requête visant à ouvrir, sous l’égide de l’ONU, un dialogue entre l’État et les institutions polynésiennes en vue d’un éventuel processus d’autodétermination.

Selon le rapporteur, le juge administratif ne peut pas trancher. Le tribunal devrait donc se déclarer incompétent.

 

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Déception du côté des requérants qui accusent l’État de vouloir « privilégier un rapport de force ».

« On demande simplement un dialogue, déclare Me Thibaud Millet, avocat des requérants. L’État refuse totalement, aussi bien sur la scène internationale que devant la justice interne. C’est assez caricatural, du refus total, absolu, de l’État à vouloir dialoguer, et qui est totalement incompréhensible en réalité, puisqu’il ne s’agit de rien d’autre qu’une demande de discussion.« 

Pour l’avocat, la démarche ne porte pas sur l’indépendance, mais sur un droit déjà reconnu aux peuples d’outre-mer : celui de discuter de leur avenir institutionnel. Selon lui, une révision de la constitution n’est donc pas nécessaire à ce stade. « Il ne s’agit pas d’indépendance. C’est le droit, pour un peuple, de décider de son avenir. Ce dialogue n’a jamais eu lieu en Polynésie. Pour l’instant, tout ce que l’on demande, c’est l’engagement d’un dialogue, et pour cela, il n’y a pas besoin de réformes constitutionnelles.« 

Du côté du Tavini, on ne s’étonne pas de la position de l’État. Objectif maintenant : aller au bout des recours internes. « Ce qu’on veut, nous, c’est en finir avec les voies de recours internes en droit français, pour que, justement, on soit plus libre au niveau des juridictions internationales, explique Richard Tuheiava, directeur de cabinet du président de l’Assemblée. Et puis, si par le pur des hasards, on y arrive au niveau du droit français, pourquoi pas ? Et je trouve que les arguments, d’ailleurs, que nous avons développés sur la base du droit français sont déjà pertinents.« 

Difficile cependant pour le Tavini de ne pas relever la différence de traitement avec la Nouvelle-Calédonie qui voit défiler les ministres de l’Outre-mer, dans un effort sans précédent pour sortir de la crise politique. « En Nouvelle-Calédonie, vous avez une ministre de l’Outre-mer qui se dépatouille pour essayer de mettre d’accord les loyalistes et les indépendantistes, en cassant un peu le jeu des indépendantistes. Et ici, on a le clan indépendantiste qui se retrouve en justice pour demander simplement, quasiment la même chose, mais à l’ONU, et c’est niet. »

Pas question pour autant de prendre la voie parlementaire, ni celle du rapport de force portée dans la rue à l’instar de la Nouvelle-Calédonie. « Ça, on ne le souhaite surtout pas. Par contre, cette arrogance de l’État, ce mépris même vis-à-vis du droit ! Ce n’est pas l’Assemblée qui est attaquée, ce n’est pas le Tavini qui est attaqué. On représente en fait un droit que tout le monde peut exercer dans la rue et quand on vient devant le TA pour réclamer ça de l’État, c’est ça la réponse : le droit à l’autodétermination, oui, mais en dehors, pas intramuros. »

Le jugement est attendu pour le 2 décembre.

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